DICK RIVERS STORY, PART 2
Nous en étions restés à l’album qui voit Dick Rivers décoller à nouveau après de nombreux mois d’errance musicale, j’ai nommé :
Dick’n’Roll, qui le voit en compagnie du groupe français
LABYRINTHE qui oscille dans la mouvance Dynastie Crisis, Zoo et Triangle. Au moment où Dick y fait appel, LABYRINTHE vient de connaître un succès d’estime avec la reprise d’un titre de Jacques Brel. Et c’est là que l’incroyable se produit :
A l'égal des meilleurs :
LABYRINTHE, dont le style est aux antipodes parvient à jouer un rock and roll sauvage, fruit des amours torrides entre un rythm’n’blues aux relents jazzy prononcés et cuivré mais sans excès, et un hard rock soucieux de ne pas trahir son propre géniteur, le sourcilleux papy rock and roll. L’on a du mal à croire que cette galette est une production 100% française, sans ajout de colorants fabriqués à Memphis Tennessee et qu’elle a doré au four du studio Condorcet à Toulouse.
Dick’nRoll, la mécanique d’un chef d’œuvre absolu :
Money , J.B. Good, Lonely blue boy, Rit it up, Good golly miss Molly, My babe, Jenny Jenny, bref la crème des standards du rock and roll des pionniers totalement revisités, relookés, 15 titres sublimes qui ne vous laissent que le temps de souffler durant deux rock and slow couillus.
Un sur chaque face du 33 tours et c’est tout :
Lonely blue boy (popularisé par
Conway Twitty) côté pile et
any way you want me côté face. Voilà, dém … vous. Et ne comptez surtout pas vous endormir, car ces slows n’ont rien de dégoulinant !!
La face B débute avec un
Not fade away traité à la sauce hard/blues qui en surprendra plus d’un ! Presque 40 ans après, Dick’n’Roll n’a pas pris une seule ride. Presque 40 ans après, je suis toujours béat d’admiration devant les LABYRINTHE qui disposaient d’un potentiel digne des meilleurs musicos mondiaux. Oui, j’ai bien dit mondiaux.
En ce début des années 70, Dick roule à nouveau sur le Rivers. Un deuxième opus paraît, frère du premier, avec un patronyme qui veut tout dire :
« The Rock Machine ». Et hop, un autre que vous pouvez mettre dans l’escarcelle !!
Qui trop embrasse, mal étreint ….
En 1972, paraît
« rockin’along … the River’s country side » qui rate sa cible. La mayonnaise ne prend pas. Le disque est boudé et par la presse et par le public. En fait, Dick a voulu réaliser le grand écart entre rythm’n’blues et country and western traditionnel, le tout en anglais. Le disque est superbe, mais il déroute et ne trouve pas son public.
Changement de chargeur, changement de cible :
Le tir est très vite rectifié en
1973, lorsque paraît le 45 tours
Marilou (composé par Bashung) couplé au magnifique slow :
si loin si près.
Marilou est chanté en français et c’est un rock and roll pur sucre, pur jus, contenant plus de vitamines qu’il n’en faut, avec chœurs 50’s et tout et tout. Sans être un carton plein, Marilou relance pourtant la carrière de notre rocker, qui bénéficie il est vrai, du regain d’intérêt pour la mode des 50’s, dont le point culminant sera atteint en 1974.
Deuxième salve :
Ne voulant surtout laisser refroidir la machine, Dick sort un autre 45 tours :
Sherry couplé à
tu t’en fous, moi aussi ! Sherry est un rock’n’roll sucré, tel qu’on le pratiquait à la fin des années 50’s, après que les requins des maisons de disques, l’aient passé au lavage et à l’essorage pour qu’il plaise concurremment aux teenagers et à leurs parents.
Tu t’en fous, moi aussi, est son exact contraire, à savoir un blues-rock teigneux et graisseux.
Le diable en personne :
En
1974, paraît l’album «
Rock and Roll Star » autrement appelé « le diable » à cause du logo sur la pochette. Beaucoup de jeunes aujourd’hui le considèrent comme un must car il contient le fameux
«
maman n’aime pas ma musique » initialement écrit en anglais par Mike Hazlewood et Albert Hammond (
Mama sure could swing a deal). Ce titre se situe dans la mouvance glam’ mais pas seulement. D’aucuns y voient du hard. L’album contient aussi des reprises luxueuses telles que
sois pas cruelle (
don’t be cruel d’
Elvis Presley) ou la seule ballade,
si elle te disait oui (
the most beautiful girl popularisé par
Charlie Rich, chanteur américain de country devenu un peu rock and roller par la force des choses et de la mode).
Country Rock is here to stay :
1974 est également l’année de la renaissance d’
Eddy Mitchell qui, fort du succès obtenu (après des années de disette) avec le simple
Superstition (S. Wonder) couplé à
chaque matin il se lève (version française du plus gros tube de Gordon Lightfoot «
early morning rain »), peut enfin entrevoir l’éclaircie. Alors pourquoi évoquer Eddy ? Et bien parce que
c’est chaque matin il se lève qui cartonne et non
Superstition. Alors Schmoll (son surnom) décide de surfer sur ce succès. Lui qui était en proie au doute comme Dick le fut naguère, se dit qu’à présent c’est ce créneau là qu’il faut exploiter. Sitôt pensé, sitôt fait, Eddy s’envole pour Nashville, berceau de la country, afin d’enregistrer un album country-rock :
rocking in Nashville.
Péché de gourmandise :
Un an plus tard, c’est Dick qui par pour le sud des States. Il a décidé de peaufiner ses albums là-bas désormais. C’est ainsi que sort «
Dick Rivers Connection ». Les titres sont tous chantés en anglais et l’atmosphère générale oscille entre rock and roll incisif, musique cajun et belles mélodies country. Particularité :
maman n’aime pas ma musique est repris en anglais. Nouvelle déconvenue en termes de ventes pour Dick, qui visait entre autre le marché anglo-saxon. Et v’lan, retour à la case départ pour le rocker niçois qui a décidément du mal à faire perdurer son succès.
Eddy connaît un regain de popularité avec ses reprises issues du catalogue Nashvillien et cela donne des idées à Dick Rivers. Et hop, direction Bogalusa en Louisiane pour y enregistrer un album de country rock en français avec les musiciens du cru.
Mississippi River’s est son nom. Et c’est l’album que se doit de posséder tout amateur de rock sudiste digne de ce nom.
Bingo !
Dick renoue avec la gloire grâce à
John Denver, dont il reprend le fabuleux
Take me home, country roads (1971), qui devient sous la plume –
pas toujours heureuse pour Dick - de
Serge Koolenn faire un pont. Bon, le père Dick a eu chaud aux fesses, car cet air country avait déjà été antérieurement repris mais sans grand succès, par Marie Laforêt en 1972 (
mon pays est ici) et par Claude François (
j’ai encore ma maison) en 1973. Aux states, James Taylor, Olivia Newton John et Johnny Rivers pour ne citer qu’eux l’avaient déjà inscrit à leur répertoire.
Dick Rivers n’avait pas droit à l’erreur. Un bide de plus et sa carrière repartait en points de suspension.
Johnny était également à Nashville où il peaufinait son album country-rock à lui :
la terre promise. Bref, le trio des vétérans du début en était arrivé au même stade : le salut grâce au country-rock. Sachant que même …
Yvette Horner (l’accordéoniste) y était allée pour pondre un album, je ne vous explique pas la cohue et le bordel dans les studios ! Les couloirs devaient ressembler à la place de l’Opéra à Paris, un soir à 18 heures.
Normal : la country connaissait son heure de gloire en France et il fallait profiter de cet engouement, à l’instar d’Eddy Mitchell qui exploitait le filon à fond les manettes, repassant à la moulinette country-rock tous ses titres d’antan lorsqu’il les chantait sur scène.
De là à qualifier Dick Rivers d’opportuniste il y a un pas que je franchirai prudemment car il est évident que l’intéressé ne voulait pas laisser échapper une si belle occasion de se refaire une santé à la fois médiatique et populaire. Mais à la différence de beaucoup d’autres et je peux en témoigner aisément car je possède tous ses albums, Dick Rivers n’a jamais trahi ni même trompé son auditoire en cédant à la facilité. Il a toujours su s’entourer des meilleurs musiciens et ses albums sont des merveilles de trouvailles. Leur production ne souffre d’aucun défaut.
Passeport pour ce forum :
C’est la raison pour laquelle je tiens à me porter en faux, face aux critiques négatives émises dans certains posts que j’ai lus sur cette file. Ils disaient en substance que ce forum partait en déliquescence à cause de Dick Rivers. L’un ou l’une des forumeur(se) ajoutait même qu’il ne restait plus qu’à créer une file sur Céline Dion et la boucle était bouclée. Adieu veaux, vaches, cochons, underground et prog. En effet, cette remarque me semble erronée pour 3 raisons :
• A moins d’habiter sur Mars, tout le monde connaît de gré ou de force (pour moi ce sera de force car je ne supporte pas), le répertoire de Céline Dion. Alors certes, elle est toujours accompagnée par les meilleurs musiciens, mais je doute fort qu’elle ait sa place ici.
• A contrario, qui connaît le répertoire de Dick Rivers, hormis des vieux de la vieille comme moi ? Peu de monde en vérité. C’est donc sur des a priori que ce chanteur est cloué au pilori avec les « beuh … caca » auxquels il ne ressemble aucunement. C’est un chanteur de rock authentique dont le répertoire est de nature à plaire au plus grand nombre ici.
• Enfin, Dick a très rarement fait la une des journaux et magazines à grande diffusion. Certes, il apparaît une fois ou l’autre dans Rock and Folk ou dans JukeBox Magazine, voire dans quelque obscur fanzine destiné aux fans de vieux rock ou de country, mais cela ne va pas chercher bien loin. Quant aux apparitions télé, les doigts d’un manchot estropié suffiraient à compter le nombre de fois où il est apparu en prime time ! Et puis, si l’on s’en tient à ce critère, il faudrait en éliminer pas mal des artistes dont on parle ici. Les Don Mc Lean , John Denver et autres Shocking Blue n’auraient plus qu’à aller se rhabiller, eux qui commirent autrefois le péché mortel d’immonde collusion avec la presse écrite et audiovisuelle de masse, eux qui vendaient des centaines de milliers de disques, eux qui brassaient un large public allant de la minette à la midinette en passant par l’amateur de folk ou de rock pur et dur.
Bon, sur ce et si vous le voulez bien, je vous conterai très bientôt la suite et la fin de la Rivers story, car si les années 70 et 80 sont encore passablement riches, la suite de sa carrière adopte un mode plus apaisé. See you later !
Et après la lecture, voici l’audition :
Mr Pitiful son tube de 1966
http://www.youtube.com/watch?v=bhhWPDqoNgI
Mon ami lointain (en hommage à Elvis Presley)
http://www.youtube.com/watch?v=QXctj3ySwUs
faire un pont, mega tube extrait de Mississippi River’s dont je vous parlerai
http://www.youtube.com/watch?v=ShpNa3TbIqE
Colinda, traditionnel Cajun, autre extrait de Mississippi River’s
http://www.youtube.com/watch?v=KAfwWeslexI
Quant à
Dick'n'Roll, s'il y a possibilité de mettre cet album en ligne, je crois qu'il fera des centaines d'heureux !