Pour parler en connaissance de cause, voici, en préambule à mon avis sur l’informe (mais non-cthulhutienne) chose finlandaise, un témoignage de Fernand Léger à propos de la Musique d’Ameublement, concept créé par Erik Satie, donc :
« Nous déjeunions, des amis et lui dans un restaurant. Obligés de subir une musique tapageuse, insupportable, nous quittons la salle et Satie nous dit : il y a tout de même à réaliser une musique d'ameublement, c'est-à-dire une musique qui ferait partie des bruits ambiants, qui en tiendrait compte. Je la suppose mélodieuse, elle adoucirait le bruit des couteaux, des fourchettes sans les dominer, sans s'imposer. Elle meublerait les silences pesant parfois entre les convives. Elle leur épargnerait les banalités courantes. Elle neutraliserait, en même temps, les bruits de la rue qui entrent dans le jeu sans discrétion. Ce serait, disait-il, répondre à un besoin ».
Ecouter ici un exemple (Tenture de Cabinet Préfectoral)
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Un autre (Tapisserie en Fer Forgé)
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L'idée de la Musique d'Ameublement de Satie rompait avec la sacralisation de l'écoute et insérait la musique comme un décor sonore aux différents instants de notre vie. En d'autres termes, il invitait ses contemporains à « [...] transposer dans le domaine de l'oreille ce qu'ils acceptaient depuis des siècles dans le domaine de l'œil : une simple amélioration de leur cadre de vie
Mais Satie distingue tout de même cette Musique d'Ameublement (transposons : celle d'Halo Manash) de celle qui relève de l'art : « l’œuvre artistique musicale » (transposons : celle de Joe Dassin). Pour lui, la Musique d'Ameublement n'a pas sa place dans l’art, c'est-à-dire que les œuvres artistiques musicales ne doivent pas être utilisées comme fond sonore alors qu'elles nécessitent une écoute attentive : elles sont faites pour être contemplées. Selon Satie, la Musique d'Ameublement est faite pour répondre à un besoin, tandis que l’œuvre artistique ne peut pas être réduite à un simple objet de consommation.
Ceci à l'intention de ceux qui se battent et débattent toujours sur le marronnier de ce forum « c’est de l’art ou du cochon ? ».
Pour en revenir à Taiwaskivi, cette musique m’a accompagnée dans ce que je faisais, dans ce que je pensais.
Comme un parfum, j’ai envie de dire, plutôt que des visions.
Cette musique a-t-elle modifié mes pensées, mes actions, mes perceptions ? Je ne sais pas. Peut-être.
Comme un parfum le fait. Alors sûrement.
Mais ça ne me suffit pas.
Alors bien sûr, je trouve quand même cet album plus plaisant qu’un album des Bee Gees, ou que du bruit blanc. Mais … Bien moins plaisant qu’une musique définie, qui va d’un point à un autre : des lyrics avec une histoire, qu’elle soit plus ou moins incongrue, peu m’importe – un instrument avec ses expressions, qu’il soit plus ou moins bien joué, peu m’importe – une mélodie avec ses développements, complexe ou simplissime, peu m’importe.
À défaut d’en avoir, j’aime la logique et la structuration car c’est très rassurant dans un espace-temps - le nôtre, le vrai - que je ressens souvent comme flouté et mouvant. Ipso-facto, l’album d’Halo Manash ne me convient pas.
3 sur 10. Pour le parfum.
J'ajoute un point pour les commentaires que cet ADLS a permis de générer. Quand des échanges de plutôt bon niveau s'opèrent, c'est que le sujet tient la route ...
4, donc.