C'est difficile pour moi de choisir entre les deux, tant je les ai aimés à des périodes différentes de mon parcours. Mais quitte à se couper un bras, je pencherais pour "Tommy". C'est véritablement le disque qui m'a fait découvrir les Who, à l'âge de dix ans, dans des circonstances aussi hilarantes qu'effrayantes (anecdote déjà racontée sur l'ancien forum), et qui m'a précipité dans la wock & woll attitude !
Le concept de "Tommy" est fumeux, bien sûr, son emphase n'a pas forcément bien vieilli mais il n'en demeure pas moins que Townshend avait réussi à faire la synthèse de toutes ses préoccupations, en premier lieu spirituelle, et de son inspiration sur le plan musical, à l'échelle d'un seul album. J'apprécie le parti-pris de ne pas en mettre partout avec les arrangements orchestraux qu'on aurait pu imaginer tant c'était à la mode sur les concept-albums à l'époque. De ce fait, l'album était quasi-intégralement restituable en live, et diable quelles restitutions ! Les bandes de la tournée 1969-70 le montrent, tant les officielles (Leeds, Hull, Wight ou les récentes exhumées à l'occasion du coffret super-hyper-méga-giga-deluxe-que-j'en-suis-vert-de-pas-avoir-le-blé-pour-l'acheter) ou pirates (Amsterdam, Woodstock, London Coliseum, Electric Factory, Bristol Hippodrome, etc, etc). J'aime aussi le côté blague de potache qui a consisté à faire du personnage principal un champion de flipper plutôt qu'un fin cordon-bleu ou un mécanicien de génie, juste pour s'attirer les grâces d'un critique (Nik Cohn en l'occurrence, fanatique de pinball). Sur le film, il y a beaucoup à dire, mais pour résumer, je le trouve toujours aussi fascinant malgré son esthétique de chiotte et ses sorties de route difficiles à suivre (Ken Russell l'a mis au service de son délire, alors que l'inverse eût semblé plus indiqué mais enfin...). Ce doit être sentimental...
"Quadrophenia" me semble plus marqué par l'amertume, la nostalgie, la peur de vieillir. Les compositions me semblent bien plus fortes que dans "Tommy" mais le coeur n'y est déjà plus. Il n'en reste pas moins que sur des titres comme "I've Had Enough", "Sea & Sand", "Doctor Jimmy", etc, les mecs tonitruent comme ils ne le feront jamais plus, avec des limites que l'on touche déjà du doigt (Moonie commence à adopter ce jeu un tantinet répétitif qu'il ressassera jusqu'à la caricature, ces arrangements de synthétiseurs un peu chantilly) mais une jolie fougue et une puissance à son sommet.
Donc merci Nunu pour la question, mais "Lifehouse" fût-il sorti en son temps comme c'était envisagé que l'on ne se la poserait même pas...
Et total respect aux camarades qui ont vu les Who aux Arènes de Poitiers au premier trimestre 74, j'ai des amis qui y étaient, le souvenir reste grandiose et cuisant...
