Can,
Soundtracks (1970)


Comme le signale le recto de la pochette, ce disque est le second album de Can mais pas le numéro 2. En effet on retrouve sur ce disque des titres composés ou improvisés pour servir de musique de films, les enregistrement s'étalant entre novembre 69 et août 70. Il ne s'agit donc pas d'un nouveau disque conçu comme œuvre à part entière bien que l'aspect disparate de l'ensemble constitue au final une assez belle unité.
Les morceaux ne se présentent pas dans l'ordre chronologique d'enregistrement et pas moins de 5 films ont été ainsi "illustrés" par la musique de Can. Mais déjà on retrouve ce qui a fait la grande originalité du premier album,
Monster Movie. Une musique déliée, ouverte où les musiciens semblent, construire, pas à pas, une sorte de masse sonore mouvante, rampante avec des fulgurances électriques qui percent l'imposant dispositif rythmique mis en place par le batteur et le bassiste.
Dès le premier titre Deadlock, ce qui encore une fois, frappe d'emblée c'est la guitare de Michael Karoli (la pochette orthographie mal son nom). Lyrique et puissant, on a souvent trop négligé le rôle de celui-ci dans les constructions en arabesque de la musique du groupe. Second fait qui introduit un changement c'est l'arrivée dans le groupe de Damo Suzuki après le départ de Malcolm Mooney et son retour aux US. Mooney est présent sur deux titres,
Soul Desert (où il mâche les mots et les éructe presque) et le superbe et jazzy,
She brings the rain, où ses textes toujours aussi poetico-surréalistes (dans le dernier titre il chante un amour pluvieux et nous entretient à propos de "Magic Mushroom") se fondent si bien dans l'univers du groupe.
Suzuki a lui une approche du chant plus mélodieux, sa voix serpente entre les instruments où elle s'immisce avec discrétion et délectation, comme s'il s'agissait de goûter les mots avant de les faire entendre.
Le masterpiece de l'album c'est bien
Mother Sky. Entrée en matière sans fioriture, guitare saturée, basse percutante et batterie qui déroule ses métriques martiales. Irmin Schmidt produisant parfois des sons étonnants et détonants. Le psychédélisme est ici dépassé définitivement. 1970 sera une autre époque où se rencontrent diverses approches musicales qui viennent du jazz free, de la musique contemporaine aux ambitions réellement révolutionnaires (tout du moins sur le plan esthétique), et des musiques du monde en général. Ce morceau a été classé dans une revue anglaise (Q Magazine) comme faisant partie des 100 meilleurs morceaux où s'illustre une guitare (classé 48). Œuvre sonore vertigineuse qui donne l'impression souvent peu égalée que les sons se fondent réciproquement les uns dans les autres pour offrir, au final, un joyau essentiel et incomparable. Précieux donc !
Ah oui, et ce pour la dernière fois, sur le label on peut lire
The Can !
Le disque fut ensuite réédité par United Artists (UA) sous une pochette différente.
