«Le silence n’est plus de ce monde, que je crève au plus vite, demain!» — Catherine Ribeiro (“Dingues”)
“Ame Debout” ! Comme tous les jeunots à cette époque — 1971, j’avais quinze ans —, j’étais fasciné par le caractère étrange et liturgique de cet album. De mémoire, griffonnant ces mots, je peux citer quelques-paroles de ces extravagants morceaux: “Le Kleenex, le drap de lit et l’étendard” — «Hier, la voisine, s’est fracassé, dans l’escalier, sur un tesson, de bouteille, Ça giclait de partout, sanglant, j’ai fermé ses yeux rougis au Sparadrap” —; “Dingues” — « J’ai soif donnez-moi à boire, un peu de mercurochrome» —; “Diborowska”, le languissant, nébuleux “Diborowska” — «Elle était ouvrière en usine, lui chef d’un état imaginaire [...] Le train en partance pour Diborowska, Diborowska!»; et l’incantatoire et pénétrant “Ame debout” — «Ame debout qui se couche dans mon lit sans définir mes dimensions ait pitié de toi». J’adorais le son du “cosmophone” de Patrice Moullet, ses longues palabres hypnotiques, j’adorais la voix rauque et fêlée de Catherine Ribeiro, les brûlants cris guerriers qu’elle pousse dans cette chanson. Je l’ai toujours cet album et je le réécoute les soirs de spleen.
“Paix” est plus lyrique, plus engoncé dans le maniérisme “planant” de l’époque — on est en 72, mes agneaux, Pioneer 10 envoie une carte de visite dans l’espace et Klaus Schulze déboule —, mais les textes sont poignants, magnifiques: celui de l’océanique “Un jour... la mort” narrant — c’est ce que l’on disait alors — le suicide manqué de l’artiste et son ré-apprentissage de la vie — «Dîtes-moi la Mort, Chère femme, Belle Mort, Vous me serrez d’un peu trop près, trop fort, je ne suis pas vraiment lesbienne, savez-vous?»; celui de l’ample et fiévreux “Paix”— «Paix à celui qui hurle parce qu’il voit clair, Paix à nos esprits malades, à nos cœurs éclatés, [...] Paix aux grandes confusions de la misère, Paix à celui qui cherche en se frappant la tête contre des murs de béton». Les dernières strophes me donnent toujours la chair de poule quand, parlant de son père, émigré portugais, elle dit: «Paix enfin à celui qui n’est plus et qui toute sa vie a trimé espérant des jours meilleurs.» (voir ce site pour le texte complet >
http://www.catherine-ribeiro.com/rib/vi ... php?id=122 )
A voir aussi, cette discographie illustrée :
http://singersong.homestead.com/RIBEIRO.html