Cette semaine, je vous propose d’écouter et d'échanger autour de l’album
Dernières balises (avant mutation), d’Hubert-Felix Thiéfaine, sorti en 1981.

Tracklisting :
113e cigarette sans dormir - 4:30
Narcisse 81 - 3:25
Mathématiques souterraines - 5:22
Taxiphonant d'un pack de Kro - 3:35
Scènes de panique tranquille - 0:57
Cabaret sainte Lilith - 5:46
Photographie-tendresse - 0:49
Une fille au rhésus négatif - 3:24
Exil sur planète-fantôme - 3:50
Redescente climatisée - 4:57
Tous ces morceaux aux étranges intitulés sont écrits par HFT sauf 2-6-7-8, écrits par HFT et Claude Mairet, son guitariste.
Musiciens :
HF Thiéfaine : Chant, guitares
Claude Mairet : Guitares, basse, chœurs
JP Robert : Harmonica, saxophone, guitares
Gilles Küsmeruck : Claviers
Tony Carbonare : Basse, guitares, chœurs
JP Simonin : Batterie, trompette
Alain Douieb : Percussions
Alain Lasibile : Trombone
Bernard Chalon : Contrebasse
Carole Fredericks, Anne Calvert, Yonne Jones, Chantal Piot, Anita Bonan : Chœurs
Double disque d’or (+ 200.000 vendus)
Le contexte :
Début des 80’s, Hubert-Felix Thiéfaine, rocker jurassien amateurs de beaux textes, sort son 4ème album. Cet album lui tenait tellement à cœur qu’il a bâclé le précédent (De l’amour, de l’art ou du cochon) pour se focaliser sur ce projet. Après 3 albums totalement foutraques mais qui drainent un public de connaisseurs, celui-ci est vraiment travaillé et HFT nous montre un nouveau visage musical : ici, pas de morceau gag comme La cancoillote ou de pièces de théâtre comme La maison Borniol.
Avant d’attaquer la musique, attardons nous quelques instants sur la pochette. Le verso montre une petite fille, clope au bec, sapée comme une pute avec une bouteille de Four Roses à côté d’elle (ça ferait scandale aujourd’hui). Tandis que le verso montre une autre petite fille habillée comme une princesse mais tenant entre ses mains un cœur déchiré d'une seringue… Juste histoire de planter le décor !
Changement de look donc, pour la pochette comme pour HFT qui a coupé ses tifs et sa moustache de bucheron mal dégrossi. Du reste, selon l’auteur lui-même, cet album aura été pour lui comme une seconde naissance et qu’il a, au travers de cet enregistrement, trouvé sa vraie voie musicale.
Maintenant que le décor est planté, passons à la musique.
Album de transition, ou plutôt de changement radical. HFT accentue la noirceur de ses paroles, gomme les traces d’humour et parle de solitude des cœurs, de décrépitude des âmes et de drogue.
L’album est là
http://www.filestube.com/3712468d64fc4ecf03e9/go.htmlou là
Et maintenant, quelques mots sur chaque titre.
113e cigarette sans dormir : rythmique martiale pour texte désabusé. HFT nous fait un constat sordide qui annonce l’individualisme à venir.
« je ris à m’en faire crever », « retour au joint et à la bière, désertion du rayon képi ». Narcisse 81 : changement de rythme, l’intro mêle étrangement un guitare presque rockab’ avec un clavier digne du Genesis de la grande époque. Rock speedé, allusions aux drogues flagrantes
« Narcisse ! balise ta piste, y a des traces de pneu sur ton flipp, et ta petite sœur qui s'tape ton fixe ».Mathématiques souterraines : très belle ballade nocturne dans les bas-fonds de l’âme humaine. Grand moment du disque et grand moment de ses concerts à l’époque.
« Oh ! Mais laisse allumé, bébé, Y a personne au contrôle, Et les dieux du radar sont tous out, Et toussent et se touchent et se poussent, Et se foutent et se broutent. » Taxiphonant d'un pack de Kro : l’homo-thiefainus est seul, très seul et très triste. Alors il appelle SOS Détresse... et forcément, ça part en vrille
« Allô SOS Amitié, Allô SOS Amitié ? Excusez-moi de vous déranger, Mais si j'peux encore vous causer, C'est qu' mon pétard est enrayé, Allô SOS Amitié, Allô SOS Amitié ? Je crois bien qu'ça vient du chargeur, Est-ce que vous pouvez m'envoyer assez rapidement le dépanneur ? »
Scènes de panique tranquille : court titre d’à peine 1 minute, comptine morbide dont la fin est chantée par des enfants, ce qui fait frémir encore plus.
« Valium, tranxène, nembutal, yogourts, acides ?
Fais-moi une place dans ton linceul. Quand y en a pour un y en a pour deux. Fais-moi une place dans ton linceul. Pour un coup de dents, j't'arrache les yeux.’Cabaret sainte Lilith : un des highlits de l’album sans aucun doute et là encore un moment fort sur scène. Misère sexuelle au rendez-vous.
« Lilith ! Lilith ! Tu sais comment comment ça jouit, Les mecs complètements stress Qui t'réclament aux toilettes Une p'tite canette, une p'tite fumette, Une reniflette, une seringuette, Une bonne branlette Et puis : ciao... dodo."Photographie-tendresse : court titre de transition, un parfum de mort pendant 50 secondes.
« Cheveux tilleul écartelés sur visage, Taxiphone de l'attente souvenir coma, Trauma de vieillard géranium camé, Baisers Tranxène coagulés sur miroir, Hygiaphone T.V. lunettes noires pyjama rayé, Wo ist das Blut ? Ich habe Durst... »
Une fille au rhésus négatif : allez encore un des grands titres d’HFT. Drogue, folie, amour, tout se mêle dans un maelstrom infernal.
« Lové sur ton ventre, le bébé s'ouvre les veines Et tu me demandes s'il a bien pris sa dose. Les mômes de ton quartier se déguisent en momies. Un aigle, lentement, tourne autour de ta chambre. Les assassins défilent en levant leurs képis. Les bébés tombent du lit en lisant Mein Kampf. Oh ! Love... Love."
Exil sur planète-fantôme : Encore un des highlits d’HFT, toutes périodes confondues. En ce temps-là, nous raconte le chanteur… mais quel était donc ce temps là ? hier ? aujourd’hui ? demain ? à vous de vous faire une idée.
« Nous étions les danseurs d'un monde à l'agonie, En même temps que fantômes conscients d'être mort-nés. Nous étions fossoyeurs d'un monde à l'agonie. En ce temps-là, le rien s'appelait quotidien Et nous allions pointer dans les jobs interdits. Dans les musiques blêmes, dans les sombres parfums Dans les dédales obscurs où plane la folie Où plane la folie "Redescente climatisée : bad trip final, piano hypnotique pour mal-être revendiqué.
« Combien de mutants ayant rêvé ton numéro Se sont perdus croyant l'avoir trouvé ? Petite sœur-soleil au bout du quai désert, Petite gosse fugitive accrochée dans mes nerfs... Je t'ai rêvée ce soir au fond d'une ambulance »Voilà… Bonne écoute, à vous la parole et merci d’avance pour vos retours, quels qu’ils soient.