Marc Seberg ! Ca c'est de la musique ! Un vrai groupe avec un vrai chanteur avec une belle voix de mec qui chante vraiment

Et inspiré le mec ! Je crois qu'on en avait déjà causé, Algernon

. J'aimais encore mieux que Marquis de Sade.
Le troisième et avant dernier Starshooter qui contient une bonne louche des morceaux préférés de ce groupe du père Danzik

L'aventure continue, plus pour longtemps. Toutes les bonnes choses ont une fin...
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Pour le fan, la fréquence idéale de sortie d’album est un par mois. Dans la vraie vie, si c’est un par an, c’est très déjà bien. Avec Starshooter, jusque là, on est raisonnablement rassasié : le 1er en 78, Mode l’année d’après, et le petit nouveau, « Chez les autres » en 80. Ce coup là, je ne suis au courant de la sortie de l’album que par les pubs dans les canards de rock : « Le nouveau Starshooter est dans un sac ! ». Et selon les variantes, soit on ne voit pas le disque, soit on voit un truc bizarre (des mecs avec des casques de chantier) qui laisse supposer que c’est la pochette du disque et, « O stupeur ! », comme on dit dans les vieilles BDs, le tout suggère que le logo des 2 premiers albums a été abandonné au profit d’une écriture banale du nom. Au début, je panique pas parce-que je n’y crois pas. C’est ma femme qui me connaît bien et qui pressent sans doute une réaction vive de ma part, qui m’ouvre les yeux :
- T’as vu, ils ont abandonné le logo que tu aimes bien. T’as vu les pubs et t’as rien dit, ça m’étonne…
- Non, c’est une pub, c’est pas le disque.
- Ah si, c’est le disque ! Regarde.
Je regarde.
- C’est pas le disque ça !
- SI !
Merde, c’est vrai, elle a raison, c’est la pochette… Comment on peut abandonner un logo pareil, ces lettres sommes toutes banales taillées au cutter. C’est tout con et c’est génial. Il faudra un jour qu’on me dise qui l’a trouvé, Kent ? Et si c’était par hasard sur une table à dessin avec des chutes de papier ou si c’était réfléchi.
On fonce à Paris pour en avoir le cœur net. Je me gare avenue Georges V devant les hôtels Prince de Galles ou Georges V. En descendant de ma camionnette, je prends mon air péquenaud pas aimable et les portiers n’osent pas m’aborder pour me dire qu’ils gardent les places pour les bagnoles prétentieuses de leur clientèle. De voir mon « Hiace » au milieu des grosses berlines lustrées à la peau de chamois me réjouit : on dirait la gamelle d’un chien au milieu d’un service de porcelaine. Petit plaisir de banlieusard.
Pas le temps de faire le tour habituel dans le magasin, on grimpe les marches 4 à 4 directement vers le « rock français ». Et il est là, et tout de suite j’arrête de râler en dedans et je l’adopte. Il faut dire qu’il a quelque chose de plus. Rien que pour le ranger dans la case nouveauté, les vendeurs ont eu du mal, les autres disques sont bien les uns sur les autres mais celui-là, avec sa pochette en plastique en plus et surtout sa poignée blanche façon sac de magasin à vêtements pour femme, il ne rentre pas dans le moule : les vendeurs ont un peu forcé et je dois démonter toute la pile mal fichue pour en trouver un qui ne soit pas abîmé.
Sans déconner, ils ne pourraient pas respecter les œuvres d’art tous ces tordus de la vente ? Ils auraient pu démonter le rayon et lui créer une case à sa taille, en 2 coups de scie c’était fait. J’ai même vu dans une boutique du quartier latin les disques sans la pochette : les gérants les avaient enlevées car « elles gênaient » ! Ya rien que 2 autocollants sur la pochette (si tu les vires, tu bouzilles le tout !). Et encore, je râle mais ce qui remplacera les autocollants, la verrue absolue et indélébile n’a pas encore été mise en place ! C’est bien du code-barre dont je parle… Et j’arrête sinon je vais m’énerver.
On reconnaît le boulot des Bazooka / Kiki Picasso « Tous travaux d’art » et on est séduit. Yen a plein des belles pochettes de disques, celle-ci est parmi les plus belles, rendre beau le banal ou même le discutable (des casquettes militaires), c’est de l’art. Il y a 2 pochettes en une : celle qui est transparente contient l’autre.
Après avoir payé, je jette le sac fnac et je ma ballade dans la rue mon disque à la main tenu par la poignée. Je suis fier. Arrivé à ma voiture, je suis presque étonné que le portier de l’hôtel ne vienne pas m’ouvrir la porte en commentant mon bon goût.
Je me presse de rentrer en pestant contre les savants qui n’ont pas encore inventé la platine à 33 tours de voiture et je me marre un peu en imaginant la taille du coffret extractible qui en résulterait.
Décidément ce Kent à la formule qui derma-spray : Pshiittt !… et ça fait mal ! Je ne suis pas comme le mec qu’il décrit dans « Chez les autres »; égoïste et un brin xénophobe, mais la phrase : « Le secret du bonheur n’est pas tendre pour les autres » me laisse songeur un bon bout de temps, il a raison, ya toujours un truc qui va mal quelque part et il faut bien ne pas y penser si on veut vivre un peu heureux mais en même temps, trop de gens souffrent… On a beau avoir tout un tas de trucs modernes, d’abord yen a qu’en ont pas, et nous qui les avons, « on reste souvent assis là où il n’y a pas un chat pour savoir si ça va ». Ca a l’air banal, se rendre compte que le bonheur ne résulte pas du progrès, la belle affaire ! Mais on a l’impression qu’il y a cru. Après avoir râlé contre la génération d’avant : peace and love et cheveux longs, il s’est peut-être dit qu’on avait un début de solution dans la technique et il se rend compte que ça ne marche pas non plus. Malaise, d’autant que « chez les sauvages bronzés, tuer c’est manger, ici chez nous, c’est pour défouler ».
La musique est maligne : elle entre d’un coup dans la mémoire Chez les autres-ti-lou-li-lou , Machine à laver-ta-da-da-da-da-da-daa, Lancer sagaies-sagaies-tibididi-dip, Louis Louis Louis-ho-hé-ho-hé-ho, ça onomatopète et alitère à chaque phrase, les mots seuls sont déjà de la musique, comme dans Congas et Maracas. C’est bien simple, quand je veux en parler à mes potes, mes mots se bousculent au portillon : « Ils jouent bien, ya comme du reggae gai, ils ont rien à envier à Police, les chansons causent vraiment aux gens, toutes les chansons se retiennent,… ». Eux se foutent de ma gueule mais ils finissent par écouter car je les tanne et ça marche : « Putain, t’avais raison, ils savent super bien jouer maintenant. ».
Quand j’ai commencé à me noyer dans la musique (depuis il m’est poussé des branchies), la basse n’était pas un instrument qu’on choisissait, c’était le moins bon des guitaristes qui la prenait et on disait assez justement qu’une ligne de basse réussie ne s’entendait pas mais qu’on ressentait un gros manque à l’écoute si elle n’était pas là. Eh bien les temps ont changé, des types apprennent la basse d’abord et n’ont pas plus envie que ça de passer à la guitare. J’en sais rien pour Mickey, mais il pourrait très bien être un bassiste d’origine, les lignes qu’il joue sont de la basse pure. Mais il a gardé une réserve qui semble être un de ses traits de caractère qui le met au service du morceau. Il fait pas le mariole, il soutient rythmiquement le tout et répond tantôt à la guitare tantôt à la batterie et pour le coup, s’il n’est pas là, ce n’est plus un manque qu’on ressent mais ya tout simplement plus de morceau. C’est sans doute Jello qui a fait les arrangements, sa guitare est partout là où il faut et ses solos impriment la marque rock au disque. La batterie de Phil est devenue subtile et il se transforme en percussionniste pour certains titres, écoutez Congo Be Bop et vous serez édifiés sur la pertinence du bonhomme. Enfin Kent « Karajan » dirige sa bande et laisse enfin sonner sa voix sur ses paroles.
J’aime vraiment ce qu’il écrit (et je ne suis pas le seul quoiqu’en disent les Starshooter qui trouvent qu’ils ne vendent pas assez de disques) bien que j’aie du mal à croire qu’il soit encore ce « ver de terre amoureux d’une étoile » vis à vis des femmes. Le succès de son groupe et son statut de guitariste-chanteur-auteur-compositeur-interprète d’un des deux groupes les plus connus en France (l’autre, c’est Téléphone) l’a hissé au rang « d’idole des jeunes » et côté nanas, il doit refuser des demandes, c’est sûr. Maintenant, « sa vie, c’est du cinéma » et pourtant, il écrit « Elle a Rio » et on le retrouve comme le mec de base à se sentir nul devant une belle gonzesse qui le fait craquer, c’est comme le « Foule sentimentale » de Souchon, même si ces mecs sont des piliers du show-biz, ils n’ont pas oublié d’où ils venaient et ils nous sont proches.
Petit flash-back en forme de cauchemar à l’usage de nos jeunes lecteurs : il existait une vieille mauvaise blague qui disait : Qu’est-ce qui est long, dur et que les femmes n’ont pas ? Réponse : le service militaire. « Sale coup » parle de ça. En cette époque bénie, les jeunes hommes voyaient leur vie interrompue par une année passée à obéir, se faire chier, fumer, boire et aller voir les putes, tout ce qu’il faut pour faire un vrai homme. Certains découvraient la plupart de ces passe-temps pour la première fois d’où quelques ravages et dommages collatéraux. Les types qui avaient une activité qui ne souffrait pas d’interruption devaient quand même se soumettre à ce rituel initiatique. Starshooter a failli terminer sa carrière prématurément à cause de ça et Kent s’imagine revenant « de guerre » alcoolique et seul. Ce n’est pas que de la fiction, ça a vraiment existé pour de vrai dans la vraie vie.
Quand on a écouté tout l’album, on se dit que sur scène, ça va être grandiose, on va pouvoir chanter les chansons en même temps qu’eux et les anciens morceaux vont être revisités par cette nouvelle expérience. Et surtout « Louis, Louis, Louis » promet un moment délirant. Je me dis que c’est bien parce que la scène internationale est noyautée par des « majors » anglo-saxonnes qu’on a pas droit à Starshooter et son Louis disputant la première place des charts à Police et son « Walking on the moon » ; d’ailleurs, ces deux chansons pourraient créer un courant de reggae volant (les avions et les vaisseaux spatiaux !). Je pense que c’est pas normal que la bande des 4 de Lyon n’ait pas sa place au milieu des catalogués punk à leurs débuts qui vénèrent le reggae. Aux côtés de Police, Clash et Les Ruts, Starshooter apporterait son humour grinçant et la musique de ses mots qui prouve qu’on peut faire du rock avec une autre langue que l’anglais.
J’ai eu la bonne idée de faire une cassette avant que le disque se mette à craquer et j’ai même acheté une bande « au chrome » qui coûte la peau mais qui est censée moins souffler et restituer les aigus correctement. Manque de pot, mon auto-radio bricolé n’accepte que les cassettes à l’oxyde de fer sous peine de s’user, dixit le mode d’emploi. Tant pis, je la passe quand même et les trajets en bagnole en sont embellis.
Un soir de mai, dans « Loup Garou », l’émission quotidienne de Patrice Blanc Francard, j’enregistre le concert que donne le groupe aux 24 heures de Bretagne, une course de moto. C’est vraiment un grand concert, Kent engueule le monde pour le faire bouger et malgré la mono FM, toute l’énergie et la sympathie transparaît. En plus, l’animateur est un grand prince des ondes : le concert est diffusé en entier, il ne parle pas sur les chansons, n’envoie pas de jingle et raconte l’histoire de Mickey qui joue le bras dans le plâtre, poignet cassé ! Ces mecs en veulent et je ne doute plus que ça va se savoir au delà du cercle de leurs fans. Ce disque est vraiment original et révèle une personnalité « de groupe » qui va lui permettre de perdurer et de faire mentir l’adage qui veut qu’un groupe français fait quelques disques puis se sépare pour que les individus qui le composent fassent des carrières solos ; j’en suis alors persuadé… La suite montrera que je me suis planté.
En attendant j’écoute en boucle ce concert en pestant à chaque fois que passe Betsy Party qui arrive au bout de 45 minutes, la durée d’une face de cassette et dont l’intro est bouffée pour cause d’auto-reverse paresseux.
Ce groupe là va devenir énorme, la machine est en marche, ils le racontent dans « Partir à Zanzibar » : les mecs du show-biz leur font des courbettes en flairant l’oseille. Nous, les fans de base, on est pas jaloux, on veut juste des autres disques comme ça ou autrement ou comme vous voulez. Dès l’instant que vous restez vous mêmes, on vous suit.