Puisque bebeto a souhaité en savoir plus, je me fais un plaisir de vous raconter l'un des plus grands titres de Steve Harley
Sebastian est l’un des titres du premier album de Cockney Rebel, The Human Menagerie (1973).

Steve Harley est auteur et compositeur de l’ensemble des titres de l’album. Il avait 23 ans à la sortie de l’album.
J’aurais, j’espère, un jour l’occasion de parler plus complètement du personnage et du groupe, mais notons déjà que - pour Steve Harley - Edgar Poe avait plus de sens que les Rolling Stones. Il y a donc toujours une dimension assez littéraire dans ses textes.
On doit à Jean-Paul (John) Crocker – co-fondateur de Cockney Rebel - les violons qui, conjugués au clavier électrique, sont caractéristiques de l’extravagance du « son » Cockney Rebel. Jean-Paul Crocker est le grand-père de Gaëtan Roussel (non c’est pas vrai).
Aux claviers justement, on trouve Milton Reame-James qui d’ailleurs était dans le même établissement scolaire que Robert Plant, ça c’est vrai en revanche : le King Edward’s Grammar School à Stourbridge. Pourquoi plein de gens ont-ils été dans la même école que des légendes du rock et moi pas ? Cette question me taraude.
À la basse, Paul Jeffreys qui se trouvait malencontreusement dans l’avion dont s’est occupé Kadhafi en 1988. Juste avant de s’étaler sur Lockerbie, Jeffreys avait eu le temps de jouer aussi un peu avec les Be-Bop De Luxe.
Pas de guitare car, comme l’a un jour déclaré Steve Harley : «
the electric guitar is dead » (ce n’est pas la première ni la dernière connerie qu’il dira).
À la batterie, l’incontournable Stuart Elliott qui en effet tourne toujours avec Steve Harley. Il doit avoir un caractère formidable (ou un tout petit égo) pour ne pas s’être, comme tous les autres, engueulé avec le patron. Notons que Stuart a joué sur pas mal d’albums de Kate Bush. De même, il a exercé sa métronomique frappe auprès d’Alan Parson et d’Al Stewart entre autres.
Grand arrangeur et roi des cordes, Andrew Powell exerce tout son talent sur Sebastian. Il a travaillé sur les deux albums suivants de Cockney Rebel tout en s’occupant de Donovan, d’Al Stewart, de David Gilmour, de Chris Rea et j’en passe et des moins bons (Chris de Beurk par exemple).
Sebastian a été le premier single de Cockney Rebel (sorti le 31 août 1973). Un flop chez les brittons mais un carton en Hollande et en Belgique, inconnu au bataillon en France ; les Belges ont toujours eu des goûts musicaux plus finauds que les Français, c’est bien connu.
Sebastian figure dans la B.O de Velvet Goldmine. Il y a eu de multiples reprises de Sebastian dont la meilleure est sans conteste la version « bouzouki » que je vous glisse en bonus, en bas de ce post.
Sebastian est le « killer titre » de l’album dont d’ailleurs tous les titres sont exceptionnels. Il dure environ 7 minutes.
Prince charismatique du Barock Rock, impressionnant de pompe, Steve Harley y utilise sa voix et le contenu lyrique de la chanson comme un instrument supplémentaire. L’effet est épique et enveloppant. On est nombreux à avoir les larmes aux yeux en écoutant Sebastian.
Loin de l’habituelle ironie, de la désinvolture, le ton sur Sebastian est humble voire plaintif.
Voilà Sebastian dans une vidéo de piètre qualité mais représentative de l'époque et dont la bande son est fort heureusement celle du disque :
Les paroles, maintenant :
«
Radiate simply, the candle is burning so low for me
Generate me limply, I cant seem to place your name, cherie
To rearrange all these thoughts in a moment is suicide
Come to a strange place, we’ll talk over old times we never spied
Somebody called me sebastian (bis)
Work out a rhyme, toss me the time, lay me, youre mine
And we all know, oh yeah
Your persian eye sparkle, your lips, ruby blue never speak a sound
You, oh so gay, with parisian demands, you can run around
And your view of society screws up my mind like you’ll never know
Lead me away, come inside, see my mind in kaleidoscope
Somebody called me sebastian (bis)
Love me sublime, mangle my mind, do it in style, so we all know, oh yeah
You’re not gonna run, babe, we only just begun, babe, to compromise
Slagged in a bowery saloon, love’s a story well serialise
Pale angel face, green eye-shadow, the glitter is outasite
No courtesan could begin to decipher your beam of light
Somebody called me sebastian (bis)
Dance on my heart, laugh, swoop and dart, la-di-di-da
Now we all know you, yeah »
Voici la traduction dont l’auteur (moi) ne considèrera pas comme insultante toute correction par des gens plus habiles en langues :
«
Rayonne simplement, la bougie brûle trop faiblement pour moi
Créé moi doucement, je n’arrive pas à situer ton nom, chérie
Réorganiser toutes ces pensées en un instant relève du suicide
Viens dans cet endroit étrange, on parlera du bon vieux temps que nous n'avons jamais connu
Quelqu'un m’a appelé Sebastian
Essayer de comprendre une rime, me mélanger le temps, m’allonger, tu es à moi
Et nous le savons tous,
L’éclat de tes yeux persans, tes lèvres, rubis bleu qui ne parlent pas
Toi, si gai(e ?), avec des exigences parisiennes, tu peux courir partout
Ton point de vue sur la société a tordu mon esprit à un point que tu ne peux pas imaginer
Conduis-moi, viens à l'intérieur, regarde mes pensées comme dans un kaléïdoscope
Quelqu'un m'a appelé Sebastian
Aime-moi sublimement, altère mon esprit, fais-le avec style,
Donc nous le savons tous,
Tu ne vas pas t’enfuir, babe, nous ne faisons que commencer les compromis
Échoués dans un bar, l’amour est une histoire bien mise en scène, visage d'ange pâle, fard à paupières vert, le scintillement se cache
Pas une seule courtisane ne pourrait déchiffrer ton rayon de lumière
Quelqu'un m'a appelé Sebastian
Danse sur mon cœur, ris, descends en piqué, fléchettes, maintenant, nous te connaissons tous ».
Ca veut dire quoi ? C’est qui ce Sébastien ?
1) L’explication la plus couranteIl s’agit d’une chanson d’amour à propos d’une fille complètement absorbée, dépendante de la superficialité de la société.
Bon ….
2) Ma version : une expérience d’héroïneSaint Sebastien, martyr chrétien, est la plupart du temps représenté le corps percé de multiples flèches ... D’aiguilles ?
C’est pour ça que quelqu’un/ lui-même ? l’a appelé Sebastian.
Cependant, à ma connaissance, la seule chose à laquelle Steve Harley s’adonnait était la cocaïne, ceci en compagnie de Marc Bolan ; voici ce qu’il racontait en 2010 au quotidien britannique Express :
«
It was at Cliff Richard’s 30th birthday party, that I first met Marc Bolan. He was very lonely and only mixed with me and Bowie. He would come to my flat in Marble Arch where we would write songs, watch The Prisoner, get drunk and do coke. There were all sorts of creative people doing line after line of cocaïne and drinking bottles of champagne and cognac but I don’t see it as debauched ; it was the lifestyle.”
Il a essayé, dit-il encore, toutes sortes de produits, même le plus dangereux d’entre tous : “
I was handed a line of what I believed was cocaïne, only it was off-white. It was heroïn. I hit the roof. It was a piece of innocent stupidity.”
Donc pas de seringue, certes, mais Sebastian est peut-être une façon de parler de cette expérience parce qu’a-priori, ce jour là, le bon Steve s’est fait la peur de sa vie.
Je trouve le texte assez évocateur en ce sens.
On remarque, dans la chanson qui clôt l’album, Death Trip (une autre merveille), ces paroles : « Now I'm in a death trip/ listening to the blood drip/ oozing from a cut lip/ never thought of dying this way ».
Voici le Saint Sébastien de Mantegna :
3) La version intello : une tentation homosexuelle.Le héros du roman de Mishima Yukio « Confessions d’un masque » est fasciné par les représentations de Saint Sébastien. Enfant chétif, souvent malade il se bat contre ses pulsions homosexuelles.
A rapprocher de la propre enfance de Steve Harley : la poliomyélite, les 4 années passées en sanatoriums, dans les hôpitaux … D’ailleurs, il fait une allusion auto-ironique à sa maladie dans Death Trip encore : «
softly, Lautrec, she whispered in awe ».
Il est possible que Steve Harley qui - à cause de ses immobilisations multiples - a beaucoup lu, ait lu ce bouquin.
Quant à l’expérience homosexuelle, on ne sait pas. Sauf qu’il a beaucoup fréquenté Marc Bolan, hi-hi.
Notons aussi que Saint Sébastien est considéré par la communauté gay/ lesbienne comme étant leur saint patron.
Du coup, on peut peut-être aussi penser au personnage de Sebastian, incarné par Montgomery Clift dans Soudain l’Eté Dernier, comme l’a suggéré bebeto.
Sinon, et si les explications sont vaines, on restera sur la sonorité du texte, les assonances (
Work out a rhyme, toss me the time, lay me, youre mine), les allitérations (
Your persian eye sparkle, your lips, ruby blue never speak a sound) ainsi que quelques oxymores du meilleur aloi, mettons-un-franc-dans-le-nourrin (
your lips ruby blue) et tout plein de figures de style qui viennent augmenter la musicalité de la chanson.
Et maintenant, le bonus pour ceux qui ont tout lu, par The Greek Superstar (en grec, forcément) …
http://www.squidoo.com/vasilis-papakonstantinou