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Nous en avons déjà beaucoup parlé sur ce forum, les "best of" sont trop souvent de qualité inégale, ramassis de tubes épars, ils ne témoignent en rien de la veine créative d'un artiste. Tout juste peuvent-ils offrir un rapide tour d'horizon de sa production musicale et encore ... certains joyaux restent aux abonnés absents.
Rien de tout cela avec ce TAJ MAHAL ! cet album porte très mal son nom et aurait dû s'intituler "the vision of Taj Mahal" ou "in the heart of the soul ", car nous sommes en présence d'un véritable "concept album" au sens premier du terme. Le livret qui accompagne le CD annonce déjà la couleur : Keb' Mo' et Stanley Crouch dressent tour à tour un portrait particulièrement riche de celui qui se nomme en fait Henry St. Claire Fredericks, né le 17 mai 1942 à Harlem, fils d'un pianiste de jazz (qui a régulièrement écrit pour Ella Fitzgerald et Benny Goodman entre autres ...) et d'une enseignante passionnée de gospel.
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, le truc de Taj Mahal, c'est le blues. Conventionnel me direz-vous. Et bien non ! Taj Mahal sait créer un blues fédérateur, innovant, ouvert à toutes les influences, qui fait exploser les notions purement "ethniques" car il emprunte au folk, au boogie, au rock, à la prog et à la country music. Mais ne vous y trompez pas : le fil conducteur demeure le Blues, car c'est toute la musique qu'il aime !!!!!!
Alors voyons cet album : composé de 17 titres qui s'égrenne presque chronologiquement de 1967 à 1974, avec des inédits et des titres en public. Les quatre premiers titres (1967 à 1968) sont des blues "conventionnels" (
statesboro blues, leaving trunk, Corinna, Going up' the country paint my mailbox blue,
she caught the Katy and left me a mule to ride tous extraits de "Natch' blues") traités à la Taj Mahal dans le respect des règles du genre. Rythmique d'acier, guitares magiques, notre homme s'aiguise les dents.
Et puis, dès le 6ème titre,
take a giant step créé par le duo Goffing - C. King on franchit effectivement une marche de géant. Les guitares se font plus folk, le rythme se "Californise" durant 4'16 car il prend son temps le bougre !
Vient ensuite le rock/blues classique et incontournable
six days on the road mené dans un tempo d'enfer, guitares "Creedence" aux postes avancés.
Folk blues à nouveau avec
Farther on down the road (1969), harmonica, guitares graciles et orgue hammond en embuscade.
Fishin blues prend la relève avec sa guitare acoustique au son métallique qui égrenne un folk roots tout droit issu de la cambrousse du sud. Accompagnement minimal pour plaisir maximal. Cette mélodie hante votre mémoire. Ici, l'acoustique occupe tout l'espace et cette acoustique là s'appelle guitares, point final !
Ain't gwine to whistle dixie instrumental de 8'26 capté live est d'une toute autre nature. Flûtes et autres instruments à vent tiennent le devant de la scène, soutenus par une solide rythmique. L'ensemble n'est pas sans rappeler Chicago l'aspect pompier en moins. La guitare grasse et aérienne intervient soudain et nous prodigue quelques soli jouissifs, soutenue par quelques maracas, tambourins ou je ne sais quoi. Taj agrémente le tout de sifflements ... parfois faux (!). Ce morceau est une anthologie à lui seul. Les instruments se succèdent, s'entremêlent, se disputent, s'harmonisent sur un mid-tempo qui voit s'alterner phases calmes et rutilantes. Le public est aux anges et moi aussi.
Bon, maintenant que vous situez le contexte de ce disque, j'évoquerai ça et là le folk/blues "décadent"
cadewalk into town, avec son trombone qui fait ici usage de métronome pour la discrète guitare acoustique. Me faire avaler une chanson dominée par le trombone, il n'y a que Tony Joe White et Taj Mahal qui en connaissent le secret!!!!!!

ou le folk/blues gospelisant
Frankie and Albert, avec sa guitare acoustique obsédante et la voix cassée de Taj Mahal qui confère une ampleur à ce titre dont l'orchestration est minimale.
Parlons aussi de
Chevrolet [/i, (1971) classique du blues notamment repris par Eric Burdon et ses Animals, au traitement rock très typé seventies ou du splendide Johnny too bad (1974), mitonné à la sauce folk/calypso/reggae, ou encore de l'inédit [i]Sweet mama Janisse qui ferait danser un cheval de bois !
En résumé, ce disque est un chef d'oeuvre se voulant avant tout le témoin de la progression stylistique de TAJ MAHAL qui fait exploser les frontières musicales.
En regardant de plus près sa bio l'on comprend pourquoi : notre homme a étudié le piano classique, la clarinette, le trombone, la guitare, l'harmonica ... n'en jetez plus, on a compris !
Non, décidément ce CD (fort bien gravé au demeurant) n'est pas un Best of. Il mérite mieux que cela. Si votre but n'est pas de vous constituer la discographie intégrale de TAJ MAHAL, vous avez, avec cette galette, la quintessence de l'oeuvre de l'artiste hyper doué dont on ne parle pas assez à mon goût.
Pour ma part, en tout cas, il est dans le top five des meilleurs !!!