Camarades,
quand je me suis inscrit pour présenter l'Album de la Semaine je ne me doutais pas une seule seconde d'être pris dans un tel florilège d'AdLS venant de France... Habitué comme vous aux albums américains ou anglais, je pensais que c'était un pari un peu risqué de vous présenter un artiste français, en me disant que j'allais susciter des réticences. Et, puis, qui choisir? Quel style? Du prog à clochettes dans la forêt enchantée de Massat? Du punk bien crasseux venant directement d'un squat de Rennes? De la composition boboidale réalisée en plein Saint-Germain-de-Près? Album inconnu ou, à l'inverse, trop connu? Pris dans ces doutes, j'ai décidé de me tourner vers un "éternel oublié", qui a pourtant eu son heure de gloire dans les années 60 et 70, qui ne rentre dans aucune de ces cases mais les occupe toutes en même temps, qui a su surfer des salons des grands apparts parisiens aux arbres fruitiers du Lot en passant par l'underground communautaire... Pas un inconnu, donc, mais un méconnu, ce qui change tout... Après Greg et Vox Populi, voici donc ma modeste contribution à l'album de la Semaine avec:
Nino Ferrer - Blanat (1979)
1. introduction
2. little lili
3. bloody flamenco
4. michael and jane
5. boogie on
6. scopa
7. fallen angels
8. l'arbre noir
Lien: (ça devrait être le bon, sinon adressez-vous à Vox Populi, bien meilleur que moi en informatique... Et j'oubliais, il y a le mot de passe étrange de "fucksarko"!)
Micky Finn - guitare électrique
Ron Thomas - basse
Keith Boyce - batterie
Brian Johnston - claviers
Nino Ferrer - guitare électrique, guitare sèche, Moog, chant
En 1979, Nino est un artiste reconnu, mais qui se fait de plus en plus discret... Né en 1934 et protagoniste d'une vie assez "peu commune" (l'amenant d'une enfance passée dans la Nouvelle Calédonie au tour de monde en cargo à la fin de ses études en ethnologie et archéologie en passant par un grand lycée parisien), Nino Agostino Arturo Maria Ferrari (son vrai nom) entame sa carrière d'artiste en 1959 au sein d'une formation jazz. L'explosion yéyé le consacrera en tant qu'artiste majeur, de 1965 à 1967 (avec des succès tels que "les cornichons", "le téléfon", "le roi d'angleterre"), mais ce rôle de chanteur yéyé décalé lui va cependant bien mal. C'est la raison pour laquelle il part pour l'Italie en 1967 afin de notamment présenter une émission télé, "Io Agata e tu". C'est également en Italie que Nino enregistrera son premier 33 t conceptuel, Rats and Rolls, l'éloignant défnitivement des codes du yéyé et, par conséquent, du show-buisness, étrange super-concept (ou, en termes marxistes, "superstructure") avec lequel il restera fâché le restant de sa vie avec des phases de guerre intense (notamment lorsqu'il décide de devenir son propre producteur ou de rompre avec les major du disque) et des moments plus accommodants.
Revenu en France, Nino s'installe d'abord en Quercy en tant qu'éleveur de chevaux, mais il fait en 1971 une rencontre déterminante qui marquera toute sa carrière : celle du guitariste irlandais Micky Finn, qui lui fait découvrir le rock anglais. C’est le coup de foudre. Micky et ses musiciens suivent Nino à Paris et deviennent les Leggs. Nino construit un studio d’enregistrement dans sa maison près de Paris et devient son propre producteur pour n’avoir plus de compte à rendre qu’à lui-même et pouvoir faire la musique qu’il aime avec les gens qu’il aime. Après des mois d'une écriture personnelle et de composition, sort en 1971 Métronomie. Si l'album n'a qu'un succès mitigé, l'un de ses titres, "La Maison près de la fontaine", se vend à plus de 500 000 exemplaires en 45 tours. Certains morceaux de cet album sont d'une composition associée au genre du rock progressif (Métronomie 1 et 2, Cannabis...), le sortant ainsi définitivement de l'étiquette variété auquel il était assimilé.

Toutefois, comme on disait, les lois du show-biz reprennent le dessus et Nino continue de sortir des albums (Nino and Leggs, Nino and Radiah, Suite en œuf, Véritables variétés verdâtres) qui ne marchent que très moyennement, et qui sont quasi-systématiquement occultés par un ou deux 45 tours qui, quant à eux, remportent un succès considérable. C'est le cas de la chanson "le Sud" (tube de l'été 75) qui fait référence à son pays d'enfance, la Nouvelle Calédonie, et qui lui permet en 1976 d'acquérir "La Taillade", une bastide située au cœur du Quercy Blanc, dans la région des Vaux près de Montcuq, qu'il équipe d'un studio d'enregistrement.
Nous en arrivons donc à cette fatidique année 1979 où sort Blanat. Enregistré au château de Blanat en 1976, puis mixé à la Taillade en 1977/78, ce disque, au départ, devait être enregistré avec des musiciens américains. Mais le temps passait et Nino ne sentait rien venir, le feeling n'y était pas. Nino demande donc à Micky Finn de contacter les autres "Leggs" : Ron Thomas (basse), Keith Boyce (batterie), Brian Johnston (claviers). Nino, outre le fait de chanter, joue de la guitare sèche, de la guitare électrique et du Moog sur cet album. Les morceaux furent enregistrés, selon le site officiel de Nino, à une vitesse extraordinaire et le morceau phare, "L'arbre noir", est sorti d'un coup d'un seul.

Première constatation à l'écoute de cet album: tous les morceaux sont en anglais, à l'exception de « l'arbre Noir » écrit par Nino dans les années 50. Mention spéciale donc pour ceux qui préfèrent la langue de Shakespeare à celle de Baudelaire, du moins en musique. Du point de vue musical justement, cet album ne rentre en aucune case, sinon dans celle d'un rock à la fois raffiné et bien construit, comme tout bon album de prog qui se respecte. Il est à la fois incroyablement agréable et immédiat à l'écoute. Ces éléments font de cet album, s'il faut vraiment le caser dans le genre "prog", l'un de plus réussi de toute l'histoire de ce genre musical.
Une analyse titre par titre confirme cette impression: nous passons d'une introduction respectant les grandes lignes progressive à une suite de morceaux toujours bien construits par Nino et ces musiciens d'exception que furent les Leggs, mais beaucoup plus immédiats. Je pense notamment à la douce et rythmée Little Lili, l'époustouflant "flamenco électrique" de Bloody Flamenco ou encore l'excellente Michael and Jane (pourtant écrite en collaboration avec un certain Gibert Montagné, n'en déplaise à certains...). En tournant la face du disque, nous pouvons reprendre notre pérégrination dans les couloirs du château de Blanat par l'endiablé Boogie On. Scopa, ensuite, est assorti d'un solo de guitare qui est second seulement à celui présent sur le dernier morceau. Fallen Angel est plus classique et précède L'arbre Noir. Ce dernier morceau, écrit dans les années 50 par Nino, et, accessoirement, le seul en français, comme nous l'avons déjà dit, est un véritable chef d'oeuvre, déjà pour l'harmonie entre le texte et la musique, mais ce sont deux autres éléments qui nous frappent.
D'abord, le texte lui-même et ensuite le solo de guitare. Du point de vue textuel, selon moi, cette chanson anticipe de 19 ans, voire plus si on tient en compte la date à laquelle a été écrite, le suicide de Nino. Il représente sa vision sombre de la vie. Ce morceau anticipe également le rapport complexe entretenu par l'artiste avec le show-biz. Il reflète en particulier l'incompréhension d'un public qui n'est réceptif qu'aux titres les plus commerciaux de l'artiste. On remarque d'ailleurs que tout le texte est basé sur le thème des oppositions (intérieur/extérieur, feu/pluie, souvenir/absence, enfin, en un mot, l'angoisse et le bouleversement intérieur).Quant au solo de guitare de Finn, c'est tout simplement l'un des plus beaux solos que je n'ai jamais entendu, comparable à celui de groupes majeurs de l'histoire du rock.

Enfin, pour conclure, je vous adresse un dernier mot. Indépendamment de la note que vous lui attribuerez.
Selon moi, ce disque est magnifique, l'un des meilleurs que je n'ai jamais écouté, et de loin. Il a été écrit quelque part : « c'était une suite de diamants bruts ». J'espère que vous en serez pas déçus.
merci camarade
très bonne idée de proposer cet album de nino qui pour moi est son meilleur album avec nino et radiah (l'album avec le sud)
nino est un artiste qui n'est pas reconnu à sa valeur , on le connait plus pour ses début en tant que chanteur comique , mais il vaut bien plus que ça.
encore merci
