Aldaran a écrit:Je vais donc te mettre à contribution (si tu le souhaites, bien entendu) :
peux-tu m'écrire de manière simple ce que je n'ai pas compris ?
Si tu « ne parlais évidemment pas de l'opposition passion vs raison », de quoi parlais-tu ?
Houlà... Mais je te sais gré de vouloir comprendre. Donc je m'auto-cite, mais à des fins purement pédagogiques... "
Pour l'avoir vécu à une époque vraisemblablement plus tardive, une passion pour la musique en-dehors des circuits commercialement balisés requérait effectivement un certain degré de pugnacité, de patience et d'obstination dont ce ne sera pas faire injure aux plus jeunes mélomanes, que d'affirmer simplement (et sereinement) qu'il n'a plus la même raison d'être aujourd'hui."
= En gros : je l'ai peut-être vécu en 1990 plutôt qu'en 1970, mais un intérêt aussi vif pour autre chose que les grosses merdes entendues à la radio, vues à la télé, vendues en supermarché, demandait pour être satisfait de consacrer une pugnacité, une patience et une obstination qui ont
moins si ce n'est plus du tout lieu d'être aujourd'hui, vu qu'aujourd'hui c'est quand même vachement plus facile de choper un album de Stray ou de savoir à quoi ressemblait la Stax Revue live sans débourser un traître centime, bouger le cul de ton fauteuil ou sortir aller à la rencontre de qui que ce soit.
En encore plus gros : autres temps ("héroïques" si l'on veut), mais on n'en est pas morts, ça a été notre expérience, ça ne dévalorise en rien la vôtre : c'est la facilité technologique que je pointe, pas la légitimité de votre passion sous prétexte que vous la vivez par tel ou tel moyen qui vous y autorise sur le plan purement technique. Et je le redis, en eussé-je disposé en mon jeune temps que j'en aurais joui sans entraves tout comme vous, en revendiquant très certainement tout comme vous vivre dans mon époque, et en raillant peut-être même au besoin les vieux khroumirs venant éventuellement se plaindre qu'avec nos 33 tours 1/3 par minute, on aurait eu plus de musique par face qu'eux avec leurs 78, qui sait... Quoique je n'en ai jamais rencontré : les casse-couilles de mon temps, c'étaient ceux qui venaient (encore) te prendre la tête en voulant te démontrer par A + B que le rock ce n'était pas de la culture, au-regard des oeuvres capitales de l'humanité bla-bla-bla, que ce n'était pas avec ça qu'on aurait notre bac, etc.
Je te propose juste un exercice pratique : 1988, tu as seize ans, tu vis à Ecommoy, tu as lu dans R&F qu'untel évoque les 13th Floor Elevators et tu veux comprendre. Tu n'as ni médiathèque à côté de chez toi, ni parents, ni potes, ni parents de potes à proximité qui auraient ne serait-ce qu'une traître compile avec "You're Gonna Miss Me" (cherche pas, de toutes façons ils ne savent même pas qui c'est les 13th Schmule Bidule, ce n'est pas arrivé jusqu'ici), ça ne se trouve pas au Super U d'Ecommoy et tu n'as pas de FNAC dans le département, tu n'as pas assez pour te payer par VPC un import hors de prix pour un disque qui de toutes façons ne te plairait peut-être même pas et que tu te boufferais ensuite les couilles d'avoir ça sur les bras (là c'est du vécu, je repense à la fois où j'ai acheté "Smooth Sick Lights" de Mahogany Brain). Et tu n'as ni l'opportunité ni les moyens d'un voyage en Angleterre dans l'immédiat (rigole, mais c'est comme ça que j'ai découvert T-Rex, le MC5 et les Pretty Things chez la famille d'accueil qui m'accueillit à Bromley deux semaines durant l'été de mes treize ans). Et ben tu fais comment ? Réponse : comme tu peux. Ce qui ne fait ni de toi un vieux con quand tu te le remémores au siècle suivant, façon ancien combattant j'en conviens (toutes mes excuses), ni du jeune en face, armé de sa connexion lente ou rapide, de Youtube, de Discogs, de Deezer, de Spotify, de Bandcamp, d'Exystence et de que sais-je encore, etc, le moindre jeune con. Faut pas nous faire dire ce qu'on n'a pas dit (ni pensé), tout de même.
Alright now, did you get it at last,
son ?
