J'ai mis un certain temps avant de trouver un album de la semaine à vous proposer.
Ce n'étaient pas les idées qui me manquaient, non, mais plutôt l'évidence du choix.
Un disque d'un genre pas encore abordé et que j'avais envie de faire partager.
Musique noire si possible, mais surtout datant du début des années 60, années qui me semblent malheureusement délaissées dans ce jeu.
Et ce n'est qu'une fois la tête en bas, alors que j'en décortiquais les textes, que l'évidence de présenter cet album de la semaine m'a sauté à la figure.
Pas de musique noire finalement, puisque je vous propose de noter
Trouble Is a Lonesome Town de
Lee Hazlewood (1929-2007), publié en 1963.
Un artiste que je n'ai découvert qu'après sa mort, par l'intermédiaire de Philippe – l'érudit – Thieyre dans un Rock&Folk, et qui depuis m'accompagne invariablement.

Fumeur et buveur, Lee Hazlewood était un cowboy avec plusieurs balles dans son six coups : producteur, songwriter, et interprète.
Mais avant tout producteur, avec pour marque caractéristique un écho dans les vocaux ainsi que des basses bien rondes.
Et donc également songwriter.
Pour les autres –
These Boots Are Made For Walking pour Nancy Sinatra, l'exemple le plus parlant – mais aussi pour lui-même, en solo ou en duo, avec Nancy Sinatra – encore elle – ou bien Ann-Margret.
Pour faire bref,
Trouble Is A Lonesome Town, qui est son premier album en solo, est un concept album de country pop.
Je dis bien concept album, même si le terme ne devait pas exister à l'époque, car il traite de la ville fictive de Trouble, typiquement ancrée dans la tradition western, et que Lee Hazlewood prend plaisir à nous présenter.
Musicalement parlant, c'est très sobre.
Dix titres et 36 minutes, avec pour principal instrument la guitare, accompagnée d'une batterie et sporadiquement d'un harmonica.
La production, travaillée, ainsi que les compositions, pas tout à fait country et presque folk, donnent donc ce savant mélange de “country pop”.
Ce qui pourra rebuter l'auditeur, ce sont les introductions parlées au début de chaque titre, qui prennent le temps – souvent près de la moitié de la piste – de présenter chaque morceau, comme si le conteur était à côté de nous, autour d'un feu de camp, à raconter ses histoires tout en grattouillant sa guitare.
On se retrouve ainsi immergé dans un monde devenu mythique, sorte de résumé du folklore américain à travers ses personnages de la vie de tous les jours.
Les morceaux : 01 Long Black Train : Jim, l'ami de jeunesse de Lee, est devenu truand, et vole la banque de Trouble.
Lee part à sa poursuite dans le long train noir qu'ils regardaient passer lors de leurs dix ans, et finit par le rattraper.
Un des meilleurs titres de l'album pour débuter.
02 Ugly Brown : Ugly Brown n'a pas un physique facile. Selon un habitant de Trouble, même s'il était le seul à se présenter au concours Mister America de leur ville, il ne pourrait pas faire mieux que quatrième.
Lee Hazlewood est dans la peau de Ugly Brown pour ce morceau, et nous conte d'une voix traînante son mal-être.
03 Son of a Gun : Plus nos parents sont bien placés, plus on a de chance de devenir quelqu'un.
Mais ici on en a un contre-exemple, puisqu'un bon père de famille accepte que sa fille se marie avec un fils d'outlaw lorsque ce dernier lui sauve la vie.
04 We All Make The Flowers Grow : Le croque-mort de Trouble n'a pas de souci à se faire, puisque, tôt ou tard, tout le monde, bon ou méchant, grand ou petit, finit par lui donner du travail.
Et fait donc pousser des fleurs.
Titre interprété de manière enjouée malgré le propos.
05 Run Boy Run : Bien entendu, tout le monde à Trouble ne devient pas un truand, mais il arrive quand même que certains tournent mal, comme ce jeune homme de 21 ans qui a tiré sur quelqu'un pour des broutilles.
06 Six Feet of Chain : Deux frères passent leur temps à s'envoyer l'un l'autre en prison.
Lee rencontre celui qui est en liberté en ce moment, et lui demande s'il ne sent pas mal d'envoyer son frère en prison comme ça.
07 The Railroad : Un cheminot chante sa joie de travailler.
Évident.
08 Look At That Woman : Très beau morceau, où la voix de Lee Hazewood descend dans des profondeurs abyssales (Anydody else but miiiiiiiine) pour nous donner quelques frissons.
Meilleur titre de l'album ? Je ne suis pas loin de le penser.
09 Peculiar Guy : Un homme raconte comment un jour il a gagné des terres, une femme, et un pistolet, et ce qu'il en est advenu.
Titre de transition, qui n'a pas la même puissance que le précédent.
10 Trouble is a Lonesome Town : L'album se clôture sur un nouveau titre fort, qui nous apprend poétiquement que cette ville de Trouble n'existe sur aucune carte, mais qu'on y passe toujours lorsque l'on fait trois pas dans n'importe quelle direction.
Written & produced by Lee Hazlewood
LIEN :
http://www.mediafire.com/?tzo5q2fdgtjMerci à ceux qui m'auront lu jusqu'au bout.