«See the flowers, see the pretty, pretty flowers
You pick them for hours, if you only had the time
See the children, see the littlle, little children
You can pay attention to them, if you only had the time
Waste your life away and one day you’ll find
You’re missing things, missing things all the time
Is it much, too much to ask
Not to hide behind the mask
Blocking things out of your mind
It seems to me to be unkind, unkind.»
— “If only had the time” (Rand Winburn)
De g. à dr.: Bill LeVasseur, Joe Mendyk, Jim Opton, Cam Schinhan, Randy Winburn
A la fois tributaire du British sound des années 64/65 et de la vague flower power, Nova Local oscille entre les harquebouzades débraillées de la blue eyed soul, les pétulants feux de Bengale du psychédélisme et les splendeurs illécébrantes de la pop orchestrée.
Les membres de Nova Local sont originaires de Chapel Hill, un bourg de la Caroline du Nord, au Sud-Est des Etats-Unis, près des monts Appalaches, du moins les quatre premiers d’entre eux: Randy Winburn (guitare rythmique et chant), Bill LeVasseur (batterie), Phil Lambeth (guitare), Jim Opton (basse), Joe Mendyk (première guitare), Cam Schinhan (claviers); ces deux derniers rejoignent le groupe lors de la réalisation de son unique L.P., suite au départ de Phil Lambeth; Joe Mendyk a joué avec Tri-Power, The Better Days and The Warlocks. En 1964, on trouve The Shadows avec Randy Winburn, Bill LeVasseur et deux autres étudiants; lorsque ceux-ci s’en vont Phil Lambeth et Jim Opton se proposent de les remplacer. L’année suivante, ils se rebaptisent The Luved Ones. Randy Winburn est le compositeur et le leader.
The Luved Ones (de g. à dr.): Jim Opton, Randy Winburn, Phil Lambeth, Bill LeVasseur
The Luved Ones jouent lors de nombreux bals et, bien sûr, pour tous les clubs d'étudiants de la région, notamment le Phi Mu Alpha, mené par leur bassiste. Un jour, fin 66, ce club organise un concert pour alimenter les caisses de l’université et décide de marquer le coup en engageant, par l’intermédiaire de la William Morris Agency, Chad and Jeremy, un duo anglais connaissant beaucoup de succès aux Etats-Unis; naturellement The Luved Ones assurent la première partie. D’autre part, il est convenu que Rob Heller, l’un des représentants de l’agence vienne écouter le groupe...
Il est emballé. Dès la fin du concert, il propose aux musiciens de les diriger. Bientôt, à l’instigation de B.B. Saunders, alias Len Chandler, artiste folk, connu pour son activisme politique, qui co-produira quelques-unes de leurs chansons, ils adoptent le nom de Nova Local; sans doute du titre du roman de Williams Burroughs, “Nova Express” (1964), bien que personne n’en soit certain. Puis avec l’aide d’Elliott Mazer* — qui deviendra leur producteur —, ils obtiennent un contrat d’enregistrement avec Decca. Des sessions ont lieu en décembre, à New-York durant lesquelles sont enregistrés quelques démos et les deux titres qui seront la matière d’un premier 45 tr à l’été suivant: “If you only had the time” et “Games”, roborative pop song dotée d’une frappe des plus excitantes, alliance réussie de Them et de Who. “If you only had the time” (que je décris plus loin) devient un hit mineur en Caroline du Nord, et se fraye un chemin sur les ondes européennes.
A l’été 1967, ils retournent à New-York pour enregistrer de nouvelles sessions. Jim Opton raconte l’étrange «crainte» dont le groupe est alors l’objet: une rumeur lui attribuant quelque chose de «spécial». Ainsi le studio est fermé aux visiteurs, et personne n’est autorisé à emporter une copie des prises réalisées. Fait historique: c’est la première fois qu’est utilisé le système Dolby NR; ainsi qu’un mystérieux “Cateroeternally Live Sound”, du nom de l’ingénieur du son, Fred Catero. Ils jouent aussi dans quelques clubs, ainsi qu’en divers endroits, tel le parc d’attractions de Palisades Park (N. J.) où ils sont acclamés par une cohorte d’adolescentes avides d’autographes.
Lorsque les vacances s’achèvent Phil Lambeth quitte le groupe, préférant se consacrer à ses études de droit. Viennent alors Joe Mendyk (première guitare) et Cam Schinhan (claviers), c’est avec eux que, l’hiver suivant, les séances reprennent.
L’album, “Nova 1”, voit le jour au printemps 1968 (et non 1967 comme souvent indiqué dans les discographies), il est accompagné du single “John Knight's body” / “Other girls”. Seule la face A figure sur l’album. La face B, (que je ne connais pas) est décrite comme un twist joyeux et chaleureux rappelant à la fois Neil Diamond et The Young Rascals. Quant à l’album, soyons dithyrambiques, ses meilleurs morceaux soutiennent la comparaison avec le galvanisant contenu des premiers Electric Prunes. Détails:
“5 $ a ticket”. Un son d’aéronef échappant à la pesanteur, rompu par un riff tranchant, martial, suivi d’un trille robotique sur lequel s’élève la voix pointue de Randy Winburn: bonne entrée en matière pour une pop song éclatante, étayée par un orgue fluide, sinueux, acidulé, armé d’une fuzz vipérine s’élançant en un court, mais exaltant solo.
“If only had the time”.Cueille le jour avant qu’il ne soit trop tard est le message de cette joyeuse et dynamique chanson. L’album en donne une version remixée, délaissant l’intro; il n’empêche! cette mélodie, vaillante, directe, émouvante! ces chœurs transparents, diligents! cette guitare carillonnante! ce duo basse/batterie trottinant sagement! cette rumeur où infusent cor et clarinette!... l’on se dit que son succès aurait dû être plus grand. Suivent “Yascha Knew Deli Intimately”, un court intermède, extravagant, un peu free jazz, un peu “Revolution”, et “A Visit From It, The King”, une ballade acoustique, champêtre et bucolique.
“Tobacco Road”. Un classique de John D. Loudermilk, une lugubre et dolente complainte. «I was born in a bunk, Mother died and my daddy got drunk, Left me here to die or grow, In the middle of Tobacco Road»... Répétant les trois premières strophes, les musiciens alternent une lenteur lancinante et des tempos frénétiques où domine une fuzz rêche et crispée: sept minutes d’entêtant chagrin!
“Hitch hike”. Le tube de Marvin Gaye, sans flûte, sans chœurs féminins: une version carrée, presque heavy, au riff cogneur et caustique, lacérée par une guitare aux sons tordus et sulfureux, un orgue tout aussi acide et déjeté, qui s’apaise pourtant un moment, devient folâtre et sémillant.
“Morning dew”*. Un classique du folk, dont Tim Rose délivre une version tout aussi fulgurante, et qui évoque les ravages d’une explosion nucléaire: «Walk me out in the morning dew, my honey, Walk me out in the morning dew today, Can't walk you out in the morning dew my honey, Can't walk you out in the morning dew today!». Elle surpasse haut la main les deux autres reprises: la frappe du batteur est empressée, tenace, précise; la basse bourdonne, nerveuse, égrisante; l’orgue est mouvant, lancinant, corrosif; les guitares s’entortillent, derviches, foreuses, inébriantes; la voix étincelante de Randy Winburn se double d’échos fluctuants et hypnotiques.
“Forgotten man”. «Day after day it’s the same shaking hands, Here people say what’s his name, what’s it sounds, The forgotten man».Voici la triste complainte de l'homme oublié. Portée par un arrangement de cordes enchanteur, lunevillée d’accords de sitar et de clavecin, elle évoque les compositions les plus délicates des Beatles; Randy Winburn la chante avec une ferveur exceptionnelle et les chœurs sont d’une émouvante justesse.
“Dear Jimi”. Un titre dédié à Jimi Hendrix: une pirouette “reverse tape”, une passerelle pour le titre suivant.
“And I remember”. Un rythmn ‘n’ blues aux éclaircies pop, piqueté d’accords de piano et mené par un riff de guitare trapu et athlétique.
“John Knight's body” — «I’m much to young to have to die, Why I’m here, don’t ask me why, It’s a mistake I’ve been framed, Please for my sake don’t let me hang». La complainte d’un homme accusé de meurtre servie par une pop song alerte et racée: violons, sitar, percussions, un peu de piano, quelques ricochets sonores et une brève transformation en air de valse.
Une nova est une étoile jetant un brusque éclat dans le ciel, un éclat si intense qu’elle paraît surgir de la voûte céleste; le groupe aura été à cette image, un feu splendide et passager, et cette dernière chanson, la plus exquise, la plus chatoyante, laisse au cœur un immense regret.
Le label Radioactive a réédité cet album, malheureusement en omettant les faces B des 45 tr., ainsi que la face A du premier, la primitive version de “If only had the time”.
On trouve aussi quelques chansons de Nova Local sur différentes compilations, aux Etats-Unis et en Hollande.
De g. à dr.: Jim Opton, Bill LeVasseur, Cam Schinhan, Randy Winburn, Joe Mendyk
Epilogue:
Après l’enregistrement, Cam Schinhan et Jim Opton quittent le groupe. Ils sont un moment remplacés, puis, n’obtenant aucun soutien de Decca (pas de tournée promotionnelle) manquant de ressources financières, Nova Local se désagrège peu à peu. Winburn trouve un job à CBS, à New-York, et devient réalisateur. En 1975, il migre vers Hollywood, travaille pour les studios Paramount et enregistre un album solo. En fait, parallèlement à sa profession de cinéaste, il ne cesse de poursuivre des activités musicales, espérant un succès qui joue l’arlésienne. Bill LeVasseur s’oriente vers la publicité. Il tient aujourd’hui un Bed & Breakfast à Mexico. Son fils Jason est musicien et le fondateur de Life in General; sur un album de reprises paru en 2001, “The lovely, lovely singing”, il interprète “If you only had the time”; son père l’accompagne à la batterie. Cam Schinhan enseigne «par-delà les mers», dit Jim Opton dans un interview. Joe Mendyk, travaille comme producteur; il possède aujourd’hui un petit studio d’enregistrement près de New Haven. Jim Opton occupe divers emplois, «principalement dans la vente», dit-il dans la même interview. Enfin Phil Lambeth, ayant réussi ses études de droit, exerce en Caroline du Nord.
Je tiens à remercier Rand Winburn pour son aide et sa gentillesse. Son intérêt pour la musique est intact, l’une de ses dernière chanson, “Have Patience” figure sur “Big Indie Comeback, Vol. 2.”, une compilation éditée en Angleterre par Matchbox Recordings. D’autre part, un CD portant le même nom, et comprenant onze titres, est disponible sur Corgi Boy Records,
www.corgiboyrecords.com . Son nom est Rand aujourd’hui, non Randy, et il est dévoué à la religion du Christ.
En complément, je vous invite à visiter ce site bourré d’éloges, de témoignages et d’informations:
www.markprindle.com/nova.htm
* Producteur et ingénieur qui a notamment travaillé avec Big Brother & The Holding Company, puis avec Neil Young.
>
www.soundonsound.com/sos/Feb03/articles/elliot mazer.asp
* Une chanson écrite par Bonnie Dobson (artiste folk peu connue), intitulée aussi “Take me for a walk”. Enregistrée en 1962, mais non publiée, elle est inspirée de “On the beach”, un film dépeignant les conséquences d’une guerre nucléaire. Le premier à l’interpréter fut Fred Neil en1964 (alors en duo avec Vince Martin), apportant quelques changements de paroles. Aux dires de l’auteur ce sont ces changements que, reprendra Tim Rose sur son premier album en 1967. Autres reprises: celle de Grateful Dead, sur leur premier album (1967); de Jeff Beck, sur “Truth” (1968); et celles que je ne connais pas: de Lulu, Episode Six (futur Deep Purple), Clannad, Dave Edmunds, Nazareth, The Allman Brothers.