par Bastard » 05 Nov 2018, 23:33
J’ai rencontré Pétronille l’été dernier au premier rang d’un concert organisé par l’association des filles-mères de Lamboézer. Et vu la performance des quatre guignols qui s’obstinaient lamentablement à vouloir reprendre du Chuck Berry valait mieux que ce soit gratos. Je vais pas me la jouer critique musical, moi qui ne réussit qu’à faire l’intro de Fumée Au-Dessus De La Flotte, et encore sur une seule corde, mais là c’était vraiment pitoyable.
Mais y’avait Pétronille, elle sentait la menthe. C’était une fille aux cheveux si blonds, si clairs, si transparents, que j’ai cru un instant rêver. Un sujet sur lequel j’aurais bien aimé m’étendre. Comme aurait dit un pote artificier « vaut mieux sauter là-dessus que sur une mine ! ». Le côté poète c’est pas son fort, sans doute pour cela qu’il dort souvent sur la béquille.
Elle n’attendait rien ni personne. Je m’approchais d’elle bien décidé à engager une diatribe passionnée sur l’art et la manière de massacrer Carol. A ce propos j’ai connu deux bouseux qui s’y étaient essayé accompagnés d’une vielle avec bien plus de succès, en première partie de Thièfaine.
Un blaireau aviné essayait de lui coller la louche à l’endroit où le dos perd son nom. Impossible de laisser commettre pareil outrage, j’alpaguais le quidam :
- Vire illico ta pogne ou il va t’arriver du monde. Et t’auras pas assez de chaises pour les recevoir.
- Elle a de la poussière sur le valseur…
- Ben tu feras le ménage un autre jour. Si tu veux pas que ta daronne te ramasse par petits bouts façon puzzle t’as qu’une chose à faire, prendre ton cheval et quitter la ville.
La face de mi-carême ne s’est pas fait prier, il a pris ses cliques avant la distribution de claques. Et si il court aussi vite qu’il avait l’air con il doit être loin à l’heure qu’il est.
Pétronille me remercia d’un sourire à faire fondre ce qui reste du pôle Nord. Plutôt que de rester se faire vriller les tympans je lui proposais d’aller écluser un godet. Manœuvre d’approche classique. Oh je vois certains malfaisants (le monde en est rempli) s’imaginer que je vais lui estourbir les facultés à grands coups d’élixir houblonné et lui faire ensuite mon numéro de charme.
Sachez que même imbibé comme Bob (l’éponge) je reste un parfait gentleman. Malgré mes jeans et mes tee-shirts Motorhead je conserve un côté « vieille France » qui en a séduit plus d’une. Toujours classieux, le genre baron de l’Ecluse voyez ? En moins décrépit tout de même. Et sans le monocle, j’ai essayé une fois et ça riait jaune dans mon dos. Pétronille me fila le train jusqu’au zinc. Le barman avait un look pour le moins cocasse. Coiffé comme un dessous de bras, sweat John Deere, regard en stéréo (un œil qui regarde le poisson frire et l’autre qui fait gaffe au chat), une nombrilite stade avancé (ben ouais c’est quand le nombril s’écarte inexorablement de la colonne vertébrale), des cannes de serin, des genoux de coucou, le genre rustique. Mais un pro, il nous a servi deux pintes en moins de temps qu’il n’en faut à un pet pour se répandre dans l’atmosphère. Pétronille, de sa jolie voix mélodieuse, a commencé à me rancarder sur le quoi t’est-ce du comment de sa présence à ce festival. J’ai pas tout capté, je m’étais noyé dans ses châsses. « Ils sont si transparents, qu'ils laissent voir votre âme, comme une fleur céleste au calice idéal, que l'on apercevrait à travers un cristal ». Ben quoi, on peut boire le coup, jaspiner l’argomuche et être sentimental non ?
J’ai donc appris qu’elle était venue rendre visite à sa grand-mère avant de s’en retourner auprès de son légitime et de ses mômes dans la verte Erin. D’aucuns après pareille révélation auraient prétexté un rendez-vous urgent chez l’opticien-ébéniste pour la rénovation de leur chiotte, mais comme je vous l’ai dit j’ai des principes. Dans rocker y’a aussi cœur (c’est un ancien marchand de chaussettes qui a dit ça).
On a causé comme ça comme deux vieux potes pendant des plombes. Sans oublier de nous humecter régulièrement les cordes vocales avec l’excellent breuvage que nous servait, toujours avec une célérité hors du commun, l’amateur de machines agricoles. Sur scène une folkeuse post soixante-huitarde balançait mollement ses complaintes d’une voix de pintade enrhumée. Le soleil déclinait lentement, la chaleur devenait plus supportable. Mais pas le comportement de quelques gamins pré-pubères beurrés comme des petits Lu. Certains, adoptant la posture du cafard flytoxé, balançaient de magnifiques peaux de renard. L’environnement devenant hostile je proposais à Pétronille :
- L’heure court et déjà le festival va fermer. Viens, oui viens je te raccompagne à travers la lande (on est en Bretagne…).
Le rose des bruyères, le jaune des genêts, les petits murs de pierres, et là-bas l’océan et ses mystères voilés. Pétronille et moi on s’est assis et on a maté sans un mot la grosse boule orange piquer une tête en mer d’Iroise.
Et voilà, travelling arrière, Didier Squiban et son piano en fond sonore, the end.
Alors c’est vrai que ça aurait pu finir de façon plus égrillarde, on aurait pu se carapater vers ma carrée, le feu au dargif. On aurait pu revoir les positions du Kama Sutra. Le Fusil sans Gâchette, le Parapluie Impérial, la Brouette de Zanzibar et en final la Tortue Thaïlandaise. Ben non, un gentleman j’vous dis. Pétronille fait partie de ces géraldines que t’as envie de respecter. Y’a quand même pas qu’du mauvais dans ces outils-là, y’a même des fois qu’on y voit des p’tits bouts de paradis.