Dans le même temps les parents de Lucien poste un courrier. Les lettres vont se croiser.
Les lettres des parents sont toujours divisées en deux sections, la première réservée à maman (Adèle), la deuxième à papa (Théophile).
Bondy le 4 février 1945
Mon fils chéri.
Si tu savais comme c'est long sans nouvelles de toi, depuis ton arrivée à destination je compte les jours et les semaines pour avoir une lettre, je commence à désespérer, heureusement que j'ai trouvé du travail qui n'est pas mauvais a faire et pas mal payé, papa m'aide et va livrer 3 fois par semaine, c'est du tressage que nous faisons, pour mettre aux sabots, je me fait de bonne semaine, ainsi cette semaine j'ai torché près de 900 frs, alors tu vois ça aide bien.
Tu sais que ton oncle Henri est mort, tâche d'écrire à ta tante le plus tôt possible.
Tu sais la poule blanche que l'on croyait perdu, papa l'a retrouvé en rebouchant l'abri, avec 2 œufs, tu penses comme nous avons été heureux, maintenant elles pondent toutes les trois.
Lucien quand tu pourras envoi-nous une photo, dis nous a quoi passe tu tes journées, et le dimanche tu n'as pas trop le cafard ?, il ne faut pas, nous de notre côté nous n'allons plus au ciné, depuis ton départ, et on a passé un triste Noël et jour de l'an comme deux malheureux.
madame André travaille à Paris maintenant, elle préfère, quand elle a reçu ton télégramme elle a accouru chez nous pour nous rassurer, tu penses si j'ai été contente d'avoir ton adresse, j'ai peur que ta première lettre soit perdu, alors quand tu écriras met bien le n° et le nom en toute grosse lettre et soulignée pour que l'on reçoive ta lettre.
Tu nous diras quand tu viendras en perm.
Je laisse la place pour que papa t'écrive, vivement une lettre de toi, ta maman qui t'aime et t'embrasse bien fort.
Adèle.
Après ces quelques lignes qui te donnes quelques nouvelles sur les jours passés très fraîchement, car si de ton côté tu as beau temps je le suppose; nous, nous avons eu ce qui s'appelle un hivers très rigoureux.
Depuis que nous sommes dans cette banlieue (depuis 1926, date ou Théophile et adèle ont construit la maison de Bondy qui existe encore par ailleurs) je n'ai jamais vu autant de neige et de glace, et cela à duré plus d'un mois, du moins le gel, le thermomètre est descendu à -15° et oscillait entre -7 et -11 degrés, naturellement nous avons supportés cette désagréable température sans charbon, nous nous somme installés au premier étage, ce qui ne donne pas beaucoup plus de chaleur, nous brûlons tous le bois que nous avons, piquets, planches, fauteil et même les cages à lapins, car sans que ça t'étonnes nous avons eu des malheurs avec ces bestiaux, nous avons perdu notre belle lapine noire, laissant 6 petits orphelins dés trois semaines.
Dont trois encore vivants.
Le fisc ne nous a pas oubliés, ce que nous avons gagnés pendant l'année dernière m'oblige à verser 1750 frs, plus le foncier et les valeurs mobilières, au total 3229 frs.
Pour le ravitaillement la vente des patates à été libre pendant un certain temps parce qu'elles étaient gelées, mais a bon marché, et pour le reste ça laisse beaucoup a désirer, beaucoup de bonnes choses nous sont promis.
En attendant la situation s'améliore et tu n'es pas s'en connaître ce qui se passe, si loin que tu soit, la radio est la même chose pour tous, les évènements tournent favorablement.
Ici à Paris rien d'important.
La famille Guyot y compris jeanine te souhaites bien le bonjour et t'embrasse bien, on te remercie pour ton télégramme.
On dit que le soleil luit pour tous le monde, mais a cette époque tu es plus favorisé que nous dans ton bled, enfin, voici le printemps qui revient et la fin de la guerre aussi; oh la la , j'y crois !!!
Par ce dimanche gris et pluvieux je termine en t'embrassant.
Papa.