«I love her and love her, again
Now she came here in silence
Waiting for no one, asking for nothing»
— “Princess” (sung by Bernie Schwartz)
«Sometimes I think I see you there
I feel your presence fill the air
Oh oh oh I know I love you, deep in my heart»
— “Now” (sung by Barbara Wallace)
A Pilou72
The Comfortable Chair est un groupe américain. Leur unique album, produit par Robbie Krieger & John Desmore (membres des Doors, oui!), est une gerbe de mélodies aux parfums très californiens, souvent suaves, éthérées, graciles, parfois pleines de sève et de vitalité. Comme le montre la pochette, ils sont sept: six garçons et une fille. Cette dernière, Barbara Wallace, partage le chant avec Bernie Schwartz et Gene Garfin. Quant aux autres, Tad Baczek, Greg Leroy, Gary Davis, Gene Garfin, ils tiennent, qui la guitare de proue, qui la basse, qui les claviers; Greg Leroy joue également de la guitare, et Gene Garfin assure parfois quelques percussions. Je peux en outre indiquer que le principal compositeur — et, vraisemblablement, leader — est Bernie Schwartz, et que ce L.P., qui a bénéficié d’une réédition CD en 2006, sortit sur le label de Lou Adler, Ode, le 1er janvier 1968, enfin, qu’en 1969, s’en suivit deux singles, “Be Me/Some Soon - Some Day” et “I'll See You/Now” — quatre titres figurant déjà sur le L.P..
Bernie Schwartz, connu comme compositeur dans le gotha d’Hollywood, s’est manifesté sous les noms d’Atello, Bernie Ballentine et, juste avant The Comfortable Chair (fin 1966), sous celui d’Adrian Pride — ce pour un single, “Her Name Is Melody”: une ballade “sunshine pop” aux arrangements extraordinairement psychédéliques. Il est également connu pour sa longue collaboration avec les Everly Brothers — et, après leur séparation, avec le cadet, Phil Everly —, ainsi que pour “The Wheel”, L.P. — qualifié d’«assez étrange»* par Philippe Thieyre — paru sous son nom en 1970, juste après la dissolution de The Comfortable Chair.
Le piano est à l’honneur. Il figure sur la plupart des morceaux avec une guitare souvent feutrée, un orgue vibrant et barrissant, une basse clappante, une batterie dominée par la caisse claire et une foule d’instruments: flûte traversière, flûte à bec, clavecin, clarinette et le panel lyrique habituel: violons-violoncelle. La voix de Bernie Schwartz, douce, onduleuse, capable d’envolées célestes, est plus exaltante que celle, claire mais un peu crispée dans ses élans, de Barbara Wallace, et les entrelacs vocaux, les chœurs, fournis et onctueux, sont des plus alliciants.
La première face, la plus captivante, la plus mémorable, débute avec “Ain’t good no more” (chanté par Barbara), un titre fulminant, mouvant, aux couleurs très rock ‘n’ roll, traversé de roulis de vagues et de gazouillis d’oiseaux, puis se distingue par deux chansons somptueuses, douces et délicates: “Child’s garden”, berçante et enchanteresse, qui s’ouvre sur un air de clarinette; “Princess” (chantée par Bernie), exquise et romantique, également parée d’une mousseuse clarinette, mais encore de violons, de pizzicati, de cascades de congas la filigranant de fugaces accents latins. L’on y remarque aussi “I’ll see you”, une merveilleuse pop song, alerte, allègre, précédée de roulements de batterie, de duveteux arpèges de guitares, d’une basse métronomique, d’une flûte coquette, puis vaillamment escortée par un pétillant clavecin. Restent “Some soon – Some day”, onirique, tendre et vaporeux, chanté par Bernie et soutenu par Barbara, et “Now”, madrigal au rythme sautillant marqué par une darbouka, rehaussé par le champlevé des guitares, les micassures du piano et les exaltations de Barbara.
La seconde face s’amorce avec “Be me”, une pop song plutôt roborative, et même guillerette, munie d’une guitare tranchante et d’un orgue rugissant, puis se poursuit avec des chansons bichonnées mais moins convaincantes, alternant douceur et énergie. Douceur et romantisme, un peu pataud, avec “Loved it all”, marqueté de chœurs langoureux et nappé de violons, avec “Stars in heaven”, nébuleux, velouté, aux arpèges de guitare dispersés comme une pluie de pétales de roses et nanti d’un final psychédélisant — flûte à bec vagabonde, essaim de sons couinants —, puis “Pale night of quiet”, “archipélisant” cette rêverie opiacée avec une intro poreuse et lunaire, employant la même flûte à bec, les mêmes arpèges de guitare. Energie maintenant: énergie et iridescence, un rien bombastique, avec “Let me through”, arqué sur un tempo mi dansant-mi batailleur, busqué par une basse et un piano un peu trop orthogonaux; énergie et célérité, avec “The Beast (Kali Yuza)”, extrêmement pop, “britannisant” même, mélangeant hardiment piano et clavecin et passant la voix de Bernie au crible d’une réverbe aciérée.
* “le Rock Psychédélique Américain”