par cush » 09 Déc 2013, 23:28
Cecil taylor est à part dans le monde du free-jazz. Sa musique n’est pas la plus accessible, les premières notes au piano qui introduisent conquistador vous le précisent de suite et vous mettent en garde… Il faut faire un effort sans doute, écouter et réécouter. Coltrane et Ornette sont plus évidents. Albert Ayler se livre d’entrée, il suffit d’accepter. Sans doute faut-il un petit effort d’adaptation pour goûter The world of Cecil Taylor…
Chez Cecil Taylor tout est affaire de rythme et d’énergie. Sa musique paraît un bloc compact, elle ressemble à un mur et pourquoi pas à du bruit ? Peut-être même semble t- elle agressive… et pourtant il n’en est rien, pour s’en convaincre il faut l’écouter de l’intérieur. C’est facile, prenez le jeu d’Andrew Cyrille à la batterie, beaucoup y reconnaîtront des analogies avec le jeu de Sunny Murray, sans doute est-il son disciple. Le jeu des cymbales est caractéristique, foisonnant, hypertrophié, riche et changeant, relançant sans cesse la musique, la nourrissant de combustible. Le jeu sur les peaux est précis, hyper technique, tout y passe, varié à l’infini, d’une richesse inouïe… La pulsation rythmique régulière est ici inutile, la lourdeur induise paralyserait les échanges et anéantirait l’effort dynamique.
Cecil taylor, on l’a vite compris, est un virtuose, il déploie une technique hors du commun au service d’un jeu très personnel, reconnu par ses pairs. Il a une approche percussive de son instrument, frappant les touches par grappes, utilisant sans cesse les clusters, le piano se fait rythme, tambour aux mille facettes, mélange survitaminé libérateur d’une tension hors norme et d’une énergie propre à subjuguer. Son jeu est marin, passant du flux au reflux, de la houle à la tempête, répétant les mêmes motifs, s’entêtant puis jouant des ruptures ou des variations infimes. Tout en laissant place à l’improvisation, sa musique est une merveille d’organisation et la précision est horlogère.
Deux basses, pas moins, Henry Grimes à la barre tient le cap, dessine la structure et agence la charpente, Alan Silva à l’archet figure l’espace et colorise avec les mille touches de sa palette. Jimmy Lyons à l’alto se montre le complément idéal de Cecil Taylor, attisant le feu, fervent et volubile, il intègre chacune de ses interventions avec une parfaite osmose dans le collectif. Bill Dixon se montre lui plus aérien, en écho à Alan Silva, tempérant et contemplatif.
Une certitude, si une musique peut se montrer intemporelle, c’est bien celle-là.
Il m’arrive parfois de temps en temps d’écouter un ADLS et de le booster s’il me plaît, le troisième 10, c’est le mien.
"- Corto, maudit bâtard infidèle, fils de scorpion.. La sourate 115 du « Maltese » n’existe pas. Il y en a 114... Celle qui te concerne n’a pas encore été écrite.
- Ca va, ne te fâche pas, El Oxford, et puis ne me traite pas d’infidèle..."