Le vou de PaulPaul, le Paul de Vous, Popol Vuh - Aguirre (1975)

Tout ceux qui ont un jour vu le film Aguirre, La Colère De Dieu, se souviennent de cette longue séquence d’ouverture montrant les Andes accrochées aux nuages… Contrastant avec la grandeur du décor mais tout en soulignant son incommensurable beauté, la musique minimale de Popul Vuh s’insinue lentement dans le paysage dont elle accentue le côté onirique. Descendant du ciel, une file incalculable de silhouettes minuscules chemine par un sentier au bord du vide. Quand les premières d’entre elles apparaissent enfin en gros plan après avoir été engloutis dans un repli de la roche, on découvre des indiens, des conquistadores aux armures rouillées, des lamas, des cochons, des canons, des moines et des dames en costume d’époque. La troupe, placée sous la conduite de Pedro de Ursua et de son second Lope de Aguirre, s’enfonce dans une errance sans fin à la recherche du mythique Eldorado. Interprétée au mellotron qui imite ici des chœurs angéliques, la mélodie planante de Florian Fricke deviendra indissociable du film de Werner Herzog. Plus tard dans l’histoire, quand l’inéluctabilité tragique de l’expédition ne fera plus de doute et quand Aguirre commencera à sombrer dans la folie, la musique envoûtante au départ apparaîtra sombre, s’étendant comme un vent de mauvais augure soufflé par la forêt en décomposition. On retrouvera dans ce disque pas moins de trois versions différentes de ce morceau inoubliable : Aguirre I, II & III. La première est celle que l’on entend dans le film à ceci près qu’elle se termine par une petite chanson indienne jouée à la flûte de pan et probablement récupérée de la bande sonore. La seconde commence comme la première mais évolue après 2 minutes 30 en un instrumental pink-floydien joué sur des guitares acoustiques et électriques. La troisième version, habillée par des séquences percussives, s’inscrit davantage dans la ligne d’un Tangerine Dream et s’avère la moins intéressante des trois. Le reste est accessoire : deux extraits d’un album précédent, Einsjäger & Siebenjäger, dominés par les guitares et les percussions de Daniel Fichelscher et l’interminable Vergegenwärtigung, un collage d’effets électroniques qui, à la longue, s’avère n’aller nulle part à l’instar du radeau dérivant sans fin au gré des tourbillons du grand fleuve. Le vinyl paru en 1974 a été réédité à de multiples reprises en CD, notamment par Spalax en 1996, mais toujours avec des répertoires fantaisistes (nouveaux morceaux et même un titre, Vergegenwärtigung, carrément remplacé par un amalgame de chansons). La réédition en digipack par SPV reprend la bande originale dans son intégralité et ajoute en bonus la troisième version de Aguirre. Encore une chose, ne cherchez pas la voix de Djong Yun sur cet album : avec le retour de la version initiale et entièrement électronique de Vergegenwärtigung, elle a simplement disparu même si elle est toujours créditée dans les notes de pochette. Si vous n’avez jamais vu cette œuvre fiévreuse de Herzog, inutile d’acheter maintenant cet album : optez plutôt pour le DVD du film aujourd’hui enfin disponible en zone 2. Pour les autres, cette bande originale qui facilitera la remémoration d’une imagerie fascinante jadis contemplée est évidemment indispensable!