
Robert Plant "Band Of Joy" 2010
Christian Larrède - Copyright 2012 Music Story
Avant Band of Joy (l’album), il y eut Band of Joy (le groupe), éphémère combo au sein duquel Robert Plant usa ses premiers fonds de culotte de chanteur, et enregistra une poignée de demos sans suite contractuelle, et avant que des embrouillaminis managériaux contraignent ce dernier à jeter l’éponge, et adhérer à l’une des comètes les plus étincelantes du binaire électrique. Le reste (pour les distraits :Led Zeppelin) appartient à l’histoire, la nôtre en particulier, car il convient de considérer avec la plus extrême des défiances quiconque ne s’est pas agité en veste en daim à franges devant le miroir de sa salle de bains.
Bon, et cet album intitulé Band of Joy,alors? Mais on ne cesse de l’évoquer, cette galette miraculeuse sous emballage à la Marillion (mon Dieu), partant du principe qu’il s’agit bien d’un disque dans lequel la nostalgie ne sclérose pas une seule mesure de musique, et où les chansons qui se créent dans l’instant peuvent à la fois se montrer irrévérencieuses, et conscientes de leurs racines. Cette bande de joyeux musiciens, donc, s’agrémentent de la chanteuse et guitariste Patty Griffin (grande copine d’Emmylou Harris), du spécialiste de la mandoline Darrell Scott, et de quelques-autres, l’ensemble cornaqué par le producteur et guitariste Buddy Miller, compagnon de John Fogerty, et garant d’une Americana humaniste, et ouvert sur les autres.
Et puis, il y a la voix, cette voix qui a perdu en flamboyance, mais gagné en relief, preuve s’il en était que les chanteurs de rock peuvent bien vieillir, à l’instar du bon vin (de Bordeaux). Toute la fine équipe plonge avec délice la main dans le pot de confiture de partitions chipées à quelques modestes génies, de Los Lobos à Townes Van Zandt, de Richard et Linda Thompson à Low (quelque chose comme l’archétype des artisans de la musique immobile), mêlant les folklores (de part et d’autre de l’Atlantique), et les époques, avec un talent inouï. On sent à chaque instant le plaisir qui a nimbé les sessions, et, partant, cela ne fait que décupler celui de l’auditeur.
Après un album en duo avec la country singer Alison Krauss, salué par un Grammy Award, et une curiosité insatiable, qui l’incite à se passionner pour les musiques extra-européennes, Robert Plant démontre, toute ouverture d’esprit et mémoire intactes (comment écouter les feulements conclusifs de "Cindy,I’ll Marry You Someday" sans frissonner?) dans "Band of Joy" que les choses qui lui restent à dire n’ont rien à voir avec les conventions, les redites, ou le recyclage abusif. On appelle cela un artiste debout.