Ayant lu les différents commentaires à propos de l’album A Woofer in Tweeter’s Clothing et pour permettre à Winsterhand d’adhérer (et aussi pour que Ducros ne se soit pas décarcassé pour rien), je me permets de proposer un angle différent d’appréhension …
Ce qu’a dit Pierrem (« c’est un choix esthétique ») est on ne peut plus vrai.
Mais c’est un esthétisme qui va au-delà de l’esthétisme musical.
Comme le dit leroybrown, il y a une ligne directrice assez rigide …. Et en effet, cet album a une qualité stylistique bien particulière : les frères Mael se sont largement imprégnés du mouvement expressionniste, notamment expressionniste allemand …
Le trait est forcé : la voix est excessive par son registre de tête et son vibrato, et peut être irritante, je veux bien l’admettre même si elle est essentielle au propos.
L’album semble fait avec « les moyens du bord » : on n’a pas de chœurs ? Paf, Russell Mael fait les chœurs à lui tout seul. On n’a pas de femme pour faire la sorte de vestale de Nothing is Sacred ? Bim, c’est encore Russell Mael qui s’y colle, etc.
Ce côté bricolo-bricolette m’évoque les films allemands des années 20/ 30 où, faute de moyens, les réalisateurs devaient peindre le sol, les murs pour figurer les ombres et les décors. C’est exactement ce que fait Ron Mael dans cet album.
Ça a souvent l’air glauque ; ou « freak », je suis totalement d’accord ! L’atmosphère peut même rappeler l’étrange film de Tod Browning. Quand on parle d’expressionnisme ...
Et aujourd’hui, en 2010, qui peut nier que Ron Mael – au-delà de son look qui a fait fureur en son temps – ressemble de plus en plus à Nosferatu avec sa pâleur et ses joues creusées, ou au Golem par ses postures scéniques ?
Bref, leur travail est très expressif, souvent symbolique, les textes témoignent de l’affection qu’ont les Mael pour l’abstraction, la réalité n’est pas forcément celle que l’on croit, et la folie même si elle est toujours maîtrisée affleure (écoutez attentivement la fin de Nothing Is Sacred où Russell Mael - comme dans Equator plus tard d’ailleurs – se répète jusqu’à la hantise) …
En même temps, la pantomime n’est jamais loin (Here Comes Bob par exemple). L’humour est aussi une caractéristique des productions de Sparks et c’est pour ça aussi, expressionnisme torturé ou pas, qu’ils peuvent plaire passionnément.
Pourquoi – demanderez-vous - se donner du mal pour éclairer un album alors que, comme on dit souvent, « il suffit d’écouter et de voir si on n’aime ou pas » ?
Et bien parce que les choses ne sont pas toujours uniquement ce qu’elles ont l’air d’être et que ça vaut parfois le coup d’aller voir un peu plus loin que le bout de son oreille.
PS :
- que cet album évoque L’Opéra de Quat’ Sous à Cush est on ne peut plus normal, Brecht ayant lui-même été très influencé par le mouvement expressionniste
- preuve que la fascination des Mael pour l’expressionnisme ne les a jamais quittée (malgré quelques errements dans les années 80) : la sortie en 2009 d’une sorte de pièce musicale avec, pour thème central, Ingmar Bergman lui-même profondément marqué par cette vision artistique
- quelqu’un a dit ici que le batteur était nul : pas d’accord. Harley Feinstein n’est pas Ginger Baker, mais il est loin d’être nul.
- Yenyen a dit que cet album contenait des « fautes de débutants » : archi-faux, cet album est parfaitement maîtrisé, il est juste moins bien produit que les suivants
- pour ma part, je donne 10 à cet album.
Une dernière chose :
Il paraît qu’écouter Sparks dénoue l’aiguillette, ramène l’être aimé ou permet de le trouver, donne de la chance aux examens permis de conduire inclus, protège des dangers, fait venir la fortune et renaître la joie. Si avec ça ceux qui n'aiment pas persistent ...
Quel avis éclairé, merci.
Je crois lire un sparksien de la première heure, mais lequel.
Ronsell, Outerspace, Vinylman, Maelitta?