Je me permets d'en faire ici une synthèse car c'est un musicien capital dont le travail reste pourtant souvent ignoré.
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Ry cooder Forme son premier groupe en 1964, à l’âge de 17 ans avec le légendaire Taj Mayal. Ensemble ils enregistrent sous le nom de Rising Sons une série de morceaux qui ne seront édités officiellement que au début des années 90.

Si le groupe ne parviendra pas à percer il permettra néanmoins à Ry Cooder d’attire l’attention du producteur Terry Melcher qui lui ouvre les portes des studios de Los Angeles. Il enregistre avec tout le gratin de l’époque, citons entre autres Randy Newman ou Captain Beefheart avec qui il enregistre l’album Safe As a Milk, mais c’est son intervention sur le titre Sister Morphine des Stones qui le fera définitivement rentrer dans l’univers des très grands et lui permettra d’enregistrer, à l’âge de 23 ans, son premier album solo « Ry Cooder » en 1970.

Ce disque est une première œuvre très aboutie dans laquelle il reprend des standards de la musique traditionnelle Américaine dont il est depuis toujours un fin connaisseur. Loin de se contenter d’une simple reproduction, Cooder apporte à ces chansons une touche très personnelle en interrogeant à travers le choix de son répertoire l’histoire sociale et politique Nord-Américaine. Le style, très orienté Blues, sera la matrice des décennies suivantes tout comme la production roots et poussiéreuse dont Ry cooder fera une de ses marques de fabrique jusqu’à son virage « numérique » à la fin des années 70. On dit souvent que le chant n’est pas le premier souci de Cooder. A titre personnel j’aime beaucoup cette voix rocailleuse qui privilégie le feeling aux lignes mélodiques formatées pour l’industrie du disque. Le disque rencontre un succès d’estime qui lui permet de retourner en studio, avec une brochette de musiciens confirmés, et de sortir, en 1972, Into The Purple Valley qui est la suite logique de son prédécesseur.

Le répertoire a toujours les deux pieds ancrés dans l’histoire de son pays, même si on y retrouve quelques allusions à la musique des Iles comme le calypso où le répertoire de trinidad (le très joli FDR in Trinidad). Cependant c’est bel et bien dans le blues et la folk que Cooder excelle. Il dépoussière des merveilles comme How can you keep out Moving et est épatant Sur une reprise éblouissante de Vigilante Man écrite par Woodie Guthrie. Peu de déchets donc sur cet album qui en terme de production préserve le côté rustique qui a fait mon bonheur sur le premier disque.
L’année suivante il sort Boomer’s story.

Plus acoustique que Purple Valley, ce troisième effort est un des disques les plus sobre de Cooder. Les musiciens, brillants aux demeurant, comme à chaque fois sur les disques de Ry, distillent leurs interventions avec parcimonie et se mettent entièrement au service des chansons. La voix de Cooder est donc pour la première fois au centre de l’œuvre. C’est elle qui attire l’attention en évitant pourtant toute forme de facilité. Boomer’s story est un disque d’automne, il s’en dégage une ambiance entre chien et loup, à l’opposé de son successeur qui reviendra à quelque chose de beaucoup plus festif
En 1974 sort Paradise Lunch.

Ce disque est un joyeux bordel, une fiesta musicale où se mélange des airs mexicains, du Ragg Time, du jazz et des chansons country. On y retrouve un Ry cooder complètement décomplexé qui n’hésite plus mélanger les genres et les plaisirs pour le plus grand bonheur de l’auditeur. Paradise Lunch est la porte d’entrée idéale dans l’œuvre du musicien. Un disque à la fois accessible et sincère, festif et profond, bref un chef d’œuvre estival !
Il faudra deux ans à Cooder pour enregistrer le successeur de Paradise Lunch .

Comme souvent, il décide de prendre le contrepied de l’œuvre précédente en publiant un album beaucoup plus produit que son prédécesseur. Chicken Skin Music est un disque très travaillé au niveau du son. Contrairement à ses précédentes travaux, le musicien, qui est aussi producteur, porte ici un grand soin à la place des fréquences de chaque instrument, donnant ainsi à l’album une ambiance très chaleureuse. L’interprétation est également plus posée que sur Paradise Lunch. Mention spéciale à l’accordéoniste Flaco Jimenez , omniprésent sur tout le disque et dont le son se marie à merveille avec la guitare du maître. Au niveau du répertoire on est dans la droite lignée des précédents albums. Chicken Skin Music s’ouvre et se clôture par deux magnifiques reprises de Leadbelly, musicien auquel Ry Cooder semble vouer un véritable culte. A chaque fois il éclaire les chansons sous un jour nouveau en leurs apportant un touche jazzy ou Tex mex, selon son humeur. Entre ces deux standards on retrouve sur cet album toutes les influences de Cooder, du blues à la musique hawaïne ce qui en fait une autre porte d’entrée idéale de son travail.

Un an plus tard, en 1977 sort son premier disque live : Show Time enregistré à San Fransisco la même année. On retrouve sur ce disque l’accordéoniste Flaco Jimenez qui avait accompagné cooder sur Chicken Skin. L’album ne comprend que 8 chansons dont 1 ou 2 inédits comme le très country School is out qui ouvre les hostilités. 8 chansons seulement donc, mais aucun déchet ! Show Time renoue avec une esprit roots et une énergie qui avait un peu fait défaut au disque précédent. Les musiciens enchaînent les standards en variant les styles sans jamais les caricaturer. Mention spéciale au gospel « Jesus on the mainline » que j’avais déjà adoré dans sa version studio mais qui prend ici une dimension encore plus jouissive.

En 1979 Ry Cooder procède à un virage, un de plus, en enregistrant un disque Jazz sur lequel il reprend des standards du 19ème et début du 20ème siècle. L’interprétation est parfaite et la production remarquable. L’album est enregistré avec des instruments d’époque nous reportant à un temps où la musique n’était pas encore électrifiée. Les musiciens sont comme d’habitude excellents, en particulier le légendaire Earl Hines qui accompagne cooder sur le morceau The dream. Si l’ensemble est donc de haute tenue force est de reconnaître que ce disque s’écoute aussi facilement qu’il s’oublie. La faute peut être au manque d’improvisation qui donne au titre de l’album un air trompeur. Au final « Jazz » est un très bon disque mais qui s’adresse à une frange d’auditeur très restreinte que sont les passionnés du répertoire jazz de la nouvelle Orléans du début du siècle dernier.
A la fin des années 70 Ry cooder est un artiste reconnu par ses pairs. Il a enregistré 7 albums, tous très recommandables, mais aucun d’entre eux n’a réussi à toucher le grand public. Ry cooder reste un secret que se partage les musiciens et finalement ce dernier gagne davantage sa vie grâce à des séances en studio pour d’autres artistes que grâce à ses propres disques. Citons entre autres les albums de Arlo Guthrie, Neil Young, the doobie Brothersn Van Morrison..la liste serait trop longue pour un inventaire. Toutes ces séances font de Ry cooder un sorcier des studios, il s’intéresse à toutes les nouvelles technologies et devient au fil des années un cauchemar pour les ingénieurs du son dont il exige un travail de plus en plus précis. Au cours de ces séances il découvre l’existence d’une nouvelle technique d’enregistrement en numérique qui commence à être utilisé par des musiciens undergrounds mais qui n’attire guère l’attention des grandes maisons de disques. Impressionné par la qualité du son il décide de retourner en studio et d’enregistrer son album avec cette technologie.

Bop Till You drop devient donc le premier album à enregistrement numérique réalisé par une grande maison de disque. Si le répertoire reste le même, c’est-à-dire des reprises blues et folk des années 20 à 1950, la production est beaucoup plus mainstream et permet au musicien de rentrer pour la première fois dans les charts. Litle Sister sera même un petit tube de l’année 1979, aux Etats Unis.
Si ce disque représente donc pour son auteur une première consécration il s’agit, hélas, aussi de son album le moins convaincant au niveau artistique. Si le choix des chansons reste impeccable, le son numérique ne colle pas au teint du répertoire. La production de la batterie en particulier annonce le son des années 80, et enlève tout le groove qui caractérisait les œuvres de Ry Cooder jusqu’alors.Sur Bop Till You Drop la production est tellement aseptisé qu’on a parfois le sentiment de traverser une clinique. La musique que nous propose Ry sur cette album est mathématique, elle privilégie la justesse à la vérité ce qui est un contresens lorsqu’on s’attache à défendre un répertoire aussi proche de la vie des gens. La musique traditionnelle n’est pas une musique « juste », elle est vraie et en ce sens elle a besoin de respiration pour exister et conserver son souffle vital. Si le choix de production est donc, à mes yeux, très contestable, Bop Till You Drop n’est pas pour autant un disque en perdition. Plusieurs morceaux sont mêmes excellents. Je pense, par exemple, à "the very things you make you rich" ou l’émouvant "trouble you can’t fool me", ou encore l’enlevé "Litle sister". Au final on ressort de ce disque avec le sentiment un peu frustant d’être passé à côté d’une grande œuvre tant la beauté des chansons est un peu gâchée par une production pour le moins inadapté.
Deux ans plus tard, en 1980 Ry Cooder enregistre Bordeline qui est un prolongement de Bop Till You Drop, en pire.

En effet ici les chansons n’arrivent plus à sauver le disque du quasi naufrage auquel avait échappé son prédécesseur. Peu de choses à dire sur cet album car rien ou presque n’est à sauver. Ry cooder à l’image d’autres artistes qui puisent leur inspiration dans le répertoire traditionnel semble à ce moment de sa carrière rattrapé par l’obsession d’avoir un son moderne. L’œuvre en sort malheureusement défiguré.
En 1982 il retourne en studio pour sortir The Slide Area qui est souvent présenté comme étant le troisième volume de sa trilogie numérique » .

Ce disque marque pourtant le retour à un son plus brut. Slide area est aussi un des disques sur lequel Ry Cooder a exercé le plus son talent d’auteur compositeur puisqu’il signe ou co-signe 5 chansons sur les 8 présentes sur l’album. Le morceau d’ouverture, UFO Has landed in the ghetto, est assez original puisque on y retrouve des influences psychédéliques, rares dans son répertoire. Hormis ses propres compositions Ry Cooder reprend une chanson, alors encore inédite, de Dylan, I need a Woman ( ce titre, chanté par Dylan, ne paraîtra officiellement qu’en 1991 sur le premier volume des Bootlegs Series ), ainsi qu’une reprise très passable de Blue Suede Schoes de Carl Perkins. Grâce à un choix de titres majoritairement up Tempo ce disque, sans être un chef d’œuvre, s’écoute très facilement. L’ambiance décontractée qui s’en dégage en fait un compagnon idéal pour les longues routes des vacances comme une fenêtre ouverte sur le soleil de Californie.
A partir des années 80 Ry Cooder va beaucoup se consacrer aux musique de film, un genre qu’il avait déjà expérimenté dans les années 70 avec Watermelon Man et surtout avec Performance, film rock avec Mick Jagger. Il mettra ensuite sa passion pour les BO de côté pour se consacrer au développement de sa carrière solo avant d’y revenir après l’enregistrement de The slide Area. Il composera, par exemple, la musique du western Long Riders, puis celle de The Border et de Southern Comfort. Des œuvres qui annonceront parfois, par leur contenu, des parties de guitares assez proches de celle qu’on retrouvera sur Paris Texas qui marquera la consécration de son travail de compositeur.

Si la BO du film de Wim Wenders reste le sommet de sa carrière elle n’est pourtant que l’arbre qui cache la forêt d’une œuvre incontournable pour tout amateur de musique de films. Il travaillera pour les plus grands comme louis Malle (Alamo Bay) ou Walter Hill (Johnny Handsome) en prenant toujours soin de mettre son talent au service des images.
En 1987 il retourne enfin en studio pour enregistrer un nouvel album solo très orienté Blues Rock. Get Rythm.

Les reprises sont une nouvelle fois orientées vers des chansons rapides, comme, par exemple, le titre d’ouverture qui donnera son nom à l’album et qui est une cover de Johnny Cash. Outre cette composition du Man In Black, Cooder rend hommage aux précurseurs du Rock and Roll que son Chuck Berry et Elvis Presley. Comme sur son disque précédent, the slide Area, il signe ou co signe la majorité des titres présent sur l’album et enregistre même la plus belle composition de son répertoire « across the bordeline », une ballade poignante sur les illusions brisées des migrants mexicains lorsqu’ils atteignent la terre promise que sont les USA et qu’ils se rendent compte que le rêve Américain n’était, en réalité, qu’un mythe. Ce titre est sans doute celui qui définit le mieux, dans toute sa discographie, la pensée politique de Ry Cooder qui a grandi à Los Angeles près des bidons villes où survivaient les chicanos avec comme seule bagage leur musique qu’ils jouaient et rejouaient toute la journée comme pour rester connecté à leurs racines. Ry Cooder s’est très vite passionnée pour ces laissés pour compte qui représentent une déclinaison moderne et urbaine du Poor Lonesome cowboy. Tout au long de sa carrière il a défendu leur musique et leur héritage. Ce point va d’ailleurs presque devenir obsessionnel à partir des années 2000 comme nous le verrons plus tard. En attendant, Get Rythm sort dans le commerce et est un joli succès, porté sans doute par la notoriété nouvelle de Ry Cooder suite au triomphe public et critique du film Paris Texas en 1984.
Ry Cooder aurait pu profiter de la vague en enregistrant une série d’albums plus ou moins formatés et ainsi se remplir confortablement les poches. Au lieu de cela son attention va se porter vers les autres. Il fonde son propre label et profite de sa notoriété pour travailler et mettre en lumière des artistes qu’il a toujours admiré.
Ainsi il forme, en 1991, avec John Hiatt et Nick Lowe le super groupe Litle Village. Ils sortent un album éponyme très orienté Americana.

Si ce disque n’est pas un chef d’œuvre il reste néanmoins très agréable à écouter, L’ambiance qui s’en dégage rappelant beaucoup celle des traveling Wilburys. Le groupe s’embarque dans une tournée de plusieurs mois qui passe même par la France. Un live sortira quelques années plus tard, témoignage d’une des rares tournées de Ry Cooder qui a toujours été un musicien préférant l’ombre des studios à la lumière de la scène. La même année il démarre une carrière de producteur exemplaire, en ce sens qu’il n’attend pas, à l’instar d’un Rick Rubin, d’être appelé pour produire un disque. Ry Cooder choisi ses artistes en fonctions de ses goûts, naturellement très orientés vers les musiques traditionnelles. En 1992, par exemple, il travaille avec le musicien Hindou Vishwa Mohan Bhatt, ancien élève de Ravi Shankar, avec qui il sort le disque "A metting by the river".

Le résultat est un album de fusion occidento-orientale où cohabite la guitare de Ry Cooder et le Mohan Vina de VISHA Mohan. Le Mohan Vina étant un instrument inventé par Visha à partir d’une guitare folk traditionnelle à laquelle il a ajouté des cordes qui, en entrant en résonnance avec le son naturel de la guitare, évoquent le bourdonnement d’un son de sitar. Le résultat de cette rencontre vaut largement le détour.
En 1994 il produit le disque Talking Timbuktu de Ali Farka Toure que Ry Cooder a contacté car il entendait en lui le chaînon manquant entre la musique Africaine et le Blues américain.

Ce disque illustre à merveille le travail de production de Cooder qui a toujours pris le plus grand soin de ne pas dénaturer la musique de ses artistes. Ainsi sur cet album on n’entend que deux ou trois chansons qui évoquent la filiation entre la musique Africaine et le Blues occidental. Dans ces morceaux on jurerait entendre la guitare de John Lee Hooker, qui a beaucoup influencé Ali Farka Toure au point que celui-ci était persuadé, la première fois qu’il a entendu l’interprète de Boom, boom, boom, qu’il s’agissait d’un musicien Malien. Ainsi tel Monsieur Jourdain Ali Farka a commencé à faire du blues sans le savoir. Les autres chansons sont beaucoup plus typiques de la musique Africaine. Sur ces morceaux Cooder sait se faire discret en apportant néanmoins à l’artiste un son de haut niveau. Le résultat de cette collaboration permettra à Ali Farka Toure de toucher un public beaucoup plus large et de récolter un Grammy pour son album.
En 1995 il co produit l’album the long Black Veil de the Chieftains qui mérite lui aussi d’être écouté.

Ce disque s’attache à faire redécouvrir au public la musique traditionnelle irlandaise. De nombreux invités se succèdent au micro ( Sting, Sinead O connor,Van Morrison, Mariane Faithfull) et Ry Cooder tient la guitare sur deux chansons. Le disque est un succès mais c’est en 1997 que Cooder décrochera réellement la timbale en produisant l’album mythique du Buena Vista Social Club.

L’histoire de cet enregistrement est assez cocasse puisque, au départ, Ry Cooder s’est rendu à la Havane pour enregistrer un groupe..Malien. Malheureusement les musiciens n’ont jamais obtenu leurs visas. Le studio étant déjà réservé, Cooder change ses plans et décide, au dernier moment, d’enregistrer un album de chansons traditionnelles avec des musiciens locaux. Le disque fût mis en boite en trois jours et connut le succès que l’on sait.
En 2003 il enregistre un album en duo avec Manuel Galban, musicien cubain. Ce disque, instrumental, sur lequel Ry Cooder co signe deux titres, atteint la première place du Billboard latino et décroche le Grammy du meilleur album instrumental. En parallèle de ses activités de producteur, dans les années 90 et 2000 il continu d’enregistrer des musiques de Films. Citons entre autres : The End Of Violence en 1997 ou Primary Colors en 1998. Il intervient également en tant que musicien studio sur, entre autres, l’album "Mr Lucky" de John Lee Hooker en 1991 ou le disque "the wind" de Warren Zevon..Le moins que l’on puisse dire c’est que Ry Cooder ne chôme donc pas dans les années 90 et 2000. Son activité de producteur lui permet de devenir un véritable ethnologue de la musique à tel point qu’on a parfois le sentiment que sa démarche se rapproche de celle d’un Alan Lomax.
Les fans du bonhomme restent pourtant sur leur faim car cela fait presque 20 ans qu’ils attendent la suite de Get Rythm paru… en 1987 ! Lorsqu’en 2005 son label annonce la sortie d’une trilogie sur Los Angeles la nouvelle est considéré comme véritable événement pour tous les amoureux de sa musique.
Le premier volume du projet parait donc en 2005, sous le nom Chavez Ravine.

Ce disque est l’aboutissement d’un travail de plus de trois années durant lesquelles Ry Cooder a inventorié toutes les musiques de la communauté Chicana et en particulier ceux de sa ville natale, Los Angeles. Il renoue ainsi avec sa propre histoire lorsque, adolescent, il fuguait en bus jusqu’au quartiers réputés dangereux de sa ville d’où émanaient, de jour comme de nuit, les rythmes cuivrés de la communauté Mexicaine. Le titre de l’album est une référence au quartier du même nom qui abritait les chicanos.
« Le lieu était étrangement rural, dira plus tard Ry Cooder, il y avait plein d’arbres, d’animaux et peu de routes pavés. Les premiers chicanos arrivèrent vers 1910 lorsque la ville avait besoin de main d’œuvre. Ils étaient hébergés à l’écart mais ils avaient leurs salles et leurs petits clubs qui abritaient des stars locales ». Pour l’enregistrement de ce disque Ry cooder en a retrouvé certaines comme Lalo Guerrero, Don Totsi ou des rockeurs tex mex plus contemporains comme Litle Willie . Ensemble ils ont composé cet album qui retrace l’histoire du quartier de Chavez Ravine, aujourd’hui disparu. Les chansons sont le plus souvent des réécritures de standards et rendent hommages à des personnages souvent réels comme le Boxeur Carlos Chavez, issu de ce quartier et qui est mort seul et ruiné. L’ensemble est musicalement remarquable et moralement inattaquable. Le seul défaut de ce disque, mais il est de taille, tient au fait que Ry cooder n’y apparaît qu’en filigramme. Il ne chante que sur deux ou trois morceaux et si sa guitare apparaît sur la plupart des titres elle n’est que rarement au centre des chansons. Chavez Ravine est donc un album aussi brillant que frustrant sur lequel Ry Cooder est davantage réalisateur qu’acteur. Après presque Vingt ans d’attente les fans de la première heure restent donc sur leur faim, et il leur faudra attendre 3 ans de plus pour retrouver la voix de leur idole sur le second volume de la trilogie.

En 2007 sort my name is buddy. L’album raconte les aventures d’une souris, d’un crapaux et d’un chat, durant les années 30 à Los Angeles. On retrouve sur ce disque la famille Cooder au grand complet (père et fils), les frères seeger ainsi que le fidèle Flaco Jimenez. Cet album marque le grand retour de Ry Cooder à la Folk Music et au blues après presque 20 ans d’expérimentation « world Music ». Il compose et chante quasiment sur tous les titres et nous donne ainsi l’occasion de constater combien sa voix a bien vieillie. On le sait, Ry Cooder ne s’est jamais considéré comme un vrai chanteur, or ce disque prouve le contraire. Sa voix à la fois chaude et rocailleuse colle merveilleusement bien au style qu’il défend, elle est la charpente sur laquelle tient l’album, bien plus que son talent de guitariste qui passe ici presque au second plan. My name is Buddy confirme également l’engament politique de plus en plus fort de Ry Cooder qui à travers les errances de ses personnages fictifs nous rappelle les sombres moments d’une époque antérieure pour mieux dénoncer les problématiques politiques actuelles.
L'album suivant Flathead:The Songs of Kash Buk and the Klowns sort moins d''un an plus tard en 2008.

C'est le troisième album de la Trilogie. L'album est accompagné d'une nouvelle de 104 pages illustrant l'histoire des personnages.Cet album évoque à travers les chansons les aventures d'un jeune Kash Buk, musicien fictif, qui va faire des courses de voiture accompagné de son groupe The Klowns dans le désert californien, le jeune homme et le groupe partent également dans un parc d'attractions et rencontrent des Indiens perdu. Tout cela se passe dans les années 1950. Ce disque aux influences jazz plus marquées que les deux précédents volumes de la trilogie, confirme la confiance qu'a emmagasiner Ry Cooder en tant qu'auteur compositeur puisqu'il signe,seul, presque toutes les chansons de l'album. I Flathead est un album hautement recommandable qui confirme la maturité qu'à atteint Ry cooder depuis son retour à une carrière solo en 2005. Il synthétise à merveilles toutes ses influences pour proposer une musique qui trouve son originalité dans le détail des arrangements qui inclus souvent des éléments originaux par rapport au style des chansons. L'album se vendra pourtant moyennement, et marquera le début d'un certain ressentiment de Ry Cooder envers l'industrie de la musique. Ce sentiment va devenir encore plus prégnant suite à l'échec commercial du successeur de I Flathead qui sortira en 2011.

Pull Up some Dust and sit down poursuit le virage politique engagé par Cooder depuis son retour en 2005. Les chansons s'opposent violemment à la politique étrangère américaine ainsi qu'au milieu bancaire qui ruine la population (on est alors en plein dans la crise des subprimes). Ry Cooder veux en quelque sorte prendre la place de Woody Guthrie en dénonçant les errances d'un pays victime de ses propres excès. Ce passage de témoin est symbolisé par le dernier morceau de l'album qui est une réécriture pleine de désillusion du standard "This Land is your land" écrit 50 ans plus tôt par Guthrie. Si l'album souffre parfois d'être un peu trop "sous influence" et d'être un peu moins inspiré que les deux précédentes livraisons, l'ensemble reste néanmoins très recommandable. Malheureusement Pull Up Some Dust connaîtra le même sort que son prédécesseur à savoir celui d'être un échec commercial.

Loin d'être découragé, Ry cooder sortira quelques mois plus tard un nouvel effort, intitulé Election Special, encore plus engagé contre le partie républicain et le milieu bancaire. Entre temps il sortira également son premier recueil de nouvelles, "Los Angeles Stories". Election special sort quelques jours avant le sommet républicain pour les élections de 2012 et vise très clairement à éveiller les consciences des citoyens Américains sur les enjeux de ces élections. Les paroles sont très directes évoquants entre autres Guantánamo et le mouvement des 99%. Au niveau musical Election Special s'inscrit dans la lignée de ses disques précédents mais les compositions me semblent plus abouties que sur Pull Up Some Dust. Autre particularité, Ry Cooder joue tous les instruments sur cet album, hormis la batterie, tenue par son fils. Si les critiques sont généralement positives, les ventes restent modestes. Ry Cooder n'aura finalement jamais réussi à dépasser la statut du musicien culte, un secret partagé entre musiciens et amateurs de Blues et de Musique du monde.
Ry cooder passera les 6 années qui suivent loin des studios, hormis pour composer un nouvelle BO pour le film Revenger en 2016 et produire un album hommage à Charlie Haden. Il accompagnera également son ami Ricky Skaggs, formidable musicien de Bluegrass, en tournée

Il revient en 2018 avec le disque Prodigial Son qui marque une nouvelle étape dans sa vie de musicien puisque, à l'âge de 71 ans, il se penche pour la première fois sur le répertoire Gospel. Cet album, le guitariste le décrit comme une représentation musicale de l'Amérique moderne à travers trois titres originaux composés avec son fils Joachim Cooder et des réinterprétations des chansons traditionnelles des Pilgrim Travellers, des Stanley Brothers, de Blind Willie Johnson, William L. Dawson...
Le résultat est, à mon humble avis, son meilleur disque depuis ..Paradise Lunch sortie dans les années 70. Prodigial Son ne contient aucun titre de remplissage comme cela pouvait être le cas sur ces albums précédents (tous très bon au demeurant). La voix a elle aussi superbement vieillie, la patine du temps lui donnant un air plus grave qui va merveilleusement bien à son répertoire. Prodigial Son est un disque d'automne, dégageant une ambiance entre chien et loup dans laquelle on se glisse comme sous une couverture.