Nick Gravenites with Mike Bloomfield - Live At The Fillmore

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Nick Gravenites with Mike Bloomfield - Live At The Fillmore

Messagepar BLOOMERS » 01 Nov 2013, 12:05

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Quand Bloomfield racontait le tout début de sa carrière, il mentionnait toujours que seul une petite poignée de blancs étaient assez fous pour traîner dans le Southside de Chicago...
Outre Paul Butterfield qu'il connaissait depuis l'enfance (mais qu'il ne fréquentait pas), il y avait aussi Nick Gravenites surnommé "The Greek" en raison de ses origines...
Ils se sont rencontrés par hasard dans le Southside, Bloomfield jouait de la guitare sèche assis par terre... Nick voulant être guitariste à l'époque, s'approcha de lui, séduit par les sons qu'il entendait...
D'après ses mémoires, la performance de Bloomfield ce jour là fut un énorme choc pour lui, il décidait d'abandonner la guitare sur le champ !
Selon Gravenites, Bloomfield savait vraiment "jouer" de la guitare sèche, et il insiste bien sur le terme "jouer".
Il connaissait des gars qui grattaient du folk, Bloomfield, lui, sonnait comme les noirs et reproduisait fidèlement le picking de chaque Bluesman à la note près !

Nick est d'abord connu pour avoir composé le célèbre "Born In Chicago", LE morceau de bravoure du premier album du BBB. C'est aussi un chanteur de blues exceptionnel, un songwriter sous-estimé et pour finir un producteur de qualité qui a oeuvré dans l'ombre pour quelques groupe West Coast comme Quicksilver Messenger Service et le Big Brother & The Holding Co de sa copine Janis...

En effet, Nick a senti bien avant tout le monde les bonnes vibrations de la côte Ouest en s'y installant vers 1966, c'est lui qui attire Bloomfield pour la formation de son nouveau groupe, l'Electric Flag, en échange le guitariste lui offrira la place de chanteur principal.
En attendant Nick fréquente le gratin de San Francisco, Janis qu'il connaît déjà depuis ses débuts dans son Texas natal et produit avec la complicité d'Harvey Brooks, le tout premier album de Quicksilver.
Nick s'entend particulièrement bien avec John Cippolina, le guitar-hero-acide de la formation, ensemble ils composent pas mal de démos dont celle de "Moon Tune" qu'on retrouvera sur "My Labors".

Les débuts de l'Electric Flag sont laborieux, Nick garde un souvenir mitigé de cette période... il parle souvent de véritable gâchis quand à la gestion du groupe... d'un côté Bloomfield empêchant le groupe d'évoluer en choisissant des petits clubs au lieu de grandes salles de concert, de l'autre il devait réfréner l'ego de Buddy Miles qui faisait tout pour l'éclipser sur scène et dans le groupe... vous rajouterez à tout cela un pauvre management et une promotion quasi nulle et vous aurez la recette du Flop du premier album de l'Electric Flag. Après un second album sans Bloomfield qui ne fait guère mieux, le groupe se sépare... mais Nick ne reste pas sur le carreau très longtemps.

En janvier 1969, on le retrouve au Fillmore West en compagnie de son ami Bloomfield alors au sommet de son art, les concerts enregistrés pendant ces quelques jours devaient d'abord sortir uniquement sous le nom de Bloomfield.
D'après Nick, les titres sélectionnés par Columbia sur le très bon "Live At Bill Graham's Fillmore West" négligeait les meilleurs moments des concerts.
Il proposa donc un deal à Columbia pour un album sous son nom propre composé des meilleures chutes du Fillmore ainsi que 3 enregistrements studios (probablement réalisés avec Quicksilver) pour le compléter, le résultat est sans appel, excepté les titres en studio, ce "My Labors" deviendra au fil du temps un des trésors cachés les plus inestimable du blues rock...et oui "deviendra" puisque Columbia va tout faire foirer en bâclant la promotion des deux albums qui ne rapporterons que très peu d'argent à leur auteurs.


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Nick Gravenites with Michael Bloomfield : My Labors (LP-Columbia 1969)


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Nick Gravenites : Vocals
Mike Bloomfield : Lead Guitar
Mark Naftalin : Piano
Ira Kamin : Organ
John Kahn : Bass
Bob Jones : Drums
Rienol Andino : Conga
Noel Jewkis : Tenor Sax
Gerald Oshita : Baritone Sax
Snooky Flowers : Baritone Sax
John Wilmeth : Trumpet

Face 1

1. Killing My Love (5:19)
2. Gypsy Good Time (4:30)
3. Holy Moly (3:55)
4. Moon Tune (8:55)


face 2

1. My Labors (2:55)
2. Throw Your Dog A Bone (2:57)
3. As Good As You've Been To This World (2:41)
4. Wintry Country Side (13:12)

Enregistré entre le 30 janvier et le 2 février 1969 au Fillmore West, San Francisco
Producteur : Elliot Mazer

De l'avis de la plupart des spécialistes, la carrière de Mike Bloomfield est, en 1969, à son apogée. Après avoir enregistré avec Bob Dylan, en 1965, HIGHWAY 61 REVISITED et contribué dans une large mesure, à ce titre, à la légendaire électrification de la musique de ce dernier qui constitua la pierre angulaire d'une des plus importantes révolutions musicales des années 60 (n'oublions pas qu'à ce jour, HIGHWAY 61 demeure un des albums les plus importants de l'Histoire), Bloomfield a donné l'impulsion de projets tels la formation de l'Electric Flag, et bien sur a commencé à se faire connaître sous son nom, avec Al Kooper, avec l'enregistrement des fameuses SUPER SESSIONS et, bien plus encore, de l'album légendaire THE LIVE ADVENTURES OF MIKE BLOOMFIELD AND AL KOOPER, album dans lequel le phrasé inégalable qu'il a développé s'exprime dans toute sa plénitude.

C'est donc auréolé d'un statut de superstar (qui ne lui convient guère) qu'il se produit régulièrement au Fillmore, sous son nom ou, ce qu'il affectionne plus particulièrement, aux côtés de Nick Gravenites, chanteur de l'Electric Flag.
Deux albums, parus respectivement sous les noms de chacun des deux hommes, verront le jour, MY LABORS de Nick Gravenites et LIVE AT BILL GRAHAM'S FILLMORE WEST de Mike Bloomfield (officiellement toujours indisponible en CD).

MY LABORS révèle une prestation exceptionnelle de musiciens parvenus au sommet de leur art.  La prise de son est remarquable, les musiciens inspirés pour un cocktail blues en noir et blanc où les cuivres se mêlent à l'orgue Hammond et au piano avec une pertinence rare, la section rythmique soutenant idéalement les improvisations conduites par la voix de Nick Gravenites et la guitare de Mike Bloomfield. Par ailleurs, Gravenites se révèle un leader remarquable et un compositeur des plus inspirés. Notons que l'album est produit, superbement, par Elliott Mazer, qui travaillera avec bonheur quelques années plus tard avec Neil Young pour... HARVEST.

KILLING MY LOVE, d'entrée de jeu, pose l'esthétique de cet album. Un blues lourd, superbement chanté, où la guitare de Bloomfield fournit le contrepoint idéal. Bob Jones à la batterie, John Kahn à la basse, le piano de Mark Naftalin et les congas de Dino Andino font merveille derrière la section de cuivres de Noël Jewkins, Gerald Oshita, Snooky Flowers et John Wilmeth qui domine la rythmique de ce premier titre, qui reprend le thème récurrent du meurtre de celle qu'on aime (voir HEY JOE ou DOWN BY THE RIVER). Nick Gravenites est un grand chanteur. Les interventions de Bloomfield sont concises, mais tout y est dit. Un mordant dans le jeu de guitare digne d'Albert King et B.B. King réunis. Un morceau d'anthologie pour débuter cet album.

En comparaison, GYPSY GOOD TIME est un titre plus léger avec son rythme plus funky, dans lequel les musiciens précités restent toutefois très efficaces. Un titre qui vaut surtout pour la qualité de son interprétation, tout en retenue avec un Bloomfield qui va à l'essentiel dans des interventions bien senties et un chorus central qui reste le point culminant de ce morceau et justifie à lui seul sa présence sur l'album. Mention spéciale au piano de Mark Naftalin qui donne toute sa dynamique au morceau.

Avec son côté pop, HOLY MOLY se révèle être un titre très entraînant. Les cuivres, mêlés à une guitare rythmique assez funky encore une fois, sont redoutables d'efficacité. L'orgue, présent mais assez en arrière ici dans le mixage, souligne l'ensemble et vient parfaire la texture sonore de ce morceau. Une composition sympathique, qui une nouvelle fois vaut d'abord pour l'interprétation remarquable que les musiciens en donnent, l'attaque vocale de Nick Gravenites lui donnant toute sa puissance, le morceau se clôturant par un court chorus de Mike Bloomfield qui, ici, se contente de reprendre le thème.

La première face du vinyle se terminait par MOON TUNE, qui reprend les choses où KILLING MY LOVE les avait laissées. Un titre bluesy laid-back, avec une rythmique de cuivres et de piano exceptionnelle à nouveau, sur lequel Nick Gravenites se laisse aller à des vocalises puissantes, qui touchent à l'essence du blues, comme aurait pu le concevoir un Howlin' Wolf. La guitare de Mike Bloomfield et la batterie de Bob Jones se fondent admirablement. A 3:39, Mike Bloomfield se fend alors d'un chorus au son dévastateur, avec un sustain évoquant parfois le meilleur Santana, et toujours ces tirés emprunts d'un vibrato très idiosyncrasique qui touchent juste à chaque fois. La construction de l'improvisation de ce chorus de plus de deux minutes est si rigoureuse et ses enchaînements si naturels qu'ils évoquent presque une composition dans la composition. Un discours parfaitement maîtrisé, un son monumental, un phrasé qui a atteint toute sa maturité. Et lors de la reprise, la puissance de la voix de Gravenites permet la poursuite du morceau sans la moindre perte d'intensité derrière le chorus qui en représentait pourtant un moment cathartique. Un titre inoubliable.

La face 2 du 33 tours commence par une série de trois titres enregistrés en studio, dont on ne peut que déplorer la présence ici. La pratique était courante en cette fin des années 60 que de mêler sur un même album titres live et studio, mais en dépit du fait que cela mettait en valeur la primauté du fond sur la forme, force est de reconnaître que cette mode a vite montré ses limites en termes de cohérence musicale. Un exemple des plus édifiants en est le fameux WHEELS OF FIRE, qui représente pourtant une des références en la matière : lors de la publication du superbe coffret THOSE WERE THE DAYS, les titres live et studio ont clairement été séparés, car correspondant à deux facettes trop distinctes du groupe.
Plus grave, il apparaît ici que les musiciens qui participent aux sessions studio ne sont pas les mêmes. Crédités comme "amis anonymes de Nick", il semblerait que parmi eux figurent des musiciens de Quicksilver Messenger Service... qui ont toujours été beaucoup moins à l'aise en studio qu'en live. Alors l'ambiance de ces trois titres est radicalement différente, nuit à la cohérence de l'ensemble et finalement donne le sentiment d'apparaître sur l'album de façon totalement inutile. Le constat est d'autant plus désolant que le premier d'entre eux, MY LABORS, qui donne pourtant son titre à l'album, est une composition assez faible, même si elle est joliment chantée, et son interprétation générale est pour le moins sirupeuse (les choix des chœurs ici est une faute de goût manifeste).

THROW YOUR DOG A BONE a le mérite, en comparaison, d'être un peu plus dans le ton donné initialement à l'album, et tient par l'énergie qu'il dégage. En dépit d'une qualité d'écriture un peu moyenne, l'interprétation vocale de Nick Gravenites, encore et toujours, se montre au-delà de toute critique. Il confirme pleinement qu'il est un grand chanteur. L'orgue présent sur ce titre est parfait, les congas donne un début de cohérence avec les morceaux live du reste de l'album.

AS GOOD AS YOU'VE BEEN TO THIS WORLD, troisième et dernier des titres studio présents sur cet album, est moins inspiré. L'interprétation est assez faible et fait regretter que les musiciens présents sur la partie live, absolument parfaits de bout en bout, n'aient pas assuré ici les sessions studio. Au final, un morceau plutôt anecdotique qui laisse l'auditeur sur une impression de remplissage.

Fort heureusement, le face 2 de l'album original se terminait par une nouvelle pièce maîtresse, troisième chef-d'œuvre de l'album, à nouveau enregistré en concert, WINTRY COUNTRY SIDE. Une introduction de piano de plus de trois minutes (malheureusement, et c'est bien regrettable, quelque peu sous-mixée) introduit un feeling vaguement décalé, une atmosphère de western en fin de nuit dans une ambiance enfumée... surgit alors la guitare de Mike Bloomfield tandis que John Kahn à la basse et Bob Jones à la batterie viennent souligner le tout, l'orgue, superbe, de Ira Karmin venant donner la teinte du morceau. La post-introduction de Bloomfield, de quasiment trois minutes également, amène idéalement la chanson proprement dite, où Nick Gravenites dialogue de manière parfaite avec l'orgue et la guitare, chacun tenant sa place avec le meilleur à-propos. L'ambiance constamment suggérée par le piano droit façon bastringue de Mark Naftalin colle parfaitement à l'interprétation donnée à ce morceau. Couplet après couplet, Nick Gravenite impulse un crescendo qui est parfaitement compris de l'ensemble des musiciens, Bloomfield en tête, aidés en cela  par l'apparition progressive des cuivres (vers 8:00 - 8:15). Le morceau, d'abord en retenue, va clairement décoller à 9:25 avec le chorus de Bloomfield, l'orgue et les cuivres frisent la perfection, sans parler du piano. Le mixage de l'ensemble, pourtant délicat à réaliser, est absolument parfait, à l'image de l'interprétation de ce morceau d'anthologie. Pendant pratiquement quatre minutes, le titre ne baisse jamais d'intensité, les musiciens réalisant là un véritable morceau de bravoure. Le thème vocal reprend à 11:48, de nouveau avec le contrepoint idéal donné par le piano de Mark Naftalin. Ce titre clôturait l'album original.

L'édition CD présente donc trois titres supplémentaires, dont on donnera le détail par la suite, car en fait ce sont les trois titres chantés par Nick Gravenites qui figuraient initialement sur l'album LIVE AT BILL GRAHAM'S FILLMORE WEST de Mike Bloomfield : ils trouvent ici pleinement leur place, même si on sent que IT TAKES TIME est clairement un morceau de début d'album - et de concert, sa transition après WINTRY COUNTRY SIDE peut donc surprendre ici. Par ailleurs, BLUES ON A WESTSIDE et IT'S ABOUT TIME sont des compositions de Nick Gravenites et méritent amplement de figurer sur cet album auquel elles permettent de donner un net plus en termes de densité : mieux, les versions présentées ici offrent un mixage absolument parfait, et nous verrons que c'est loin d'être le cas sur l'album de Bloomfield : "LIVE AT BILL GRAHAM'S FILLMORE WEST" (1969).

EDIT :
la nouvelle réédition japonaise de "My Labors" offre 2 bonus track différents de l'édition actuelle :
"Work Me Lord" (écrit pour Janis) et "Born In Chicago" dans une version longue, jazzy...très différente de l'originale
le remastering est sublime !!!

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Mike Bloomfield : Live At Bill Graham's Fillmore West (LP-Columbia 1969)



Michael Bloomfield : Lead Guitar, Vocals (2/1)
Nick Gravenites : Vocals (1/1,4/1,2/2)
Mark Naftalin : Piano
Ira Kamin : Organ
John Kahn : Bass
Bob Jones : Drums, Vocals (3/1)
Dino Andino & Noel Jewkis : Tenor Sax
Gerald Hoshita & Snooky Flowers : Baritone Sax
John Wilmeth : Trumpet

Special Guest :
Taj Mahall : Vocals (1/2)
Jesse Ed Davis : Guitar (1/2)

Face 1

1. It Takes Time (4.15)
2. Oh Mama (3.15)
3. Love Got Me (2.35)
4. Blues On A Westside (15.30)

Face 2

1. One More Mile To Go (10.55)
2. It's About Time (7.00)
3. Carmelita Skiffle (5.15)

Recorded Live between 30 jan. & 2 feb. 1969 At Fillmore West
Producer : Elliot Mazer

[Chronique à l'origine commune avec "MY LABORS" (1969)]

La transition avec "MY LABORS" est donc aisée pour en venir à ce LIVE AT FILLMORE WEST paru sous le nom de Mike Bloomfield, qui par rapport à l'album de Nick Gravenites présente l'avantage de ne comporter que des titres live, avec les mêmes musiciens que sur MY LABORS, ce qui implique l'idée que ces deux albums peuvent être vus comme formant un tout cohérent. Par contre, le fait que les chanteurs varient par titre n'est pas forcément un plus, comme on va le voir. Mike Bloomfield avait effectivement trouvé en Nick Gravenites le complément vocal idéal, car il sentait ses interprétations vocales un peu comme lui pouvait envisager ses interventions à la guitare. Ce ne sera pas forcément le cas des autres intervenants vocaux.

IT TAKES TIME permet à l'album de Mike Bloomfield de démarrer sur les chapeaux de roues. C'est une très belle composition signée Otis Rush. L'interprétation est parfaite, l'orgue de Ira Kamin avec les cuivres en contrepoint donnent un balancement parfait, idéalement équilibré entre les feelings noir et blanc de ce morceau. A écouter en priorité, la version figurant sur l'album de Nick Gravenites en bonus track : si c'est bien la même version que celle présente sur l'album de Mike Bloomfield, le mixage est mieux réussi sur MY LABORS, la guitare et l'orgue sont ici trop en avant, la guitare de Mike Bloomfield agressant un peu. La version présente sur MY LABORS est absolument parfaite.

OH MAMA est une composition de Mike Bloomfield, chantée par lui ici. En dépit des nombreuses critiques auxquelles le guitariste a eu à faire face en tant que compositeur et en tant que chanteur, c'est un très bon titre, et avec ses moyens Mike Bloomfield est ici tout à fait dans le sujet. Les cuivres, qui pourtant étaient présents de manière très pertinente, sont clairement sous-mixés, le mixage constituant dans son ensemble, à mon sens, le point faible majeur de cet album. L'orgue est, une fois de plus, parfait, au même titre que l'interprétation du morceau dans son ensemble.

LOVE GOT ME est chantée par Bob Jones, le batteur, qui est également le compositeur du morceau. Un bon titre rythm'n'blues, l'orgue est très efficace. L'interprétation vocale de Bob Jones est efficace, bien dans la ligne rythm'n'blues mais pas tout à fait dans l'esprit donné par Nick Gravenites. L'ambiance est ici plus purement noire, ce qui aurait pu indiquer de mettre les cuivres plus en avant. Le mixage est malheureux, privilégiant un peu trop tout de même l'orgue précité et faisant totalement passer à la trappe la section de cuivre, pourtant très compétente et mieux mise en valeur sur l'album de Nick Gravenites.

BLUES ON A WESTSIDE, dans la lignée des blues les plus lents présents sur MY LABORS, est à nouveau un titre absolument immense. Les trois minutes d'introduction de Mike Bloomfield sont exceptionnelles, avec l'orgue de Ira Kamin qui fait monter progressivement la tension, encore une fois l'apport des cuivres et leur utilisation mêlée à celle de l'orgue fonctionne à merveille. Nick Gravenites, qui chante ce titre qu'il a d'ailleurs écrit, crève le plafond une fois de plus... Toujours ces ambiances noires et blanches qui se superposent à merveille, les interventions de Gravenites, Bloomfield et Kamin s'entrecroisant à chaque fois pour le meilleur, les cuivres portant l'ensemble encore plus haut si c'est possible.
A 6:36, Bloomfield part en chorus, l'ensemble (cuivres + orgue) est présent, porte le tout crescendo, le son de Bloomfield est gigantesque, la tension est palpable, son phrasé au mordant inégalable permet de porter de blues à ses frontières ultimes jusqu'à un premier apaisement (8:43), où son discours se poursuit de manière plus feutrée, dialoguant avec l'orgue, prouvant qu'il pouvait excellent dans ces différents contextes, du plus intimiste au plus éventré. Aux alentours de 10:00, Mike Bloomfield s'aventure dans des recherches harmoniques plus complexes, mais c'est avec le discours bluesy le plus classique qu'il s'exprime paradoxalement de la manière la plus débridée...
A 10:50, le saxophone ténor de Noël Jewkins prend le relais... et là tombe de nouveau le sujet fâcheux de cet album, à savoir le mixage. Sur le mixage de MY LABORS, qui encore une fois est celui à écouter en priorité, la prestation du sax est bien mise en valeur, et elle présentait de plus l'intérêt de faire une recherche sonore complémentaire dans des contrées plus "free". La version de LIVE AT... montre un saxophone totalement sous-mixé de manière pour le moins étonnante, au point de créer sur cette version un "trou" où il finit par ne plus se passer grand-chose tellement Noël Jewkins semble lointain désormais. On peut imaginer que lors de la remastérisation qui a précédé la réédition CD de MY LABORS, les techniciens ou les musiciens s'en sont rendu compte, et ont corrigé le tir. Pour ajouter à cela, le piano trouve sur cette version remixée sa vraie place.
A 13:05, Nick Gravenites reprend les choses en main pour un couplet final où son chant, à la fois puissant et tout en nuances, touche encore aux racines du blues dans ce qu'elles ont de plus profond. Pour conclure on peut dire que ce titre, du moins dans la version présentée sur MY LABORS, est un chef-d'œuvre absolu, peut-être le plus haut sommet de l'ensemble des deux albums.
Ce titre concluait la première face du LIVE AT BILL GRAHAM'S FILLMORE WEST.

ONE MORE MILE TO GO entame donc la face suivante, c'est un titre de Muddy Waters chanté ici par Taj Mahal. Notons au passage la présence sur ce titre, à la guitare rythmique, de son guitariste Jesse Ed Davies, connu notamment pour avoir participé au CONCERT FOR BANGLA DESH de George Harrison ainsi qu'à l'album EXTRA TEXTURE de ce dernier, ou encore à WALLS AND BRIDGES de John Lennon. Musicalement, le rythme de morceau permet de rester dans ce que les musiciens présents produisent de meilleur, à savoir des blues sur un rythme initial assez feutré. L'introduction de Mike Bloomfield, par-dessus l'orgue et le piano, est parfaite. L'harmonica de Taj Mahal donne une coloration supplémentaire qui donne sa pleine identité à ce titre. S'il n'a pas toujours l'ampleur vocale d'un Gravenite, Taj Mahal est, à son tour, bien dans le ton un peu plus roots de ce titre. Le chorus central d'harmonica, à l'image du reste du morceau, manque tout de même d'intensité, surtout en comparaison avec certains titres de l'album ; la partie de Mike Bloomfield qui vient après est nettement plus intéressante. Il est même impressionnant dans son choix d'enchaînements, et toujours dans la construction de ses improvisations. Maintenant, il est heureux que cette partie ait pu être développée sur deux minutes car la durée de onze minutes de ce titre, globalement plus faible, ne s'imposait vraiment pas.

IT'S ABOUT TIME, autre composition de Nick Gravenites et chantée par ce dernier, est un autre titre aux ambiances rythm'n'blues. Une rythmique, conduite par la batterie, qui s'avère très efficace. Encore une fois, la version à entendre est celle présente sur MY LABORS plutôt que celle de la version de LIVE AT BILL GRAHAM... car le mixage, encore, y est infiniment supérieur (saxophone totalement éradiqué sur le live de Bloomfield). Le solo central de Bloomfield est éblouissant. L'orgue et le cuivres se fondent encore pour soutenir le morceau, dont la dimension sonore est encore impressionnante. Superbe.

CARMELITA SKIFFLE qui clôt l'album est une jam instrumentale tout à fait dans la lignée de ce qu'on produire, à l'occasion, B.B. King, Albert King ou Freddie King. La rythmique de l'orgue est irrésistible. Mike Bloomfield n'a plus qu'à laisser aller sa guitare. A 2:05, le saxophone prend le relais... et là il y a encore un trou, car il est totalement sous-mixé, et il y a là une faute musicale indéniable. Et pour le coup, ce titre n'est pas présent sur l'album de Nick Gravenites qui en aurait donné une version supérieure. A 3:00, c'est au tour de l'orgue de Ira Kamin de prendre le chorus, et de quelle manière. Ce son de l'orgue Hammond est sans égal. Et à 4:19, Mike Bloomfield reprend la main avec la manière, à la King (celui qu'on veut...) et conclut impeccablement ce morceau redoutable d'efficacité.

Au final, un ensemble qui montre bien où en est Mike Bloomfield, ici à son sommet personnel. De superbes musiciens qui donnent toute la mesure de leur talent, en particulier en live. LIVE AT BILL GRAHAM'S FILLMORE WEST est indisponible en CD, il faut par contre recommander absolument MY LABORS de Nick Gravenites, qui dans la version CD comprend ses trois titres de LIVE AT..., et dans des versions supérieures. Un album tout à fait indispensable, un peu un classique oublié...

EDIT:
la nouvelle réédition japonaise de "Live At Bill Graham's Fillmore West" offre 2 bonus track différents de l'édition actuelle :
"If I Ever Get Lucky" (un autre blues lent avec Taj Mahal de 13 min) et l’instrumental "Stronger Than Dirt"
le remastering est sublime !!!
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Re: Nick Gravenites with Mike Bloomfield - Live At The Fillm

Messagepar Ben-J » 25 Avr 2019, 08:56

Il faut recommander aussi le live de Nick Gravenite et John Cippolina sortie en édition double CD et DVD qui est sublime. :respect:
Ben-J
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