Roberto Del Corazõn a écrit:Mais faut garder en tête que même achevé ce foutu disque restera à jamais une œuvre en formation.
C'est le mot juste. J'ai lu quelque part l'image d'un puzzle bleu ciel monochrome que Brian Wilson avait désespérément tenté d'assembler, en vain.
Pour "Smiley Smile", tout a été dit par Roberto, et non sans panache. Rien à ajouter si ce n'est pointer ce que je suspecte relever d'une certain dose de cynisme de la part de Brian Wilson, dans l'acharnement à laisser ce disque ressembler à une version indigne de ce qu'aurait dû être son modèle. Du genre "ah vous en avez pas voulu de mon chef d’œuvre, et bien vous allez voir". Et là où tout était censé être soigné exposant mille, tiré au cordeau, ici c'est
lo-fi avant l'heure, on laisse les pains et les
scories, on fait chanter cinq mecs dans un seul tout petit micro trop loin, on laisse les éclats de rire haschichins. Bon, on rajoute quand même "Good Vibrations" (tant mieux, même avec ça, l'album ne dure que 27 minutes) parce qu'il s'agit aussi (tout de même) de vendre cet album qui est la première parution du groupe sur son propre label, Brother Records.

Mais malgré tous ces défauts, je trouve que ce disque possède un certain charme, peut-être est-ce l'effet
madeleine. Je l'ai découvert via une compile française "66-69" qui en proposait quelques extraits, que la Médiathèque Louis-Aragon de Rillettesland avait le goût de posséder et qui me permettait de découvrir la musique du groupe dans un contexte particulier. C'était le début des 90s, les Beach Boys avaient encore ce statut d'incurables ringards, copains comme cochons avec Reagan, complètement confits dans leur folklore de nostalgie / kokomo, avec Mike Love en principale figure de proue de ce cirque assez rebutant de prime abord. Et quand tu avouais en public écouter et apprécier les Beach Boys, tu subissais une disgrâce sociale absolue. Pourtant, M6 venait de diffuser "American Dreams", un téléfilm US (genre
biopic assez
cheap d'ailleurs) mais qui avait intrigué le jeune ado que j'étais et donné suffisamment envie de découvrir plus avant. Malgré un Charles Manson absolument terrifiant, très réussi :
Ayant eu accès simultanément aux neuneuteries des débuts, mais aussi aux prods 80s absolument révoltantes ("Wipe Out" avec les Fat Boys, on touche les abîmes du fond des tréfonds de l'infamie), j'ai été attiré immédiatement par le côté barré, expérimental, étrange,
drug-induced, et les quelques titres extraits de cet album "Smiley Smile" m'ont semblé beaucoup plus intéressants que "Pet Sounds", que je trouvais triste, à se pendre, dont je n'ai pas compris tout de suite les qualités, et que j'ai mis du temps à apprécier pleinement avant de me rendre à l'évidence de ce que je lisais un peu partout mais qui ne résonnait pas d'après ce que j'entendais...
Et malgré que ça fait sourire, je reste convaincu par la fibre sauvage et expérimentale qui traverse la musique des Beach Boys, même lorsqu'elle n'est qu'à peine soupçonnable. Allez en parler à Thurston Moore, aux mecs de Olivia Tremor Control, à Alvarius B ou à Atticus Ross. Une anecdote marrante au sujet de ce dernier : quand je suis allé voir "Love & Mercy" à sa sortie, j'ai aimé le film, j'ai passé un moment somme toute sympa, en famille, pop corn & co, mais j'ai été surtout frappé par la qualité de la bande-son, qui proposait pour une large part, des collages sonores par Atticus Ross, à partir des enregistrements historiques des Beach Boys. E-xac-te-ment le truc que j'avais tenté quelques années plus tôt pour les besoins d'un album tribute collectif à "Pet Sounds" auquel j'avais participé en tant que Oncle RRRouliane. Bon, là, OK, c'était mieux produit, il y avait des moyens, et l'inspiration était légèrement moins jusqu'au-boutiste. N'empêche que, n'empêche, j'ai été heureux de voir que ce que je considérais avec une naïveté à peine disputée par la modestie

comme MON idée, n'avait pas été si déconnante puisqu'elle avait été reprise.
http://julien-thomas.bandcamp.com/track/the-day-im-waiting-for