Tonton vous a gâtés cette semaine, bande de petits veinardes et veinards. Vous voici invités à réévaluer un album plutôt mésestimé en son temps (quoique classé n°17 du Bilboard en mars 1968) et aujourd'hui encore souvent décrié.

Amalgame plutôt heureux de pop, de psychédélisme, de heavy rock et d'expérimentations, absolument typique de la fin des années 60s, "The Beat Goes On" est pourtant un album qui fait toujours débat au regard du reste de la discographie de Vanilla Fudge.
De gauche à droite, Mark Stein, Carmine Appice, Tim Bogert, Vince Martell. Reprenons le fil de l'histoire :
En 1968, Vanilla Fudge vient de faire sensation avec son premier Lp sorti chez Atco et dans lequel il expose à la face du monde ébahi son prototype de soul/pop jouée forte et lourde, un peu comme un
single Motown passé en vitesse seize tours. Depuis ses débuts en 1965 sous le nom d'Electric Pigeons (rapidement raccourci en Pigeons), le Fudge s'est fait une spécialité de proposer ses relectures de standards (empruntés aux Beatles, Zombies, Sonny Bono ou autres Diana Ross), transfigurées par des arrangements culottés et qui débouchent sur de véritables re-créations, inédites, résolument personnelles et difficilement classables.

Alors que pour son deuxième album, le Fudge aurait pu tout simplement (et, on l'imagine, fort habilement) reconduire la formule qui venait de faire son succès, c'est un disque pour le moins déroutant qui parait. Pensé sur le modèle des concepts-albums alors très à la mode, "The Beat Goes On" puisqu'il s'agit de lui, se distingue par sa construction ambitieuse et son contenu plutôt déconcertant, à une époque pourtant peu avare en expérimentations en tous genres.
Articulé autour d'une série de relectures du thème à succès de Sonny & Cher, l'album propose quatre suites, intervenant comme autant de tableaux contrastés, et présentés comme des phases. La première d'entre elles entreprend de retracer l'histoire de la musique populaire, de Mozart aux Beatles. La deuxième dévoile une adaptation a la fudge de la "Sonate au Clair de Lune" et la "Lettre à Elise" de Beethoven. La troisième est basée sur un collage d'extraits de discours de personnalités historiques (entre autres Chamberlain, Churchill, Roosevelt, Truman et Kennedy). Le dernier offre quant à lui des interviews des quatre musiciens du groupe, en surimpression à l'adaptation du thème de la bande originale du film "The Game Is Over" (en français "La Curée", signée Jean-Pierre Bourtayre et Jean Bouchety).

Chose étonnante, il ne s'agit pas ici d'un véritable album de Vanilla Fudge mais plutôt d'un concept de son producteur Shadow Morton. Tandis que le groupe travaillait à la réalisation de ce qui devait constituer son deuxième album (et que l'on retrouvera plus tard sous le forme de l'excellent "Renaissance"), Morton se piqua de faire travailler les musiciens sur ce que le bassiste Tim Bogert décrira plus tard comme "l'album qui a tué le groupe". La rupture entre le Fudge et son producteur sera consommée à la sortie de "Renaissance".
Tout en étant conscient de certaines des faiblesses de ce disque, entre autres une cohésion parfois faiblarde, une emphase et une solennité qui confinent au sublime ou au grotesque (c'est selon), et un regrettable effacement des instrumentistes au profit d'un travail de collage studio, je reste très attaché à "The Beat Goes On", pour son ambiance, ses audaces et son feeling européen, prog avant la lettre. Mon titre préféré sur le disque est , et en particulier ce passage où Carmine Appice laisse parler ses fûts (
I'm not a talker y'know, I just play drums, so listen to my drums if you wanna hear me talk) dans une intervention pleine de retenue.
Vous souhaitant une agréable écoute, je suis impatient de lire vos commentaires sur ce qui reste l'une de mes madeleines, à jamais associée au souvenir radieux de mon très psychédélique été 1998, et dédie ce topic au fameux et regretté Short Stories, fabuleux magasin de disques manceau, au sujet duquel je ne pense pas exagérer en disant qu'il a en quelque sorte changé le cours de mon existence.