Camera Silens... Le nom me disait kekchose...
« LA MUSIQUE AURAIT DÛ ME SAUVER »
Gilles Bertin, ex-chanteur d’un groupe punk, a vécu près de trente ans en cavale après un braquage retentissant en 1988. Il revient sur ce passé alors sans futur.
*Contexte
No future ! Pour beaucoup de jeunes au début des années 1980, le cri de révolte des punks n’était qu’un simple slogan, vite rangé le soir après les cours, entre les Dr. Martens à coque et le Harrington chez papa-maman. Gilles Bertin, lui, l’a appliqué à la lettre, jusqu’au point de non-retour. Leader de l’éphémère groupe punk Camera Silens à Bordeaux, il aurait pu s’inventer un itinéraire à la Noir Désir, avec qui le groupe a partagé la scène au milieu des années 1980. Mais l’héroïne et la prison l’ont aiguillé vers une autre voie : un spectaculaire braquage de la Brink’s en 1988 à Toulouse, puis la fuite, insensée. Pendant vingt-huit ans, en cavale en Espagne, il va vivre sans identité, sans existence légale. Avant de se rendre en 2016 pour solder son passé. La justice ne l’a condamné qu’à cinq ans avec sursis. Libre, il raconte cet incroyable destin dans un livre, « Trente Ans de cavale, ma vie de punk ».
UNE GRANDE TIGE surmontée de cheveux blonds bouclés et de lunettes aux verres épais. Un corps trop mince pour ses vêtements de type randonnée. A 57 ans, il est loin de l’image du punk braqueur en fuite. Au siège de l’éditeur de son livre, Gilles Bertin nous répond, l’air apaisé.
Il y a deux ans, vous avez choisi de vous rendre à la justice française, alors que vous étiez à huit ans de la prescription de votre condamnation en 2004 (en son absence). Pourquoi ?La lassitude après vingt-huit ans de cavale, une grande lassitude. J’en avais marre de raconter des histoires, et puis je ne voulais pas mentir à l’enfant que j’ai eu. Huit ans avant la prescription, c’est long. Il commençait à me poser des questions, pourquoi je sortais moins que sa mère, pourquoi j’étais toujours en retrait…
Comment avez-vous vécu ces trois décennies de fuite ?Je pourrais dire que cela ressemble presque à la prison, même si on n’est pas entre quatre murs. J’étais toujours en alerte, à vérifier si je n’étais pas suivi. Impossible de sortir et d’avoir une vie sociale. Je suis devenu réellement paranoïaque, à la limite de la folie, et j’ai entraîné avec moi celle qui est devenue ma compagne. C’est elle qui m’a sauvé la vie. Trente ans sans identité, on finit par devenir invisible.
En juin dernier, la justice vous condamne finalement à du sursis. Vous êtes libre. Estimez-vous avoir payé votre dette ?Je le pense, oui, c’est aussi pour cela que je me suis livré. Pour me libérer de ce fardeau. Je m’attendais vraiment à partir en prison, je m’y étais préparé. Le tribunal a certainement jugé l’homme que je suis devenu, pas celui que j’étais. C’est une seconde chance qu’on m’offre, je la mesure.
Même s’il n’y a pas eu de blessés il y a trente ans, le braquage avec séquestration a été traumatisant pour les victimes. En aviez-vous conscience à l’époque et qu’en pensez-vous maintenant ?Aujourd’hui, bien sûr que j’en suis conscient. Je ne supporte plus la violence, d’ailleurs. Les victimes n’ont pas voulu assister au procès, je les comprends. Mes actes sont impardonnables. A l’époque, j’avais 25 ans, j’étais complètement immature, sans empathie, je pensais qu’en ne faisant pas usage des armes ça n’aurait pas de conséquences. Nous étions en guerre contre la société où je pensais ne pas pouvoir m’insérer.
Comment avez-vous basculé dans l’illégalité ?J’étais en rupture familiale totale. A 18 ans, je me suis tiré de chez mes parents. Ce qui a tout changé, c’est la drogue, l’héroïne. J’ai mis deux ans à m’en sortir, mais c’est elle qui m’a poussé vers la délinquance, puis la prison. C’est là que j’ai rencontré des voyous et cela m’a amené au braquage. J’étais incapable de travailler, à cette époque, je ne pouvais pas faire autre chose. La musique aurait dû me sauver, mais la drogue en a décidé autrement. Elle était partout et elle m’a eu.
Pourquoi avoir écrit ce livre ? C’est d’abord une rencontre avec un journaliste, Jean-Manuel Escarnot, qui m’a proposé cette aventure. Il est décédé depuis, je ne l’aurais pas fait sans lui. Je le vois maintenant comme un témoignage pour mes enfants, le petit garçon que j’ai eu en cavale, le grand qui est né avant et que je n’ai quasiment pas connu. Je leur raconte tout ce que je n’ai pas pu leur dire. Et c’est aussi une leçon : on doit toujours payer pour ses conneries.
Bertrand Cantat, que vous avez croisé à Bordeaux à l’époque de Noir Désir, fait l’objet d’une polémique sur la possibilité de refaire sa vie. Qu’en pensez-vous ?Je pense d’abord aux victimes. C’est la priorité. Je n’ai pas à juger de la situation de Cantat, mais, effectivement, comme moi, on lui a accordé une seconde chance. Doit-il payer à vie ? Si oui, alors c’est la loi du Talion qui revient.
Est-ce que vous pratiquez encore la musique ?Un peu de guitare, de temps en temps. J’écoute beaucoup de musique soul, de la musique noire américaine. Mais j’aime toujours le rock. Avec les anciens de Camera Silens, on se revoit. C’est fou, mais il y a une énorme demande pour nous faire remonter sur scène ! On y pense, peut-être à de nouveaux morceaux aussi…
« Le spectacle de 11 751 316 francs en petites coupures possède les mêmes vertus euphorisantes que la meilleure des herbes jamaïquaines. » Dans son livre, Gilles Bertin raconte en détail le casse de la Brink’s, resté dans les mémoires à Toulouse (Haute-Garonne) par son audace et le butin important pour l’époque (près de 2 M€), qui le fera basculer dans vingt-huit ans de cavale. A la manœuvre, une improbable équipe de punks, marginaux, gauchistes ou anciens proches d’ETA. Mais la préparation est quasi militaire, mûrie des mois, rappelant les meilleurs polars comme « l’Ultime Razzia », de Kubrick.
Le 26 avril 1988 au soir, deux employés de la Brink’s sont séquestrés chez eux avec leurs compagnes par une partie de l’équipe, dont certains déguisés en gendarmes. Menottés, ils sont emmenés dans un hangar isolé pour leur extirper les procédures de sécurité du centrefort de Toulouse. Le lendemain, ils sont contraints à désactiver les alarmes. Dehors, un faux barrage de gendarmes avec 4L bleues réglementaires intercepte les autres employés, le temps pour les voleurs de vider les coffres. A 8 heures, sans tirer un coup de feu, les huit braqueurs disparaissent. Un coup parfait. Les enquêteurs pensent à une opération du grand banditisme. Mais trop d’indices laissés derrière eux (Bertin a oublié des exemplaires de « Libération » et de « Fluide glacial » avec ses empreintes dans une planque !) conduiront la PJ sur leur trace. La plupart des complices seront interpellés. Bertin, lui, a choisi la fuite.
Camera Silens - Cendres et soleil.mp3
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