BLACK MERDA (Bio)

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BLACK MERDA (Bio)

Messagepar alcat01 » 11 Nov 2018, 01:39

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Black Merda (prononcé "Black Murder") est un groupe Américain de Rock, Funk, Funk Rock, Soul psyché formé à Detroit, dans le Michigan.
Quatuor utilisant parfaitement les explorations sonores de Jimi Hendrix et les riffs Blues de Muddy Waters, Black Merda fut surtout le fer de lance d’un mouvement appelé Black Rock, comprenant des formations telles que Funkadelic ou The Bar-Kays.

Black Merda fut véritablement le premier groupe de Black Rock.
Black Rock, au tout début des années 70, était déjà un thème fédérateur pour les groupes noirs qui, sur les traces de Jimi Hendrix et de Sly Stone, reprenaient le Rock'n'Roll, qui avait été approprié par les blancs au début des années soixante en y ajoutant une bonne quantité de groove et de psychédélisme.
Beaucoup d'entre eux sont restés dans l'obscurité totale, n'ayant sorti qu'une poignée de singles sur de petits labels distribués localement.

D'après VC Lamont Veasey, membre fondateur, bassiste et chanteur de Black Merda, voici un bref aperçu de l'histoire de ce phénomène:
"...Sur le plan racial, cela s'appelle 'Black Rock' uniquement parce que les musiciens noirs le jouent… rien d’autre… juste une couleur de peau, ce truc. Sur un autre plan, c’est parce que les musiciens noirs ont tendance à jouer simultanément du funk pendant qu’ils rockent!
À un niveau plus profond… la musique n'a pas de couleur… mais elle a un style… dans les années 50, Alan Freed a appelé 'Black Music' le Rock N Roll… mais à la suite de stations de radio pratiquant la ségrégation raciale, la programmation musicale de 'Rock N Roll' est devenue associée aux versions de 'Rock N Roll' de musicien blanc, telles que Elvis Presley, Pat Boone, Jerry Lee Lewis, etc., etc., à l'infini. Bien sûr, Elvis et les autres ont apporté leurs propres contributions au 'Rock N Roll' et leurs descendants musicaux l'ont encore développé, tandis que les groupes noirs et le public abandonnaient le Rock et développaient d'autres formes de musique. Alors maintenant, vous avez la situation anormale d'appeler le Rock 'Black' quand les groupes noirs le jouent et 'Rock' quand les Blancs le jouent… Alors que les Noirs étaient les créateurs de cette forme d'art.
Elvis a été surnommé 'The King of Rock N Roll' parce qu'il était très excité et qu'il était blanc! Mais les vrais 'rois' du Rock N Roll qui ont eu la plus grande influence sur les styles de jeu des premiers guitaristes étaient Chuck Berry et pour les hurlements, l'agressivité, les voix aiguës et le rythme entrainant, Little Richard gagne haut la main!
Sans oublier que tout le heavy metal et le hard rock ont ​​été influencés sinon créés par le grand-père de tous ces rockeurs, Jimi Hendrix. Il a soufflé l'esprit de tous les grands groupes d'invasion britanniques blancs, les Beatles, Stones, Led Zeppelin, les Who, vous l'appelez, lorsqu'il fut emmené à Londres par Chas Chandler. Jimi à l'origine utilisait des grands amplis Marshall (d’autres guitaristes n’utilisaient encore qu’un seul ampli à l’époque) et la guitare qui hurlait fort avec un feedback contrôlé. Il a pris ce que les autres voyaient comme du bruit et l'a rendu musical. C’est l’une des raisons pour lesquelles sa musique et son son avaient un tel effet hallucinant sur tous ceux qui l’entendaient… personne n’avait jamais entendu une guitare jouer ou avoir un son pareil avant que ce Black novateur ne soit entré en scène! Bizarrement… Jimi a transcendé la classification raciale… personne ne l’a vu comme Noir… enfin… ils l’ont vu… mais peu importait… cela n’avait aucune incidence!
Je vais sortir de ma boîte à savon maintenant… J'espère que cela vous donne, à vous et à nos lecteurs, une idée de la façon dont nous percevons et voyons tout le truc 'Black Rock'… quoi qu'il en soit… ce nom est aussi bon que tout autre...".

Hendrix est donc la référence majeure. A propos, les premiers à avoir mis en vinyle une reprise de l'une de ses chansons sont the Soul Agents (futur Black Merda), qui ont coupé "Foxy Lady" dès 1967.

Le premier groupe de Black Rock?
Qu'en est-il de Sly and the Family Stone, The Chamber Brothers, the Jimi Hendrix Experience, demandait un fan sur leur site.
Réponse impitoyable: c'étaient des groupes métissés. Qu'en est-il de Funkadelic? Eh bien, ils rigolent, nous jouions déjà du Rock alors qu'ils chantaient encore le Doo-Wop sous le nom de The Parliaments. Effectivement, ces gars-là sont sérieux. Des témoins de l’époque contemporaine le confirment. Ils avaient une attitude, un regard et un son énorme. Ils étaient jeunes mais déjà expérimentés.

Le groupe a débuté à la fin des années 60 et la ségrégation américaine s’arrête officiellement en 1967 après des années de lutte.
1967, c’est l’année où la Cour Suprême des Etats Unis jugera anticonstitutionnel le fait d’empêcher les mariages mixtes entre individus de couleurs différentes. Il y a donc de cela qu'une cinquantaine d'années.

Leur carrière a été, à l'origine, météoritique (1968-1972), marquée par deux albums, deux échecs commerciaux, qui atteignent actuellement des prix incroyables sur e-Bay, même après leur réédition par le label new-yorkais Tuff City en 1996. Elle s'est ensuite arrêtée longuement avant une reformation en 2005.

Les membres du groupe sont le guitariste chanteur Anthony Hawkins, le bassiste guitariste et chanteur VC L. Veasey et le guitariste chanteur Charles Hawkins, ainsi que le batteur chanteur original Tyrone Hite.
Hite est originaire de Detroit alors que les frères Hawkins et Veasey sont tous nés dans le Mississippi et ont atteint leur majorité à Detroit.
Anthony Hawkins et VC Lamont Veasey (également connu sous les noms de VC L Veasey, Veesee L Veasey, The Mighty V!) se sont rencontrés à l'école primaire. Ils ont rencontré Tyrone au lycée de Detroit, au gymnase, au début des années 60.
Hawkins et Veasey ont fréquemment travaillé comme musiciens de session pour des compagnies telles que Fortune Records, Golden World Studios et le producteur Don Davis, tandis que Hite travaillait sur des sessions à l'origine en tant que chanteur avant de prendre en charge la batterie.

Selon Veasey:
"...Nous avons probablement joué à Fortune pendant des centaines d’heures… nous commencerions vers 9 heures… prenions une pause déjeuner entre 12 heures et 13 heures et finissions vers 16 ou 17 heures… probablement 5 ou 6 jours par semaine pendant des mois (Je ne me souviens plus combien de temps cela a duré) Je pense qu’ils nous ont payé 15 dollars par chanson… C’était un très bon salaire pour certains jeunes musiciens adolescents de l’époque qui auraient joué gratuitement juste pour être dans un studio d’enregistrement! Ils nous ont payé aussi! Nous ne pouvions pas y croire! Nous pensions que nous étions morts et allés au paradis! Nous ne connaissions pas toujours le nom des chansons que nous enregistrions et arrangions parfois et nous ne nous en souciions pas vraiment… tout ce qui nous intéressait était de jouer et d’enregistrer."Nous avons enregistré pour Fortune, Golden World et d’autres studios. Je me souviens que le bâtiment qui abritait Fortune était vieux et sombre et lugubre à l’intérieur… à l’extérieur… il y avait un comptoir où étaient empilées des piles de vieux disques qui étaient en vente que vous pouviez creuser… comme dans une braderie… pour trouver quelque chose que vous vouliez acheter.
Anthony et moi avons commencé à enregistrer pour Fortune vers 16 ou 17 ans. Nous avions entendu parler de Fortune, le "Village Of Love" de Nathaniel Mayer était un énorme succès à cette époque... tout comme "Mind Over Matter" de Nolan Strong. Nous étions donc très excités lorsque nous avons été appelés à devenir des musiciens de session pour Jack et Vera Brown (je pense qu'elle s'appelait Vera), les propriétaires. Nous avons rencontré Nathaniel et Nolan… Je pense qu'ils étaient un peu plus âgés que nous ne l'étions à l'époque. Je pense qu'ils nous ont vu insignifiants parce qu'ils étaient les stars et que nous n'étions que de jeunes musiciens en herbe.
Nous avons probablement joué à Fortune pendant des centaines d’heures… nous commencerions vers 9 heures… prenions une pause déjeuner entre 12 heures et 13 heures et finissions vers 16 ou 17 heures… probablement 5 ou 6 jours par semaine pendant des mois (Je ne me souviens plus combien de temps cela a duré) Je pense qu’ils nous ont payé 15 dollars par chanson… C’était un très bon salaire pour certains jeunes musiciens adolescents de l’époque qui auraient joué gratuitement juste pour être dans un studio d’enregistrement! Ils nous ont payé aussi! Nous ne pouvions pas y croire! Nous pensions que nous étions morts et allés au paradis! Nous ne connaissions pas toujours le nom des chansons que nous enregistrions et arrangions parfois et nous ne nous en souciions pas vraiment… tout ce qui nous intéressait était de jouer et d’enregistrer...".

Ils ont aussi travaillé comme musiciens de réserve sur la scène de Detroit les années suivantes.
De nombreux jeunes chanteurs et musiciens se présentaient à la maison des Hawkins, où se déroulaient la plupart des répétitions. Des chanteurs qui deviendront de grandes stars, tels que Stevie Wonder, David Ruffin, Gwen Owens et Edwin Starr.
La maison de Mme Hawkins était remplie de musique presque tous les jours de la semaine, pendant les premières années du groupe qui allait devenir connu sous le nom de Black Merda.

Hawkins, Veasey et Hite ont initialement joué ensemble sous le nom de The Impacts, puis sous le nom de The Soul Agents, servant d’accompagnateurs à certaines vedettes de Soul comme Edwin Starr, Gene Chandler, Wilson Pickett, The Spinners, The Artistics, Billy Butler, The Chi-Lites, Joe Tex, Jackie Wilson, The Temptations et bien d'autres groupes de Soul / R & B affiliés à Motown et Brunswick Records lorsque celles ci se produisent dans les environs ou viennent enregistrer.

The Impacts ont été embauchés pour le single d'Edwin Starr "Agent Double-O Soul" de 1965. La future star de Motown, qui enregistrait à l'époque avec Golden World les engagea en permanence comme groupe d'accompagnement et les renomma the Soul Agents.

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Veasey passe à la guitare basse et ses compères Hawkins et Hite, ainsi que le saxophoniste Gus Hawkins (aucun lien de parenté avec Anthony) et le trompettiste Victor Stubblefield, changent donc leur nom pour The Soul Agents à cette occasion.
VC raconte l'histoire:
"...C’était très amusant pour certains jeunes de 20 ans d’être sur la route avec des groupes qui avaient des disques à succès et qui étaient payés pour faire quelque chose que nous aimions faire! Et nous avions aussi beaucoup de filles! La situation raciale à l'époque était nulle parce qu'il n'y avait que certains hôtels ou motels dans lesquels nous pouvions rester et qu'il y avait toujours la possibilité d'être harcelé par des flics racistes. Nous avons joué au théâtre Apollo à New York à quelques reprises avec Edwin vers 1966 ou 7… au cours de l'un de ces spectacles, James Brown avait prévu un impromptu “Cold Sweat or Papa’s got a brand new bag”, je ne me souviens plus lequel… cela fait tellement de temps. Nous avons fait une tournée avec Edwin dans le cadre d'une tournée 'Temptations' dans les États de la Nouvelle-Angleterre et d'un spectacle au Madison Square Garden vers 1969. Nous avons également fait une tournée avec Gene Chandler en 1967. Nous avons appris qu'il cherchait un groupe pour tourner alors nous avons emballé le break Ford blanc de 1962 de Victor Stubblefield (le trompettiste), conduit jusqu'à Chicago et joué quelques airs pour Gene avant d’être embauché sur place. Nous avons tourné sur la côte ouest de San Diego à Seattle avec Gene. Nous avons fait une autre tournée plus tard cette année-là intitulée "The Brunswick Records Tour" avec Gene, The Chilites, The Artistics et Billy Butler (le frère de Jerry Butler), tous des artistes de Brunswick Recording. Nous avons joué dans le sud-ouest, comme Vegas, la côte ouest comme L.A. et nous nous sommes retrouvés sur la côte est au Uptown theater à Philadelphie. Tout le monde a passé un bon moment!...".

Il faut dire que Gene "Duke Of Earl" Chandler était un type sauvage notoire. Dans un numéro de Mojo, Wolf racontait qu'il avait travaillé sur la chanson "A Day in the Life" des Beatles.
VC s'en souvient aussi:
"...Ouais… je m'en souviens comme si c'était hier. Gene ne nous a pas fait fumer de la mauvaise herbe… il nous l’a offerte (moi, Tyrone et Anthony) et nous l’avons acceptée… nous étions nouveaux pour devenir grands alors nous étions toujours ouverts aux offres d’herbe gratuite! Nous étions dans le vestiaire de Gene… qui n’avait pas de fenêtre… et qui était noir comme le jour lorsque les lumières étaient éteintes… sauf un rai de lumière jaillissant au bas de la porte. Gene avait un tourne-disque dans sa loge avec des haut-parleurs sur les murs opposés de la pièce où nous nous tenions là pour écouter les sons. Je pense que c’était la première fois que nous entendions “A Day in the Life”… évidemment, Gene l’avait compris lui-même, c’est la raison pour laquelle il a tout mis en place… pour qu’il puisse initier de nouvelles victimes sans méfiance à un voyage similaire.
Il y avait quelques autres personnes du show qui étaient également présentes. Nous avons tous fumé la mauvaise herbe… Gene a mis le disque… éteint les lumières… a suspendu une cigarette allumée au plafond de la pièce ou de sa main… alors qu'elle tournait lentement dans le noir, il a dit à tout le monde de la regarder. Lorsque la chanson a pris de l'ampleur (I’d love to turn urn urn urn urn urn urn urn you on on on on). C'était une expérience sonique et émotionnellement si inattendue que certaines personnes ont réellement quitté la pièce! Bien sûr que nous ne l’avons pas fait… bien que nous en ayons peut-être envie! Ensuite, Gene alluma la lumière et riait à quel point nous avions tous flippé! Donc, Gene a été la première personne à nous exciter psychédéliquement. Je pense que c'était notre première "expérience psychédélique". De retour à Detroit, nous organisions nos propres fêtes après nos concerts… organisées chez moi… initiant d’autres âmes sans méfiance dans notre version de cette expérience (sans la cigarette) et en riant aux éclats de ceux qui ne le pouvaient pas et ne le prendraient pas et sortiraient de la pièce obscure en criant et en hurlant!...".

En même temps, ils découvrent "Are You Experienced?" d'Hendrix. VC avait vu une photo de ce gars qui jouait de la guitare derrière son dos et il pensait que c'était ridicule! Ils ont acheté le disque juste pour rire, et il a refusé de quitter leur table de concert pendant un mois. Les cuivres et le R & B classique sont oubliés, ils se lancent dans une phase psychédélique, sans renoncer à leurs racines bluesy et au groove organique qu’ils ont perfectionné au cours de ces innombrables tournées. Leurs autres disques régulièrement joués sont le "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band" des Beatles, "Electric Mud" de Muddy Waters, ou les premiers albums de Sly Stones et des chargements de marijuana qui serviront de potion magique.

En 1967, the Soul Agents apparaissent sur les singles suivants de Starr, "Twenty Five Miles", et sur le célèbre "War".
Hawkins et Veasey, qui écrivaient des chansons ensemble depuis l’âge de 14 ans, ont également participé en 1967 aux compositions "I Will Fear No Evil" (produit par Don Davis), la face B de son Hit "My Love Is Strictly Reserved For You" de Robert Ward.

Mais l’Amérique est alors en pleine mutation socio politique, les modes et les mœurs changent petit à petit, il en va de même pour le domaine musical qui opère une véritable mue. Depuis le début des années 60, la musique voit l’apparition de nouveaux registres: le Funk (Dyke & The Blazers, James Brown), le Funk Psyché et le mouvement P Funk (George Clinton, Parliament, Funkadelic), le Jazz Funk (Herbie Hancock), le Jazz Rock Fusion sans oublier l’influence de formations conjuguant Rock et Blues (Cream, The Who) et surtout celle de Jimi Hendrix qui va révolutionner la guitare.

Hawkins, Veasey et Hite, tout en travaillant toujours avec Starr, commencent à s’éloigner des sons standard du Rythm & Blues de la période et ont été fortement influencés par les sons Hard Rock de Cream, de The Who et surtout de Jimi Hendrix.
Veasey avait appris l'existence de celui-ci dans un journal de Seattle en 1966 alors qu'il était affecté à l'armée dans l'État de Washington. Veasey a présenté l'album "Are You Experienced?" à Hawkins et Hite et les trois compères ont été inspirés pour se refaire en un power trio rock inspiré de The Jimi Hendrix Experience.
Ils délaissent alors progressivement les sonorités conventionnelles du Rythm & Blues et la formation élargit son spectre musical en électrifiant fortement sa musique.
De cette rencontre avec le Rock, the Soul Agents graveront sur vinyle une reprise de "Foxy Lady", considérée comme leur premier enregistrement; aujourd'hui c'est un objet de collection rare.
Dans le même temps, ils intègrent des paroles engagées en rapport avec la politique raciale menée par l’Etat Américain et les exactions commis par le Ku Klux Clan.

Durant cette période, et s'inspirant grandement de "Are You Experienced?", ils ont ajouté Charles Hawkins, le frère cadet d’Anthony, en tant que deuxième guitariste pour élargir encore un peu plus le son du groupe. Une autre influence sur les nouveaux intérêts musicaux du groupe a été le changement général de la scène R & B vers un côté plus dur de la Soul et du Funk avec des paroles socialement conscientes.
Maintenant en quatuor, le groupe continue cependant encore à travailler avec Edwin Starr en tant que the Soul Agents, Starr approuvant même le changement de son en Rock et Funk sur une base psychédélique plus axée sur la guitare.

1967 fut aussi, surtout, l'année des émeutes de Detroit. Ils étaient aux premières loges et Veasey s'en souvient:
"...Entre les tournées, the Soul Agents (moi, Anthony, Tyrone, Victor Stubblefield et Gus Hawkins, sans lien avec Anthony) jouaient dans un petit bar à Lima, dans l'Ohio, appelé "Wright's", juste pour rester occupé, faire un peu de fric et se taper des filles. À l'une de ces occasions, nous avons regardé les informations et avons soudainement vu toutes ces scènes de Detroit en train de brûler, d'être pillées et de chaos se déroulant partout! Anthony et moi sommes immédiatement partis pour Detroit… nous sommes arrivés un soir… avons pris un taxi pour nous rendre dans nos quartiers respectifs… en chemin, nous avons vu des incendies allumés au loin dans le ciel nocturne… c'était une expérience surréaliste… comme un rêve… comme un cauchemar!
Quand nous avons déposé Anthony chez lui… nous avons vu des Noirs et des Blancs assis sur leur porche avec des fusils et des armes de poing pour protéger leurs biens. Je n’avais jamais rien vu de tel auparavant. J'habitais à quelques kilomètres d'Anthony et quand je suis arrivé dans mon quartier… j'ai vu un char d'assaut avec sa tourelle pointant dans ma rue! Il y avait des hélicoptères survolant la tête des projecteurs brillants au-dessus du sol… c'était incroyable!
Mais cette émeute n’était pas vraiment une émeute de race. Les Noirs ne sont pas sortis en masse pour attaquer les Blancs ou vice-versa… cela ressemblait plutôt à une accumulation d'années de frustration pour la pauvreté, le racisme et les brutalités policières manifestes qui ont finalement explosé…il y avait plus de pillages et de destructions de biens qui se passaient que les Noirs et les Blancs se combattant les uns les autres...".

ImageVC Veasey et Charles Hawkins

Durcis par ces diverses expériences, VC et son gang sont prêts à passer au niveau supérieur.
"...En fait, nous avons commencé à jouer du truc de Black Merda à la fin de 1967 alors que nous jouions toujours en tant que the Soul Agents… c'était après les tournées avec Gene Chandler et après avoir cessé d'utiliser des cuivres dans le groupe. Nous étions Black Merda dans tout sauf le nom… le groupe était moi-même, Anthony Hawkins et Tyrone Hite… fin 1968, nous avons ajouté le frère d’Anthony, Charles Hawkins, au groupe et changé le nom du groupe en Black Murder… puis en Merda. Alors quand nous avons fait la tournée avec Edwin et les Tempts, nous étions Black Merda. Nous avons principalement joué dans des clubs noirs autour de Detroit… le public était donc jeune et noir. Nous avons joué dans une salle de concert de rock blanc locale, the Grande Ballroom, une ou deux fois et dans certains endroits de Toronto, au Canada. Norman Whitfield, Don Davis, Popcorn Wily, James Jamerson et divers autres producteurs et musiciens de Motown étaient présents lors de certains de nos spectacles...".

Un peu arrogants, et pensant que la Motown est déjà dépassée, ils ont gentiment refusé Norman Whitfield et Eddie Kendricks, producteur et leader (respectivement) des Temptations, qui insistaient pour travailler avec eux.
Le gang vit alors comme une communauté dans une cabane du côté ouest.
Ils ont, par ailleurs, presque failli choisi de s'appeler "Murder Incorporated". "Gangsta" avant l'heure! Veasey dira plus tard que des Noirs ont été tués par la police à Detroit et qu'ils voulaient un nom dynamique. Des afros énormes, des vêtements voyants, des paroles pertinentes sur le plan politique et des guitares saturées: c’était la version sonique de Black Power, dont Detroit était l’un des points forts. "...Nous savions d'où ils venaient et nous étions d'accord avec certains d'entre eux, mais nous avions nos propres idées...," a-t-il déclaré.
Ils ont même été décrits, à l'époque, comme des alter ego noirs du MC5, mais VC n'est pas d'accord:
"...Non, non… d'abord… le MC5 était un groupe tout droit sorti du Rock N Roll… nous ne l'étions pas… notre approche musicale était beaucoup plus diverse que la leur… je ne suis pas sûre de ce que les paroles racontaient… jamais vraiment fait très attention à eux…
Mais nous, nous parlions de pauvreté, de racisme, d’hypocrisie, de désespoir, de liberté, de séparation entre réalité et fantasme, de prise de conscience et d’expansion, et de toute la mauvaise merde qui frappait les Noirs et d’autres au quotidien. Nos paroles n’étaient pas tant politiques qu’elles étaient véridiques et qu’une lumière éclairait intensément des problèmes que les gens ne voulaient pas voir mais qu’ils avaient besoin de voir et qu’ils devaient résoudre pour pouvoir vivre une vie meilleure, plus heureuse et aider les autres à faire la même chose.
Donc, d’une manière très esthétique, on pourrait comparer Black Merda à the MC5 ... mais c’est la fin de la comparaison...".
En fait, ils n’avaient aucun contact réel avec les musiciens blancs de la ville ("Non, nous l’avons fait, mais dans les premiers jours, Black Merda, en tant que jeune groupe d’adolescents "The Fabulous Impacs", nous avons partagé des scènes 'record hop' avec le jeune Bob Seger...").
À ce moment-là, ils jouent aux côtés des Parliaments (qui ont commencé leur transition vers le Funk), des Spinners ou de Charles Wright et de the Watts 103rd Street Rhythm Band.

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En 1968, le quatuor avait donc décidé de se créer une nouvelle identité en tant que groupe de Rock indépendant et autonome sous un nouveau nom: Après avoir envisagé le nom de Murder Incorporated d'après l'organisation criminelle notoire Murder, Inc., mais le groupe s'est finalement tourné vers Black Murder (suggéré par Veasey) pour commenter la violence endémique dans le centre-ville vécue par de nombreux Afro-Américains au cours de cette période.

Considérant que bon nombre de jeunes Noirs étaient alors assassinés par la police et le Ku Klux Klan à Detroit et dans le sud du pays, Veasey voulait choisir un nom rappelant de manière terriblement choquante au public la gravité de la situation. Afin de ne pas trop choquer la conscience de l’Amérique, l'orthographe a ensuite été changée tout en conservant le thème d'origine, le mot "murder", jugé trop véhément, devenant "merda" en argot utilisé à l'époque par les Afro-Américains.

VC déclarera plus tard:
"...Nous avons lu qu'en français, italien et portugais, “Merda”a des significations qu’il ne possède pas en anglais… nous voulons éclaircir les idées fausses concernant cette partie de notre nom… bien que “Merda”coïncide avec les orthographes française, italienne et portugaise de ce mot… ce n'est pas le même mot… voici comment sont nés notre nom et notre utilisation de “Merda”… À l'origine, notre nom était “Black Murder”, nous avons changé l'orthographe de “Murder” en “Merda”. comme une manière élégante d'orthographier "Murder”... notre orthographe de "Merda" est juste une façon différente d'épeler “Murder” et est prononcé “Murder”.
Donc, “Black Merda” prononcé “Black Murder” parait sensé? J'espère que cela clarifie les choses pour vous.3
Merci à tous nos anciens et nouveaux fans pour votre intérêt continu envers nous et notre héritage musical… nous nous sentons chanceux d'avoir votre soutien!...".

En 1968, le groupe joue encore en backing pour Edwin Starr mais se produit désormais sous le nom de Black Murder, accompagnant également the Temptations en 1969 lors de ses innombrables tournées.
Le groupe d’Eddie Kendricks est encore au sommet et opère un timide changement de ton intégrant militantisme politique, idéalisme psychédélique sous la houlette de Norman Whitfield. Mais ces transformations ne conviennent pas à Berry Gordy le big boss de la Motown, qui tient à préserver une image sage et lisse de ses artistes.

Kendricks avait décidé de produire la carrière indépendante d'un Black Merda désireux d’évoluer car la sonorité Motown a vécu et le groupe décide de voler de ses propres ailes en incorporant des influences Psyché et Blues à son répertoire, en rapport au Rock expérimental et à la musique Funk de Hendrix et d'autres jeunes artistes.

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Quoi qu’il en soit, par l’entremise de Kendricks, Black Merda rencontre alors un personnage haut en couleurs, un songwriter producteur, un chanteur aux vues similaires, Ellington Jordan, alias Fugi.
Celui-ci venait alors de se faire connaître en cosignant "I’d Rather Go Blind", Hit d’Etta James, à une époque où il se morfondait à Saint-Quentin, se préparant à un vol à main armée.

Dès sa sortie de prison, il a assisté à un concert avec Edwin Starr & the Soul Agents. Très impressionné par leur look et leur style (un mélange de Hendrix, Muddy Waters et Howlin 'Wolf, selon lui), il propose au groupe de collaborer avec lui et il écrit des paroles sur l'un de leurs titres qui deviendra le Hit Psychédélic Funk enfumé, "Mary Don’t Take Me On No Bad Trip", couplé à "Mary- Trip Two", publié en 1968 par Cadet, une filiale de Chess (fondée par Marshall Chess, fils fils de Leonard, le fondateur et patron du label).
Curieusement, cette chanson va devenir l’un des singles les plus populaires de l’époque à Detroit, mais Black Merda n’a même pas reçu les crédits nécessaires à cet enregistrement.
En fait, ils ont même enregistré une demi-douzaine de pistes pour un album qui n’avait jamais vu le jour, mais qui a finalement été publié en 1996 par le label Tuff City, sous le nom de Fugi.

Fugi, qui avait emménagé avec ses accompagnateurs, avait réussi à convaincre Marshall Chess de venir à Detroit pour les écouter.
Selon la légende, il est venu chez eux, a jeté un coup d'œil et les a signés sur place:
"...Oui, c’est vrai… bien qu’il ait entendu le morceau que nous avons créé pour “Mary Don’t Take Me On No Bad Trip” de Fugi. Je pense qu'il a été impressionné par cette piste, notre look, ainsi que par le 'cocon familial' débordant d'énergie. Il avait sorti "Electric Mud" pour Muddy Waters et essayait de réorganiser ses anciens morceaux de blues pour s’intégrer à la nouvelle musique psychédélique qui était populaire chez les jeunes de l’époque et nous nous intégrions parfaitement à ses projets car nous étions jeunes, Black, écrivions et jouions notre propre musique, étions autonomes et jouions déjà notre propre contribution originale à ce style de musique… tout ce qu'il avait à faire était de nous enregistrer.
Alors, quand il est venu nous voir, il a regardé le 'cocon" effrayé… au point de flipper… la couverture dépliée de “Electric Mud” avec la photo de Muddy Waters accrochée au coin du feu et a dit 'Je suis convaincu' qu'il voulait nous signer et fait de nous un 'super groupe'...".
En fait, Marshall Chess souhaitait étendre sa influence au Blues, à la Soul et au Jazz avec davantage de sons expérimentaux et Rock et il signa alors Black Merda sur la seule recommandation de Fugi.
A noter qu'un album complet de chansons de Fugi, comme "Revelations" et "Red Moon", en collaboration avec Black Merda, a aussi été enregistré à l'époque pour le compte du label Cadet (une filiale du label Chess, basé à Chicago), mais il n’a pas été publié avant 2005, soit 36 ans plus tard sous le titre "Mary Don't Take Me No Bad Trip" sur le label TuffCity / Funky Delicacies.

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Chess expédie la formation à Chicago durant l’Hiver 1970 et place le groupe dans les mains de Malcolm Chrisholm, un ingénieur du son spécialisé dans le Jazz et le Gospel, récemment recyclé dans la Soul et le Blues.
L’homme vient de participer à divers enregistrements de Koko Taylor, Chuck Berry, Albert King, Little Walter et JB Lenoir, des disques qui feront référence.
Les frères Hawkins, Hite et Veasey ne sont pas venus les mains vides. Ils ont composé onze titres spécialement pour l’album.
Les quatre larrons attendaient ce moment avec beaucoup d'impatience. La cohésion et la mise en place sont tellement évidentes que la plupart des titres sont mis en boîte en une seule prise. Il est clair que Chess ne misait guère sur eux pour arrondir ses fins de mois.
La production du disque ne semble d'ailleurs pas avoir coûté une fortune, juste une journée de prise.
Pourtant, ce savoureux mélange de Soul, de Funk Hendrixien, de Blues et de Rock avait tout pour séduire Marshall Chess. Alors, il n'avait pas dû hésiter bien longtemps pour signer cette formation qui aurait pu être une réponse à Jimi Hendrix, mais sans la pompe du guitar-hero.

Toujours est-il que Chess Records a ensuite sorti dans la foulée ce premier LP de Black Merda en 1970 et le groupe s'est fait connaître au point de devenir l’un des chefs de file de la scène naissante du Black Rock et du Heavy Funk, qui comprendra également les nouveaux venus Funkadelic et The Bar-Kays.

L'album qui semble assez révolutionnaire, même si les membres du groupe étaient déçus qu'il ne reflète pas leurs concerts heavy, est composé de:
- Funk Rock sulfureux copieusement imprégné d'un esprit Hendrixien. Un souffle Hendrixien qui porte vers des dimensions cosmiques mauves et rouges les plus belles pièces comme "Prophet" qui ouvre l'album, le single tiré de l'album, "Cynthy-Ruth", hypnotique avec chœurs virils à la ferveur presque guerrière, considéré aujourd'hui comme un classique, "Ashemed" qui flirte allégrement avec le proto-Hard ; et "Good Luck" plus Soul, au ton revendicatif, préfigurant les B.O. de la Blaxploitation.
Même "Think of Me", qui crée une rupture abrupte en passant directement à un Country-Blues du Delta - pratiquement un "work song" interprété par les forçats ou autres pour lutter contre la fatigue et l'accablement causés par un travail harassant - exsude encore d'une certaine essence Hendrixienne.
- instrumentaux avec "Over and Over", rien d'autre qu'un Blues avec un long solo perclus d'une abyssale réverbération et d'une tonalité poussée dans les aigus, mais "Windsong" est nettement plus intéressant car il propage une saveur crémeuse et mate de Soul langoureux, avec sa guitare expressive, douce et mélancolique.
- Rhythm' N' Blues suave, résurgence des années 60, qui rappelle quelque peu le travail de Steve Cropper, "Reality".
- morceaux Soul comme le superbe "That's the Way It Goes", entre ballade élégiaque et Soul Rock tendance Flower-Power ; et le paresseux "I Don't Want to Die".
- Et aussi de Blues avec "Think of Me".
Outre l'aura d'Hendrix, on pourrait aussi même évoquer l'ombre de Rare Earth. Cet autre groupe de Detroit qui mélangeait avec maestria la Soul avec le Rock Psyché et qui venait de rencontrer un franc succès avec son deuxième disque en 1969, "Get Ready". Sans omettre Funkadelic, même si leur premier essai ne paraît que cette même année, en 1970 ; le groupe, lui, se produisait déjà sur scène depuis quelques années.

D’entrée de jeu, l'auditeur reste marqué par le son de la guitare d’Anthony Hawkins sur "Prophet". Basse bien ronde et groovy, chant semi parlé mais véhément et guitare flamboyante dans la lignée d’Hendrix. Le genre de titre poisseux qui vous colle aux basques.
Ensuite, c'est une petite rupture avec "Think Of Me", une ballade mélancolique mêlant Soul et Roots délivrée en acoustique avec un chant plein de désespoir rappelant les grandes heures du Gospel et du Protest Song.
L’ambiance Psyché Funk est de retour sur le lancinant "Cynthy-Ruth" sur lequel la guitare et le chant déclamatoire sont rehaussés par les chœurs.
Si "Prophet" avait à l’époque marqué les esprits des auditeurs curieux et open, il convient de ne pas mésestimer non plus "Over And Over", un instrumental aux effluves hendrixiens. Le jeu de guitare tout en fuzzing nous assène une véritable démonstration. Ici pas de pédales mais des cordes souples et un touché exceptionnel.
Retour vers le Funk Rock Psyché avec "Ashamed", "Good Luck" et "Reality".
"Windsong", un autre instrumental, conjugue Blues ténébreux et vague à l’âme.
"I Don’t Want To Die" une ballade psyché pleine de nuances annonciatrice de l’état d’esprit de la population noire face aux menaces exercées par la police ou le KKK nous offre elle aussi un bon moment.

Hélas, cet album a été longtemps occulté: Déjà, son patronyme provocateur lui a fermé les portes des radios. Certains critiques avancent aussi qu'ils étaient trop Heavy-Rock pour la communauté Afro, et inversement trop Soul et Funk pour les blancs. Pas certain mais plausible.
Ensuite, ce disque a souffert d'une promotion pratiquement inexistante (en raison de changements de direction chez Chess Records) et d'un mixage fait à la va-vite: selon VC Veasey ce mix final est mal exécuté, ne reflétant pas les sessions d’enregistrements et les prestations live du groupe.

Le disque ne connaîtra pas alors le succès escompté.
"Black Merda" fut, parla même occasion, longtemps un objet culte, ayant suscité maintes explorations périlleuses dans les marchés aux puces et les boutiques d'occasions dans l'espoir de mettre la main sur un rare exemplaire.
Plus tard, quelques généreux possesseurs de la galette eurent l'idée de le mettre en écoute sur le net. Ce qui fit enfler sa réputation de perle rare, car effectivement, cette galette méritait bien les propos élogieux de quelques rares écrits éclairés.
Encore une de ces perles des années 70 à redécouvrir, et surtout à transmettre.

En dépit de l'excellente teneur de ce premier opus, Black Merda galère et ses membres commencent à perdre la foi. Depuis le départ de Marshall Chess pour Atlantic, le label de Chicago périclite.
Le batteur Tyrone Hite, découragé, rend son tablier en pleine tournée. Leur ancien associé a commencé à arriver tard aux concerts, ce qui a créé des tensions. Il est remplacé par un Bob Crowder. La machine commence à faiblir.
Amer, le groupe fait peu d'efforts promotionnels et refuse de tourner de manière intensive. En 1971, le magazine traditionnel 'Hit Parader' publie un article sur le Black Rock avec Funkadelic, les Bar-Kays et Black Merda. À ce moment-là, ils ont décidé de voir de nouveaux horizons et ils ont déménagé pour la Californie pour accompagner Fugi (où Fugi, qui joue maintenant des congas avec eux sur scène, a encore des liens) ainsi qu'Eric Burdon et War.
Nouvelle désillusion, Fugi est en proie à de graves problèmes de toxicomanie, et, finalement, Black Merda retourne à Detroit.

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En Californie, le son unique et le style coloré du groupe (chemisiers à volants, colliers, chapeaux de paladin ou keffiehs ornés de bijoux ou de perles) leur avaient valu un accueil enthousiaste. Ils partageaient l'affiche avec, entre autres, War, qui avait insisté pour les signer sur leur nouveau label, une offre séduisante.
Ensuite, ils avaient reçu un appel téléphonique de Chess, qui leur proposait un nouvel album avec un budget plus important et un autre producteur.
Pour mettre un peu de distance entre Fugi et eux, ils rentrèrent chez eux et enregistrèrent à nouveau dans les studios Chess.
Mais le label de Chicago a perdu son patron historique et vient d'être vendu à GRT Corporation, et Marshall Chess est parti pour la Grande-Bretagne pour gérer le label des Stones. Pour ajouter à la confusion, le gang a changé de nom et s'appelle maintenant Mer-Da.

Revenue au bercail, à Detroit, le groupe panse ses plaies, et, avec l'aide d'un batteur de studio, Bob Crowder qu'il venait d'embaucher juste avant, il parvient à enregistrer un second disque, "Long Burn From Fire" sur le label Janus Records.
Un label plus connu pour avoir été le diffuseur de groupes Européens pour les USA (dont Lucifer's Friends, Barker Gurvitz Army, Judas Priest, Camel) et l'éditeur de Mungo Jerry, Al Stewart, The Whispers et Potliquor.

"Long Burn the Fire", plus funky rappelant quelque peu le début de Funkadelic, a été publié avec encore moins de moyens en 1972 par Janus avec seulement Veasey et les frères Hawkins sur la pochette. Moins rocailleux et brut que le précédent opus, cet album n’abandonne pas pour autant les guitares mais le feeling est plus Soul, sans doute pour plaire à un plus large public.
Le nom du groupe a été changé en Mer-Da sur la couverture de l'album dans le but d'améliorer l'accessibilité, mais le disque souffrira également d'une mauvaise promotion.

Cette fois, leur nouveau producteur leur impose des arrangements de cordes. Les résultats sont de qualité inégale: "For you" lorgne vers la Soul classique, "My Mistake!", une histoire de meurtre triste, est une ballade lucide et poignante, et la voix de Veasey, à l'avant du mix, donne la chair de poule.
En ce qui concerne le reste, "Mother's Mixer", "Lying", "Long Burn The Fire!", "Sometimes I Wish" et "I Got A Woman" sont autant de manifestes Funk au groove hypnotique. L'engrenage des guitares, le tricotage de mélodies contagieuses, souvent en petits accords, portés par des voix qui saisissent et des harmonies qui hantent l'auditeur.
Un Blues instrumental de haut vol, improvisé en studio, conclut ce deuxième album, moins brut mais plus abouti.

Le succès escompté n’arrivant toujours pas, le groupe arrêtera les frais un an plus tard et les membres restants retournèrent à un travail de session plus orthodoxe dans la Soul et le R & B.

Sans aucun contrat d'enregistrement ni manager, ils retournent en Californie, où ils rejoignent Fugi et Hite pendant un moment, mais le feu est éteint.
À la fin de 1972, Black Merda a splité.

Pourtant, tous resteront alors actifs dans la musique.

La formation originale se réunit même en 1980 sous le nom de "Detroit" (aucune relation avec le combo de Mitch Ryder).
VC enregistre un album de "World Fusion" instrumental en 2002 (le plus grand de V!), Puis un album live intitulé "Black Merda the Mighty V Style!" en 2006. (avec une étrange version de reprise de "Foxy Lady" sur un fond de caisse de batterie).
Pendant ce temps, quelques collectionneurs fous, manigance le retour du Black Rock d'une manière inattendue. Réclamé par les Beastie Boys et échantillonné par Ja Rule, Black Merda revient sur scène en 2005 - moins Hite, décédé d’un cancer entre-temps - pendant quelques dates à Detroit (les frères Hawkins y vivent toujours et VC vit dans les banlieues, à Southfield), au Canada et à Cleveland:
"...Les spectacles ont tous été super! Excellentes réponses du public! C’est génial de jouer à nouveau ensemble… il n'y a rien de tel. Les personnes présentes à nos spectacles sont composées à 90% de jeunes hommes et femmes blancs et de femmes âgées de 20 à 30 ans, avec quelques Noirs et autres personnes jetés-là pour faire bonne mesure. Ils aiment vraiment ces premières chansons… un fan a dit qu’il n’était pas préparé à entendre ces chansons en public, en personne, pour la première fois...".

Dans l’atmosphère électrique de la Motor City de la fin des années 60, leur son abrasif, leur hybridation de Funk avec Blues vaudou et les parties de guitare fuzz, leurs tenues excentriques et leurs paroles virulentes avaient frappé de nombreux esprits.
Et, au fil des ans, grâce au bouche à oreille, quelques rares critiques avisés, ainsi que la ville de Detroit qui n'a pas oublié ses enfants prodiges, Black Merda devient un groupe tout simplement culte. Réputation renforcée dès l'aube du XXIème siècle avec les rééditions CD qui trouvent, enfin, leur public.

Et, de fait, ils doivent leur come back à un drôle de concours de circonstance, une simple compilation faite en cassette: En 2001, un collectionneur de Chicago avait copié quelques-uns des singles ultra-rares de Black Rock pour un copain de Memphis, qui à son tour posséda d'innombrables copies de cette cassette.

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Sous le titre "Chains and Black Exhaust", cette compilation se retrouva bientôt dans le monde entier sous forme de CD bootleg. Leur chanson "Cynthy-Ruth" est l'une des plus remarquées.

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C'est cela qui a donné au label Tuff City l’impulsion nécessaire pour rassembler les deux disques sur un CD et l’aventure Black Merda réapparait en 2005 car le label Funky Delicacies ressort les deux albums cultes du groupe sous le nom de "The Folks from Mother’s Mixer".

Boostés par ce tardif regain d’intérêt et à l'attention nouvelle portée par cette compilation au travail du groupe et à un culte qui témoigne d'un intérêt croissant pour l'obscur Black Rock du début des années 1970, les frères Hawkins et Veasey se sont réunis en 2005 (Tyrone Hite étant décédé suite à une crise cardiaque en 2004).
Après pas loin de trente années de silence, et encouragé par ce nouvel enthousiasme, Black Merda se reforme officiellement en trio, et revient sur scène avec des coupes afros plus courts et des cheveux grisonnants, mais leur détermination reste intacte.
Ils espèrent même pouvoir se produire devant la foule dans la ville de Fresno, en Californie, où ils ont fait leur meilleure musique ensemble.
Ellington "Fugi" Jordan leur rend visite et c'est presque comme si ces types ne se séparaient jamais, tellement ils se taquinent les uns les autres.
"...Est-ce que vous réalisez que nous parlons d' il y a 48 ans?..." demande Fugi. "...Bon sang, les mecs. Nous sommes tellement bénis de faire quelque chose ensemble à nouveau. Nous sommes vieux et moches...".
"...Maintenant, tu parles de toi...", dit Veasy, en provoquant Fugi avec un sourire.
"...Non, je parle de vous deux!..." dit Fugi et les autres éclatèrent de rire.
À la fin des années 1960, bien sûr, ces gars-là avaient l'air assez différents des aînés décontractés qui bavardent aujourd'hui.
Comme l'a décrit l'écrivain Fred Mills dans Metro Times, ils étaient "...toutes Afros imposantes, Pantalons à pattes d'éléphant rayés, chemises éclatantes et écharpes pendantes… plus rigoureux et plus heavy que Parliament Funkadelic, et poursuivis par des poids lourds de Motor City comme Norman Whitfield et Eddie Kendricks...".
En fait, Fugi sort un numéro de 12 ans de Mojo Magazine qui présente une généreuse diffusion sur le groupe, montrant les vêtements expansifs que le groupe portait jadis. L'article est un exemple d'un regain d'intérêt remontant aux années 2000 dans l'histoire peu connue du rock noir à Detroit, un intérêt qui a culminé dans des rétrospectives culturelles telles que le film "A Band Called Death".
Comme le dit Veasy, "...Nous étions tous déguisés..." avec Afros et jeans, à une époque où même Parliament portait toujours les mêmes vêtements et les cheveux lissés. "...Nous ne nous inquiétions pas de ce que les gens en pensaient,..." dit Veasy. "...Les gens ont trouvé que la façon dont nous nous habillions était cool, tu sais... Nous étions tellement rigoureux que nous avons influencé George Clinton...".

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Pour profiter de cet élan, un nouvel album est en préparation.
VC a même confié à un magazine américain qu’ils avaient enregistré une version "Merdaisante" du tristement célèbre "A Day in the Life" des Beatles!
"...Ouais… devrait sortir en septembre. Ça s'appelle "Renaissance" parce que c'est ce que la musique de Black Merda a connu ces dernières années… une renaissance… un rajeunissement… un renouveau de l'ancien, de l'original, du classique… mais les temps ont changé et nous avons changé… et la musique que nous écrivons a changé… mais c'est toujours diversifié, rock et funky… il y a quelque chose pour tout le monde… nous savons que ce sera probablement trop comparé à notre musique classique… mais ainsi soit-il...".
Lorsque vous voyez ce qui se cache sur les platines des gars, vous pouvez vous attendre à un mélange original de styles...
"Nous écoutons du hip hop, du jazz, du rock, de la country, du classique, une variété de musiques, comme nous l'avons toujours fait… nous aimons toutes les musiques… à condition qu'elles soient bonnes et qu'elles possèdent un cœur et une âme spirituels… mais nous n'aimons pas n'importe quel genre de musique"... et aux paroles moins virulentes:
"La situation actuelle est bien différente de celle du jour où nous avons écrit nos paroles! Au moins en ce qui concerne les problèmes raciaux manifestes, le mouvement anti-guerre, le mouvement des droits civils, le mouvement des puissances florales et le mouvement pour la paix… même si nous avons toujours des problèmes raciaux moins manifestes… et que nous avons plusieurs guerres en cours… mais ils ne semblent pas avoir presque la même signification sociale que la guerre du Vietnam. J'ai lu que dans certains pays européens, la situation raciale est en train de dégénérer, ce qui ressemble à ce qu'elle était aux États-Unis à l'époque...".

"Renaissance" parait donc en 2006 et Black Merda participe à plusieurs festivals à Detroit et dans la région environnante, ainsi qu'à la scène estivale lors de la série de concerts New York's Central Park SummerStage et du Ottawa Blues Festival en 2006.

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Une compilation de raretés intitulée "The Psych-funk of Black Merda" a aussi été publiée en 2006 par Lilith Ltd, une filiale d’Universal Russie, avec des erreurs de date et un titre oublié. A noter que ce 33 tours se vend actuellement aux alentours de 400 €.
Pourtant, malgré le fait que ce soit une rareté intéressante, avec notamment la version de the Soul Agents de "Foxy Lady" et deux morceaux de Black Merda enregistrés avec Linnie Walker, le son laisse plutôt à désirer!

L’appréciation longtemps attendue de l’influence de Black Merda s’est reflétée en 2005 lorsque le rappeur Ja Rule a samplé leur morceau de 1972, "Lying", en tant que piste de support pour "Exodus Intro" sur son album "Exodus".
En 2007, The Detroit Metro Times avait classé la chanson de 1970 "Cynthy-Ruth" parmi les meilleures chansons de Detroit ('The 100 Greatest Detroit Songs Ever!' soit: les 100 meilleures chansons de Detroit jamais faites).
Une reconnaissance supplémentaire a été obtenue lorsque "Cynthy-Ruth" a été présenté dans le documentaire HBO "The Nine Lives Of Marion Barry" diffusé en Août 2009.

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Black Merda enregistre "Forces Of Natures" en 2009 sur Vampi Soul.
Cet album est un véritable retour au son du groupe et les compositions sont d'excellente facture.

Kanye West a samplé "Cynthy-Ruth" pour une utilisation dans le morceau "Teriya King" de l'album de 2009, "Serious Japanese", qu'il a produit pour les rappeurs japonais the Teriyaki Boyz.

Le groupe figurait dans l'article de Spinner.com intitulé "In Living Color: 20 Important Black Rockers Past and Present" en 2010.

"Take A Little Time", le single de l'album "Force Of Nature" de 2009, figurait dans la compilation de Mojo Magazine, Heavy Soul en 2010.

Leur premier album éponyme de 1970 a été choisi comme l'un des "Detroit's greatest hits that should have been" par le Detroit Metro Times (10 Novembre 2010, Music Issue).

Discographie:

Black Merda (Chess, 1970; reissued by Funky Delicacies, 1996)
Long Burn the Fire (Janus, 1972; reissued by Funky Delicacies, 1996)
The Folks from Mother's Mixer (Funky Delicacies, 2005; compilation)
Mary Don't Take Me On No Bad Trip – Fugi featuring Black Merda (Funky Delicacies, 2005)
The Psych-funk of Black Merda (Funky Delicacies, 2006; rarities)
Renaissance (Black Merda LLC, 2006)
Force of Nature (Vampi Soul, 2009)

Sources: wikipedia, Bruno, Michael Jackman, Steve Huey, le Kingbee, Vincent Turban, VC Lamont Veasey
Dernière édition par alcat01 le 20 Nov 2018, 19:22, édité 32 fois.
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Re: BLACK MERDA (Bio)

Messagepar vox populi » 11 Nov 2018, 09:38

J'ai écouté leur compilation qui reprends leur deux premiers disques.
Très bien.
Très influencé par Hendrix en effet, en particulier au niveau de la voix. On se demande d'ailleurs parfois si ce n'est pas lui tellement la ressemblance est frappante.
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