The Sacred Mushroom — “The Sacred Mushroom” (1969)
“Le champignon sacré”!? Ça ressemble à un canular, mais ça ne l'est pas. Ce qui est étonnant c'est que les musiciens viennent de Cincinnati (Ohio) (précisément d'une banlieue nommée Hyde Park), «the exact place from wich the rich-blundering-narrow-minded-owner-of-the-non-essential-producing-factory came», comme le dit l'auteur inconnu des notes de pochette de l'édition originale (Parallax). Pas vraiment le lieu idéal pour des fantaisistes vivant en tribu dans une grande maison et joignant leurs ressources pour produire leur album.
Même s'il est fluctuant le noyau d'origine, vers 65, 66, serait: Fred Fogwell guitare rythmique), Danny Goshorn (chant), Larry Goshorn (première guitare), John Stewart (basse), Doug Hamilton (batterie), Rusty York (harmonica); ils se font d'abord connaître sous le nom de Magic Mushrooms.
A priori, on se dit que le contenu de leur unique L.P. doit être à l'image du contenant, volubile, irisé, labyrinthique... Bernique! C'est du blues, allègre, fringant, passementé de pop. Tous les titres défouraillent carracho, notamment le dernier, “Lifeline”, influencé par Cream, avec trois guitares riffant en cascade, mais aussi “You won’t be sorry”, frappant d’estoc et de taille, et “Catatonic lover” doté d’une wah-wah funky et limailleuse. Résolument blues, il y a “All good things”, lardé d’harmonica, piqué de guitares piaillantes, et “Mean old world”, rhythm ‘n’ blues chahuteur et tellurique — qu’interprétait déjà Floyd McDaniel et Lowell Fulson —, lui aussi farci d’extasiés soli. Et puis, il y a la merveille, “I’m not like everybody else”, les Kinks transfigurés: moult guitares tressant leurs sons argentins, basse vrombissante, voix étincelante de Danny Goshorn, frappe sagace et diffractée de Doug Hamilton. Il faut le dire ce “The Sacred Mushroom” est une œuvre “jouissive”, jouissive parce que sans prétention, les musiciens ne placardant pas leur science, mais communiquant leur ardeur et leur énergie; jouissive, parce que symptomatique de cette année 69, débraillée, révoltée, où les disques sont “à jouer très fort”, où il est opportun de “prendre son pied”. A ranger entre le premier Pacific Gas and Electric et le premier Allman Brothers Band.
