Albert Ayler : Nuits De La Fondation Maeght 1970
En 1970, il a le temps de donner deux concerts à la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence avant de mourir mystérieusement noyé dans le port de New York, à trente-quatre ans..
Le jazz abonde d'artistes maudits, mais Albert Ayler en est un exemple à l'état pur, vivant dans le rejet, l'ostracisme et le sarcasme permanent, qu'il ne fait rien pour abolir : violence du son amplifié par l'utilisation d'anches très dures et par un jeu très physique mobilisant toute la puissance du souffle et de la bouche, vibrato hypertrophié, paroxystique, héritage plus des transes des negro spirituals originels que du chant des « blues shouters ». Ayler condense à lui tout seul tout ce qui caractérise la chorale habitée de l'« Holy Gost »: caractère obsessionnel des thèmes simples - à l'apparence de cantiques, de ballades, de gospel songs ou de marches militaires (la Marseillaise et « God save the queen » ne sont jamais loin), et même des sortes de gigues, scansion brutale, exposés avec répons par son frère, se développant en improvisations rageuses/exultantes, bien éloignées de toutes contraintes harmoniques ou rythmiques, peut-être exultation et peut-être cri de désespoir, peut-être humour « hénaurme ». Pas de complaisance dans ce discours, pas de recherche du joli, ni même de la beauté, sinon « convulsive », « dirty » à l'excès. La structure canonique de l'interprétation jazz (introduction-thème-soli-thème-coda) en pâtit bien sûr, remplacé par une sorte de patchwork sonore truffé de citations, la bluette se résolvant en fanfare polyphonique, puis éclatant en stridences diverses. Il est difficile de discerner une préméditation dans ces interprétations, qui semblent a contrario le fruit de l'instant.
La critique établie a crié à la cacophonie, au discours simpliste d'analphabète musical, au viol de la Muse par le mauvais goût. Il faut y voir plutôt un reflet et un dépassement de la révolte des ghettos, de l'esthétique dictée par l'Oncle-Tomisme et de la séduction du cool jazz et du hard bop le mal nommé, mais non pas dans la révolte violente des Black Panthers, au contraire dans une réactualisation du jazz originel des bouges de New Orleans, des plantations de coton et des cultes syncrétiques du début du XXe siècle. Les divers hymnes et extraits de folklores occidentaux apparaissent, par leur hétérogénéité même, témoignages d'altérité absolue. Source Wikipédia
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