
Le 'Boston Sound'!...
Ou plus exactement, le 'Bosstown Sound', vous connaissez?
Alan Lorber, l'un des architectes principaux de ce "Bosstown Sound", avait annoncé, en Septembre 1967, un plan de marketing dans les meilleurs papiers commerciaux de la grande musique pour faire de Boston, dans ses propres mots (tiré de ses notes de pochette de la réédition de Big Beat du premier album de Ultimate Spinach), "...une ville cible pour le développement de nouveaux artistes d'un lieu géographique..."
Lorber créa donc avec le label MGM ce concept de marketing du 'Boston Sound' (plus tard 'Bosstown Sound') pour proposer (et vendre) une alternative aux groupes de la Côte Ouest, mais ce phénomène du "Bosstown Sound" était plus un coup de publicité qu'un mouvement artistique légitime.
Ceci assura automatiquement que Lorber et les groupes dont il s'occupait seraient l'objet d'une certaine dérision de la part de la 'hip Underground', puisque les scènes musicales régionales vitales telles que la San Francisco psychédélique (où le son Bosstown semblait souvent être imité) devait arriver par leur propre moyen, plutôt qu'en cours de fabrication.
MGM est le label qui publiera la plupart des groupes de Bosstown Sound, et c'est grâce à MGM que Lorber s'arrangea pour distribuer deux des groupes qu'il produisait, Orpheus et surtout Ultimate Spinach.
Dans les faits, les trois groupes de Boston à l'origine de ce 'mouvement' furent Ultimate Spinach, Orpheus et the Beacon Street Union. Tous produits par Lorber, ils n'avaient musicalement pas beaucoup en commun et Ultimate Spinach fut certainement le groupe le plus intéressant de sortir de tout ce battage.

Ultimate Spinach est un groupe de Psychédélic / Hard Rock / Blues originaire de Boston qui a été fondé en 1967 sous le nom de Underground Cinema comme le fruit du multi-instrumentiste et compositeur Ian Bruce-Douglas.
La même année, le groupe changea son nom en Ultimate Spinach et, composé du claviériste guitariste Ian Bruce-Douglas et de la chanteuse Barbara Hudson, ce fut un groupe de scène alternative de Boston dans la deuxième moitié des années 1960.

Ultimate Spinach fut certainement l'un des plus connus, et peut-être le plus célèbre, des groupes à être médiatisée dans le cadre du "Bosstown Sound" en 1968. Il a été produit par l'ambitieux vétéran arrangeur et créateur de ce mouvement, Alan Lorber.
En pleine apogée des années 60, ils se sont spécialisés dans de longues chansons telles que "Ballad of the Hip Death Goddess", de Ultimate Spinach (1968) et "Genesis of Beauty", de "Behold And See" (1968). Ultimate Spinach enregistra certains des disques les plus originaux du rock psychédélique.
Le groupe original se composait de Ian Bruce-Douglas (Vocals, Electric Piano, Harpsichord, Organ, Harpsichord, Twelve-String Guitar, Sitar, Harmonica, Flute, Theremin, Celesta), Barbara Hudson (Vocals, Electric Guitar), Keith Lahteinen (Drums), Richard Nese (Bass) et Geoffrey Withrop (Lead Guitar, Sitar).
Malgré certaines revendications de plagiat, ils ont publié des albums très sophistiqués. Les deux premiers sont fortement recommandés.
Sur les deux premiers de leurs trois albums, Ultimate Spinach a été complètement dominé par son leader Ian Bruce - Douglas, qui a écrit tout le matériel, a chanté la majorité des lead vocaux, et a joué d'une grande variété d'instruments, le plus souvent des claviers électriques.

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Leur premier album intitulé tout simplement "Ultimate Spinach", est largement inspiré par certains groupes de la Côte Ouest. Toutes les paroles et la musique ont été écrites par Ian Bruce-Douglas.
L'album est rempli de paroles psychédéliques tandis que dans le même temps il met à bas la culture 'hippie'. Le sentiment anti - guerre est également un thème majeur, sans oublier la paranoïa, qui était immense dans les années soixante.
Musicalement c'est un délice: ce mélange diversifié de Rock Psyché, de Folk et de Classique, ce son unique et ses effets réverbérés sont une belle réussite et ne sont pas sans rappeler, toutes proportions gardées, les Doors, les Moody Blues (passages instrumentaux) ou l'Airplane.
Sans parler de la musique baroque, des sitars, de la flûte, de l'orgue, de l'harmonica, il y a aussi une grande variété de sons de guitare: wha -wha, fuzz, écho, trémolo, feedback et le contrôle du volume.
Les sons enregistrés sont nets avec l'utilisation efficace de multi pistes.
"Ultimate Spinach" privilégie les longues suites élaborées, alternant passages instrumentaux, poésie et il y a des touches plus gracieuses dans les chants en plusieurs parties dont ceux occasionnels de la guitariste chanteuse Barbara Hudson (sa voix rappelant Grace Slick et même Sonja Kristina) et une teinte baroque - classique pour quelques arrangements.
Certains de ces arrangements sont originaux avec des instruments comme les flûtes, le sitar, le clavecin et le thérémine (instrument électronique précoce).
Le psychanalytique Folk Blues "Ego Trip" qui ouvre l'album situe bien cette atmosphère cosmique dictée par le 'Bosstown Sound' qui s'appuie sur des techniques de studios très élaborées. Les vocaux rappellent the Mamas and the Papas et l'orgue sonne exactement comme celui des Doors;
Le morceau est la Suite en quatre parties contreversée "Sacrifice of the Moon" où Bruce - Douglas a créé des lignes de clavier électrique élégantes, mais c'était parfois si proche du premier album de Country Joe & the Fish qu'il a fini par franchir la ligne du plagiat. Il a été envoyé au tribunal par Country Joe MacDonald pour avoir copié "Section 43" dans cette chanson.
"Plastic Raincoats / Hung Up Minds" sonne un peu comme un mélange des styles de Frank Zappa et du Velvet Underground.
"Ballad of the Hip Death Goddess" est très Jefferson Airplane dans l'approche avec un intervalle instrumental pour thérémine, le feedback et la réverbération et la voix de Barbara Hudson qui se transforme en un chant funèbre à la fin du morceau.
La chanson qui suit, "Your Head Is Reeling" fait penser aux Byrds avec cette ligne de basse hypnotique et l'orgue est très 'manzarekienne'.
"Dove in Hawk's Clothing" est un Rock Psyché tout à fait classique
Quand à "Baroque #1", ce morceau a des similitudes très (trop) proches de "The Masked Marauder" de Country Joe.
"Funny Freak Parade" sent le remplissage avec l'utilisation grotesque du kazoo. C'est, à coup sûr, le morceau le plus faible de l'album.
Encore une fois, le plagiat n'est pas loin avec le morceau de cloture, "Pamela", qui n'est pas sans rappeler "Grace" de Country Joe.
Le disque se vendit bien, mais le groupe fut victime de ce battage et il attira des critiques négatives de la part de la presse (en dépit de son maintien dans les Charts pendant 36 semaines).
Les hippies n'étaient pas tombé amoureux de la campagne de commercialisation grossière pour promouvoir le soi-disant 'Bosstown Sound ', et toutes les tentatives pour atteindre la Côte Ouest furent sabordées après la poursuite juduciaire de Country Joe McDonald pour avoir prétendument copié "Section 43" dans leur "Sacrifce Of The Moon".
Malgré cela, l'album est pourtant devenu un classique de l'Acid Rock: Il est toujours bien considéré par les fans de Psyché.
En 2008, le magazine Anglais sur papier glacé 'Classic Rock' lista les 42 plus grands albums psychédéliques. Cet album était numéro 36, avec Sgt Peppers, Axis: Bold as Love, Disraeli Gears, etc

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Le deuxième enregistrement "Behold and See", également publié en 1968, est semblable au premier album, mais un peu plus élaboré avec des morceaux plus sérieux et la même qualité musicale globale.
Les chansons sont plus fortes et le groupe a pris son temps pour construire les chansons. La musique, les paroles et le concept sont imprégnés du psychédélisme de l'époque.
Cependant, il n'y a plus d'instrumentaux dominés par les claviers pour rivaliser avec "Sacrifice of the Moon" et Barbara Hudson n'a aucun lead vocal ( bien que la chanteuse invitée Carol Lee Britt en ait un peu), et le songwriting de Bruce - Douglas est toujours tel qu'en lui-même, c'est-à-dire un peu embarrassant et prétentieux, quoi que noble.
On y trouve des compositions complexes telles que la suite en quatre mouvements "Genesis of Beauty" et "Fragmentary March of Green", deux morceaux trempés dans le mysticisme.
"Jazz Thing" et "Mind Flowers" sont expérimentés avec encore plus de tempos inhabituels et d'atmosphère, tandis que "Gilded Lamp Of The Cosmos" illustre leur capacité à jouer des ballades folk psychédéliques.
"Gilded Lamp of the Cosmos" est un morceau de Rock bluesy assez basique (Acid Blues Rock), une chanson entrainante mid-tempo un peu boiteuse chantée par la voix un peu agaçante de la chanteuse invitée, Carol Lee Britt, mais rachetée par de beaux chœurs sensuels en harmonie. C'est une magnifique mélodie mélancolique avec des guitares fuzz agréables.
Inutile de chercher d'où vient l'inspiration: le riff est celui de "Foxey Lady" d'Hendrix!
La chanson suivante "Visions of your Reality", avec des paroles probablement écrites sous LSD, me fait penser sans détour au "It's All Over Now, Baby Blue" de Bob Dylan joué par Them.
Le côté jazzy du groupe ressort sur "Jazz Thing" avec piano jazzy et vibraphone électrique et une jolie flûte par moments. Grande mélodie, grand interlude instrumental, et de bonnes paroles. Cela ressemble à un mélange entre les Doors et un côté plus prog Canterburien, style Caravan.
"Mind Flowers" est un morceau inspiré, un voyage musical par excellence, un récit désincarné en echoplex, avec duel de lead guitares, manipulations de bande et des paroles comme: "...You see 1000 poppies as tomorrow's gods!..." ("...Vous voyez 1000 coquelicots comme des dieux de demain!..."). Cette chanson tout simplement géniale est un voyage éreintant en émotions intenses et délicats. Elle rappelle le début de Quicksilver, mais recouvert, d'une certaine façon, d'accents psychédéliques de style Eric Burdon and the Animals ou "This is the End” des Doors.
Avec "Where you're At", on retrouve la chanteuse invitée; à croire que Barbara Hudson, qui a une bien plus belle voix, ne voulait plus chanter! La chanson sonne contre une rencontre improblable entre le Jefferson Airplane et les Stooges...
La pièce maîtresse de cet album est la suite épique (en quatre parties) de près de dix minutes intitulée "Genesis of Beauty”, un peu jazzy, mais classiquement organisée, un conte construit lentement et presque 'cantiquement' structuré qui finit par être dominé par les sections de piano électrique et d'orgue de chambre de Bruce-Douglas et les chœurs féminins en deux parties avec Hudson et Britt.
La chanson "Fifth Horseman of the Apocalypse” se compose d'une jam session d'improvisation prolongée qui ressemble un peu à "Jazz Thing" mais elle ne ressemble pas à la majorité des autres musiques du groupe. Elle fait penser à Neil Young avec le Buffalo Springfield.
Quant à "Fragmentary March of Green", c'est le climax émotionnel de l'album, avec un chant absolument dévastateur, le regard froid d'un gars qui a quitté la vie hippie, est entré dans la 'vraie vie', et est en train de devenir fou des exigences très réelles et des défis de la vie. Joué comme une lente marche funéraire imposante conduit par le piano, et chanté tout au long par une chorale de voix étranges qui sonnent presque comme des anges qui chanteraient en regardant vers le bas avec pitié.
En conclusion, "Behold and See" est un bon album, mais la plupart de la musique d'Ultimate Spinach offre bien peu de preuves qu'ils étaient prêts à se dépasser soit musicalement ou lyriquement. Quoi qu'il en soit ce disque offre quelques moments musicaux magiques recommandés à tous les progueux.

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Le mystérieux Ian Bruce - Douglas décide de dissoudre Ultimate Spinach après l'enregistrement du deuxième album, laissant les rênes à Lorber, car un troisième album avait déjà été prévu à sortir.
Pourtant, à la fin de 1968, le groupe est reformé avec Bruce-Douglas pour ne garder que Barbara Hudson, mais finalement, il quitte définitivement Ultimate Spinach avant l'enregistrement de ce troisième opus.
Un nouveau groupe totalement différent est donc formé avec Barbara Hudson comme seule rescapée. Tony Scheuren, Ted Myers, ancien membre de Lost et de Chamaeleon Church, Mike Levine et Jeff Baxter sont ajoutés et un troisième album est enregistré. Ted Myers est ajouté pour mener le projet à son terme et Jeff Baxter, qui joue de la guitare pour le groupe, sera plus tard membre de Steely Dan et The Doobie Brothers.
Cette formation de Ultimate Spinach enregistre "III". Ce troisième album, sorti en1969, est très différent. Il n'est pas mauvais, mais ce n'est tout simplement pas du Ultimate Spinach.
Le disque est un pêle-mêle, sans distinction de style, Psychédélique, Hard Rock et Pop qui sonnent comme le travail de plusieurs groupes différents.
Il s'éloigne du son psychédélique des deux premiers albums et se compose de chansons Rock plus classiques.
Il y a juste un peu de Psyché mixé avec des styles de Rock et de Blues purs, mais il n'a pas la magie des deux premiers opus de Ultimate Spinach.
En fait, "III" laisse derrière lui les effets psychédéliques qui ont caractérisé la période Bruce-Douglas et il affiche un son générique qui rappelle plus des groupes tels que The Byrds, The Monkees et the Beach Boys de 1968.
Révolu le Psyché avec incursions de guitare et compositions étendues, il est remplacé par des morceaux de Rock trop ouvertement commercial avec seulement un soupçon de son progressif.
Vers le milieu du disque, le groupe joue un slow Blues simple et modestement agrémenté avec piano et guitare instrumental, "Eddie's Rush", un Blues encore un peu plus moderne avec "Strange-Life Tragicomedy" et des harmonies vocales sans inspiration sur "Happiness, Child”.
L'album se termine avec le morceau de guitare Rock générique "The World has Just Begun”...
C'est peut-être vrai, mais pour le groupe, la fin avait déjà commencé...
Des années plus tard Ian Bruce-Douglas créera Azlbrax, avec qui il publiera "In The Valley Of The Shadow" en 1988.
En 1970, le groupe se reforme, mais sans aucun des membres d'origine et il continue encore à ce jour, jouant (en général dans la région de l'Oregon) et sortant plusieurs albums indépendants.
Depuis, il a largement abandonné les sons psychédéliques et a (depuis au moins 1975) laissé tomber toutes les chansons des années 60 de leurs setlists (à l'exception de "'Ballad Of The Hip Death Goddess" et quelques-unes du troisième album).
Cette formation est toujours restée underground et dans les dernières années, Bruce-Douglas a tourné en dérision son existence.
Discographie:
Ultimate Spinach (1968)
Behold & See (1968)
Ultimate Spinach III (1969)
Sources: Richie Unterberger, Martin Horst, Progarchives