Si vous cherchez des informations sur William Truckaway, vous allez vite découvrir que ce beau barbu se dissimule derrière un pseudonyme; son vrai nom étant Sievers. Parlons donc de ! William Sievers est guitariste chez Sopwith Camel en 1967, et il participe donc à l'enregistrement de leur album éponyme. Sopwith Camel est le second groupe de la Bay à signer un contrat avec une major après les Grateful Dead, et ils jouissent d'une extrême popularité : ils jouent un style proche des Lovin' Spoonful, fait de pop subtile et fleurie (et enfumée d'ailleurs) et d'un mélange de folk psychédélique ou désuet.
Finalement, les nombreuses frustrations individuelles auront raison du groupe et les membres se séparent. William Sievers se tourne vers la production tout en continuant à participer à quelques sessions de ça, de là ; il jouera notamment quelques plans de synthé sur "Oh ! Pleasant hope" de Blue Cheer en 71. Cette même année, il enregistre son unique album solo, Breakaway pour Warner, produit par Erik Jacobsen, une vieille connaissance de la période Sopwith Camel.
Son album est donc vaguement dans la lignée des années Sopwith Camel, l'insouciance en moins et la technique en plus. Les amateurs de blues-rock spontané et animal détesteront (je préfère prévenir). La production est assez classieuse, les plans de gratte ou les synthés sont très clean, et tout est overdubbé. A noter la participation à l'enregistrement du batteur de Sopwith Camel, Norman Mayell, ainsi que Terry Dolan à la 12 cordes (futur Terry and the pirates) sur le titre
I go slow
C'est le titre
Breakaway qui ouvre l'album, guitare à forte reverb et synthé, vibrato à fond. C'est une ballade pop/folk dans un style bal de foire dans l'Oklahoma ou le Kansas. Étrangement, ce titre sonne presque années 80. Les titres suivants
Hard, cold, city life et
Way to my heart virent franchement country avec l'harmonica et la slide débrayée au max ! ça rappelle Poco dans les années qui suivront.
Send me some prend une tournure beaucoup plus pop, et l'ajout de choeurs subtils et de percus anodines, de même que cette flûte guillerette, font sautiller de joie; une joie enfantine et rassérénante. La première face s'achève sur un nouveau morceau aux contours country/pop, beaucoup de reverb et des refrains qui vous font remuer les éperons ! Et pour couronner le tout, un petit plan de violon vient achever le titre (et l'auditeur, non je blague)
La seconde face ouvre sur un morceau de pop rythmé, piano et batterie en quiconce, se calant l'un sur l'autre; un petit coté Elton John des débuts assez surprenant, accompagné de choeurs enjoleurs.
I go slow qui suit étonne aussi, avec sa sitar et ses percu afro/indiennes. La voix de Sievers, d'abord rauque se fait suave pour mieux se fondre dans le tempo lent du morceau. On continue le tour du monde pop avec
Where's my baby et son pizzicato de violon façon orchestre slave, ses mélodies "Lennoniennes" et ses couplets enlevés. Ce titre sonne franchement moderne par rapport au reste de l'album : une pépite à l'état brut !
Soundaround poursuit sur un genre de world et de country, un piano et un phrasé de western, un titre de folklore acadien qui surprend et qui laisse perplexe tant il semble là pour déranger : il dure 2 minutes 17 secondes et se conclue par un solo de guimbarde !!
Bluegreens, le single qui a précédé la sortie de l'album (et qui a connu un certain succès en France) ressemble étrangement à un morceau des Beach Boys qui se parodieraient; une rythmique surf, des clap-clap, des choeurs féminins et des sha-la-la, un coup de Moog pour dérouter l'auditeur... une parodie, mais plutôt entrainante, basée selon l'auteur sur la philosophie de vie inspirée par Winnie the Pooh (himself). L'album s'achève sur une adaptation country/pop, voire même un peu gospel, du traditionnel
Leave it there; Un coté Lynyrd Skynyrd à la cool pas forcément déplaisant.