Le Requiem de la boîte blanche fait suite au cristallin et presque serein ‘Glad to get away’ (1994), révélant une interruption d’au moins une année dans les productions de Corwood – évènement suffisamment rare pour être signalé. Nous ne saurons sans doute jamais ce qu’il s’est passé durant ce laps de temps. Un deuil – celui d’un enfant, comme le laisserait supposer le titre ? Ou quelqu’autre traumatisme ? Toujours est-il que ‘White box requiem’ se présente, à la première écoute, comme un absurde gâchis sonore : une voix + une guitare qui se cherchent sans jamais vraiment se rejoindre, des plages qui s’interrompent abruptement et reprennent plus loin, des traces de comptines, des arpèges hésitants, une voix triste et lasse – le tout donnant à pressentir que nous sommes en présence de l’album le plus raté du monde. Si nous nous en tenions à ce qu’on est communément en droit d’attendre d’une oeuvre musicale enregistrée, ‘White box requiem’ serait à verser dans la poubelle des objets sonores non-recyclables, tant cet album exige une écoute ‘excentrée’. Mais reprenons. Ou plutôt, reprenons le chemin – car il s’agit bien d’un chemin auquel nous convie Jandek, lequel s’ouvre sur une clairière instrumentale (‘The glade’). D’emblée, Jandek nous (ou se) dit : ‘je suis mort’ – et signale l’existence de ses initiales gravées sur la boîte blanche. Clairière aux épitaphes, donc. Mais le chemin se révèle très vite impraticable : trop d’obstacles, trop de pensées. Il faut donc stopper net, revenir sur ses pas, repartir sur d’autres directions – tout n’étant que question de vie ou de mort (‘When i live i will die, when i die i will live/ When i live i will live, when i die i will die’) – mais aussi de repentance. Et l’interrogation continue, se déplace : les intermèdes instrumentaux, environnés d’un écho persistant, sont là pour rendre le paysage sensible – là on marche dans la prairie, ici on approche de la ville, là encore : un soleil dissonant se couche sur l’horizon. Autant de magnifiques objets sonores minimalistes, pour peu qu’on les écoute attentivement. Et pour finir, cette révélation : ‘I didn’t really died’ – comme dans ces jeux d’enfant, où l’on feint de mourir et où la résurrection, toujours programmée, fait figure de miracle – où l’on joue à se faire peur avec l’obscurité et avec la mort, comme dans tout imaginaire de l’enfance. On l’aura compris , ‘White box requiem’ n’est pas seulement un album de musique, mais aussi un cheminement intérieur dont l’étrangeté recèle quelque chose à la fois de familier et de lointain. Dans cette mesure, cet album de Jandek est peut-être celui dans lequel il se livre le plus, tout en étant l’un des plus impénétrables. En tout cas, c’est le préféré – et ce n’est sans doute pas un hasard – de M. Sterling R. Smith, 'fondé de pouvoir' de Corwood Industries.
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