Peter Green donne son dernier concert avec Fleetwood Mac le 20 mai 1970. Son départ est évidemment un terrible coup pour le groupe, dès lors réduit à un quatuor composé de Jeremy Spencer (guitare, chant, piano), Danny Kirwan (guitare, chant) et du duo éponyme, John McVie (basse) et Mick Fleetwood (batterie). Ils ne tardent cependant pas à enregistrer un nouveau disque, Kiln House, durant l'été 1970. Spencer, qui s'était retrouvé un peu à l'écart sur Then Play On, s'en donne à cœur joie en parodiant tous azimuts les rockers des années 50, mais Kirwan n'est pas en reste, notamment avec la superbe ballade Jewel Eyed Judy. Le blues hardcore des débuts est déjà bien loin... Kiln House marque surtout l'arrivée d'une petite nouvelle, Christine Perfect, qui assure les claviers et dessine la jolie pochette de l'album. Elle rejoint officiellement Fleetwood Mac après sa sortie, de plus d'une façon puisqu'elle épouse également John McVie la même année.

L'état mental de Jeremy Spencer se détériore peu à peu : angoissé et désillusionné, il quitte Fleetwood Mac en février 1971. Sorti s'acheter un magazine, il ne revient pas et ses camarades découvrent par la suite qu'il a rejoint la secte des Enfants de Dieu. Ils sont contraints de rappeler Peter Green pour assurer les dates de leur tournée américaine. Pour remplacer Spencer, une amie du groupe, Judy Wong (à qui Jewel Eyed Judy était dédiée), leur recommande un ami de lycée, l'Américain Bob Welch, qui vit alors à Paris. Le groupe se dit que compter un yankee dans leurs rangs leur permettrait peut-être de percer sur le marché US, et Welch est engagé pour tenir la guitare rythmique. Le nouveau quintette passe l'été 1971 à enregistrer Future Games, un album résolument pop, mais sans grand succès commercial (il aura quand même mis 29 ans à devenir disque d'or aux États-Unis).

Le deuxième effort du quintette, Bare Trees, voit le jour en mars 1972. Kirwan se taille la part du lion avec cinq compositions, mais c'est bien la Sentimental Lady de Welch qui est restée dans les mémoires — surtout pour la réinterprétation qu'en donnera son auteur en solo quelques années plus tard. De son côté, Christine McVie offre à nouveau deux titres, comme sur le précédent, dont Spare Me a Little of Your Love, qui persistera quelques années dans le répertoire scénique du Mac. Le succès n'est pas davantage au rendez-vous, et il faudra ici encore attendre l'explosion mondiale de la notoriété de Fleetwood Mac quelques années plus tard pour que ce disque commence à bien se vendre. Des tensions commencent à naître, principalement entre Kirwan, miné par l'alcool, et Welch.

La crise éclate fin 1972 : après une énième querelle avec Welch, Kirwan refuse de monter sur scène, défonce sa guitare et, après avoir regardé les quatre autres se dépatouiller de leur mieux pour assurer leur concert sans lui, vient en coulisses les critiquer en des termes peu amènes. La mort dans l'âme, Mick Fleetwood se résout à l'exclure du groupe. Son remplaçant sera Bob Weston, qui s'est fait un nom pour son talent à la guitare slide. Et pour la première fois, Fleetwood Mac devient un sextet avec l'arrivée de Dave Walker, ex-Savoy Brown, au chant. L'unique album de cette formation, Penguin, sort en mars 1973 — le manchot (et non pingouin, attention au faux-ami penguin !) deviendra par la suite la mascotte du groupe.

En dépit du succès rencontré par Penguin (oui, #49 aux US, c'est un succès à l'époque pour le Mac), Walker est renvoyé pour incompatibilité d'humeur au bout de quelques mois à peine. Les cinq autres passent l'été 1973 sur leur prochain disque, Mystery to Me, qui sort en octobre. Welch et Christine McVie sont désormais les seuls compositeurs de la bande. Le premier propose notamment Hypnotized, un mini-hit qui passe pas mal sur les radios américaines à l'époque. Cependant, un événement inattendu va empêcher Mystery to Me de rencontrer autant de succès que son prédécesseur : la liaison entre Bob Weston et Jenny Fleetwood, la femme de Mick (et sœur de Pattie Boyd), éclate au grand jour. Weston se prend aussitôt un solide coup de pied au cul et la tournée de promotion de l'album est annulée.

... ou pas ? En effet, un groupe se produit aux États-Unis sous le nom de Fleetwood Mac dans les mois qui suivent. Petit souci : il n'inclut ni Welch, ni Christine, ni John, ni Fleetwood ! C'est que le manager du groupe, Clifford Davis, prétend détenir les droits sur le nom. Il a donc réuni quelques musiciens n'ayant rien à voir avec la choucroute pour assurer les concerts que le Mac était censé donner. Une longue bataille judiciaire s'ensuit et occupe tout ce petit monde pendant la première moitié de l'année 1974, jusqu'à ce que la paternité du nom soit attribuée par décision de justice à ses détenteurs légitimes, Fleetwood et McVie. Le « fake Mac », rebaptisé Stretch, poursuivra sa carrière de son côté jusqu'à la fin des années 70.
De passage aux États-Unis durant ce micmac procédural, Bob Welch comprend que le groupe ne pourra jamais percer s'il ne s'installe pas à Los Angeles, pour être au plus près des bureaux de la Warner. Il convainc les autres, et le quatuor enregistre ainsi Heroes Are Hard to Find sur le sol américain durant l'été 1974. Le Mac continue à grignoter des places dans les charts : #34, cette fois-ci.

Mais c'est la fin de la route pour Welch : les tournées et les procès l'ont épuisé, et il tire sa révérence en décembre. Il fondera l'année suivante le power trio Paris avec Glenn Cornick (ex-Jethro Tull) et Thom Mooney (ex-Nazz). De son côté, Mick Fleetwood lui cherche un remplaçant, et après avoir écouté une chanson de l'album Buckingham Nicks du duo californien éponyme, il décide de passer un coup de fil à ce Lindsey Buckingham. Mais c'est une autre histoire.