Certains d’entre vous le savent déjà (et s’en amusent parfois en me charriant, comme Potato

) : si ma passion me pousse principalement vers le folk, le psyché et le prog des années 60 et 70, j’aime aussi beaucoup la chanson française.
Je lis souvent ici ou ailleurs que la chanson française d’aujourd’hui n’offre rien d’intéressant, que tout à déjà été dit par les monstres sacrés d’hier (Brel, Brassens, Ferré, Gainsbourg). Bien sûr que les chanteurs francophones d’aujourd’hui ne réinventent rien, mais n’est-ce pas le cas de la musique en général ? Si un artiste d’aujourd’hui nous pondait un disque en assemblant des sons dingues venus de nulle part, on dirait qu’il innove, on s’y intéresserait à la première écoute par curiosité, mais finalement, on détesterait. La musique ne peut pas éternellement se renouveler. Mais certains musiciens parviennent merveilleusement à l’amener plus loin grâce à leur talent. Toutefois, ce ne sont pas ceux dont parlent les médias. Il faut aller les chercher, comme on le fait pour ces disques méconnus des années 60.
Finalement, Brel, Brassens, Ferré, Barbara et Gainsbourg ont fait involontairement un tort considérable à la chanson française. Nombreux sont ceux qui ne jurent encore que par eux, comme on le faisait déjà du temps de leur splendeur. Passer derrière eux, ou à côté d’eux, en a coûté immensément à une multitude d’artistes qui avaient autant de talent que ces monstres sacrés, mais le « grand » public les a néanmoins boudés. Qui parle aujourd’hui d’
Anne Sylvestre ? Quand on l’écoute chanter La femme du vent, on peut se demander pourquoi Barbara l’a enterrée vivante ! Qui parle de
Jean-Roger Caussimon, de
Pierre Barouh, de
Gilbert Laffaille et de tous ces chanteurs merveilleux qui appartiennent déjà aux générations précédentes, et qui ont subi le même sort que les musiciens d’aujourd’hui ?
La chanson française d’aujourd’hui, ce n’est pas Bénabar, Cali, Zazie ou tous ces trucs qui passent abondamment à la radio. Ce sont des dizaines et des dizaines de jeunes musiciens qui sont encensés par ceux qui s’intéressent réellement à la chanson française et vont faire l’effort d’aller à la recherche de leur musique, de les voir en concert. Pour un Delerm, il y a dix
Pierre Bondu,
Arman Mélies,
JP Nataf qui nous sortent des albums splendides qui finissent dans la pile « À fuir sans écouter» de ceux pour lesquels la chanson française se résume toujours à Léo Ferré.
Cette semaine est sorti au Québec le premier album d’un jeune musicien encore inconnu. Il s’appelle
Alexandre Désilets. Sa musique électro-folk ne réinvente rien non plus. Mais tout dans ce disque est simplement parfait. La voix, les textes, la musique, l’assemblage de tout ça, l’émotion forte qui s’en dégage. Ce gars-là m’a surprise et émerveillée en 2008, sans pour autant donner une nouvelle définition au mot musique.
Alors, pour ma part, je pense qu’on peut dire qu’on n’aime pas la chanson française, qu’elle soit d’hier ou aujourd’hui. On peut aussi dire qu’on ne l’a connaît pas. Mais en réduire 95% à l’état de mauvais clone de Ferré et Brassens est mal la connaître, non ?