En 1970, Crosby, Stills, Nash & Young sont au sommet de la vague. Leur premier album en quatuor, Déjà Vu, et les singles qui vont avec (Woodstock et Teach Your Children) se vendent comme des petits pains : ils sont devenus les prophètes du mouvement hippie. Le tableau serait idéal, à ceci près qu'une telle concentration de talent s'accompagne toujours de conflits de personnalités. Après une pénible tournée estivale, les quatre musiciens prennent des chemins opposés, chacun sortant son petit album solo de son côté.
David Crosby et Graham Nash se retrouvent en 1971. Ils donnent quelques concerts ensemble, juste eux deux et leurs guitares, sans les gros egos de Stills et Young. Le courant passe bien avec le public, l'atmosphère est bon enfant, comme en témoigne le live Another Stoney Evening (publié en 1998), où le duo passe presque davantage de temps à chambrer les spectateurs qu'à jouer ou à chanter. Sur Teach Your Children, le public a tellement de mal à suivre le rythme de la chanson que les musiciens sont obligés de s'arrêter pour leur montrer comment taper dans leurs mains ! « D'accord, vous êtes émus, mais il faut être émus en rythme ! »
Les concerts marchent tellement bien que le tandem décide de sortir un album. Graham Nash David Crosby (tu parles d'un titre), enregistré avec la participation de membres du Grateful Dead, sort chez Atlantic en avril 1972 et atteint la quatrième place du classement Billboard. Le single Immigration Man, inspiré des déboires de Nash à son arrivée sur le sol américain, rencontre aussi son petit succès. Musicalement, l'album est sans surprise : la pop accrocheuse comme tout de Nash alterne avec les titres plus atmosphériques de Crosby, le tout baignant dans une grande simplicité et une ambiance chaleureuse.
Après une année 1973 en demi-teinte (la réunion des Byrds à laquelle Crosby participe fait un four, et le second album solo de Nash, Wild Tales, passe injustement inaperçu), 1974 voit le retour tant attendu de CSNY. Mais l'ambiance est toujours aussi moisie et la tournée du quatuor ne débouche sur rien d'autre que la compilation So Far (celle avec la pochette dessinée par Joni Mitchell). Jugeant qu'ils semblent être les seuls capables de bien s'entendre là-dedans, Crosby et Nash décident d'officialiser leur duo et signent chez ABC Records. Leur second album, Wind on the Water, sort en septembre 1975. À l'accompagnement, on retrouve Craig Doerge aux claviers, Danny Kortchmar à la guitare, Leland Sklar à la basse et Russ Kunkel à la batterie, déjà présents sur le premier album. Le ton est un peu moins calme, les guitares plus agressives, à l'image de l'épique duel qui conclut Love Work Out. Les compositions sont solides, la production de qualité, l'album est encore meilleur que son prédécesseur, pour moi c'est un must.
1976 a comme un air de déjà vu (« we have all been here before », eh ?) : un nouveau projet de réunion de CSNY capote, Crosby & Nash préférant se concentrer sur leur carrière en duo, Stills & Young en profitent pour effacer leurs contributions à ce qui deviendra l'unique album du Stills-Young Band, Long May You Run. Sorti en juin, le troisième album du moustachu et de l'Anglais, Whistling Down the Wire, poursuit dans la même veine que son prédécesseur, jusqu'à l'allitération en W dans le titre. Il reste moins immédiatement mémorable, manquant cruellement de variété, malgré quelques tentatives de la part de Nash d'étendre l'univers musical du duo avec la rythmique funk de Mutiny.
Durant cette période, le duo apparaît également en invité chez Joni Mitchell, James Taylor ou Jackson Browne, entre autres. En septembre 1977 paraît Crosby-Nash Live, enregistré en 1975 et 1976. Contrairement à leurs débuts acoustiques, ils se produisaient alors avec un groupe complet, composé de Kortchmar, Kunkel, Doerge, Tim Drummond à la basse et David Lindley au violon. La discographie du groupe chez ABC est complétée l'année suivante par la compilation The Best of Crosby & Nash, qui ont alors reformé CSN avec le succès que l'on sait.
Les problèmes de drogue de Crosby empêchent le duo de produire quoi que ce soit dans les années qui suivent ; à la fin des années 1980, un projet d'album C&N est converti en CSN à la demande d'Atlantic Records, débouchant sur le peu convaincant Live It Up. Après diverses permutations de CSNY dont l'énumération aurait de quoi lasser le plus acharné des fans du groupe, Crosby & Nash ont l'occasion de sortir un nouvel album dans les années 2000, comme tant d'autres dinosaures. Ils ne font pas les choses à moitié : c'est un double qui sort en 2004 sous le simple titre Crosby & Nash. Personnellement, je ne suis pas sûr qu'ils avaient vraiment de quoi le remplir, et eux aussi apparemment, vu qu'une version abrégée pour tenir sur un seul disque, Crosby & Nash: Highlights, a vu le jour en 2006.
Crosby & Nash continuent à tourner ensemble quand ils en ont marre de voir les sales tronches de Stills et/ou Young. Un DVD de leur tournée américaine du printemps 2011 est paru récemment.