Un peu in extremis, les votes s'arrêtent aujourd'hui, un bon 9/10. Sans même avoir besoin de le réécouter, parce que ça fait partie des albums qui m'ont longtemps occupé, et que j'ai décortiqué avec minutie à une certaine époque où je voulais parvenir au bout de cette question "Pourquoi Queen, cette fameuse bande de nazes ?"
Oui, une sacrée bande de nazes tout de même, irrémédiablement coupable, aux yeux de l'intelligentsia bien-pensante du rock, d'avoir connu un succès commercial aussi incommensurable. On lui reproche aussi régulièrement ce fameux savoir-faire, ce talent du facteur, alors qu'écrire des pop-songs qui cartonnent, quand c'est McCartney ou Brian Wilson, personne ne voit le problème, bien au contraire. On s'indigne aussi - et à juste titre je trouve - des outrances visuelles, de ces tenues grotesques, de cette moustache ingrate, de cette dentition qui aurait plus logiquement prédestiné à un lucratif emploi de décapsuleur professionnel chez Kronenbourg, de ces sabots et coupes de cheveux du dernier ridicule, etc, etc. Mais laissons tout cela à Nicolas Ungemuth et aux ayatollahs de la chose rock, chiens de garde des tables de la loi du genre, ce que le rock doit ou ne doit pas être... Parce qu'on parle de musique avant tout.
Dans ce disque, on retrouve un Queen pas encore saturé de son arrogance de dominateur des charts, avec une vraie envie d'en découdre et une ambition esthétique où les moyens mis en oeuvre restent encore assez mesurés et où le fameux savoir-faire des musiciens-compositeurs se met avant tout au service de la musique, sans être trop pollué par les maniérismes et tics de production. Le travail de conceptualisation, une face "blanche" vs une face "noire", par-là même une face "May" vs une face "Mercury" est intéressant sans être tiré par les cheveux, en ce sens qu'il reste accessible. Le son est comme à l'accoutumée, léché, mais sans trop d'excès, on n'est pas encore dans les tartes à la crème du type des 90 pistes superposées de voix passées dans un combiné de téléphone, etc, etc... Ce qui ressort avant tout à mon avis ici c'est le talent d'arrangeur de May, mis en évidence par une sobriété inhabituelle et bienvenue de Mercury. Ses compositions sont superbes, tout autant que ses contributions sur un plan strictement instrumental. De ravissantes guitares, maîtrisées et élégantes, sans frime, sans ces clichés déjà éculés à l'époque du guitar-héro. Enfin, les chansons, pusique malgré l'apparente complexité de l'ensemble, il s'agit avant tout de "pop-songs", elles sont dans l'ensemble remarquables. On mettra effectivement de côté la contribution de Taylor, plus anecdotique, mais si la face Mercury est excellente d'un bout à l'autre (savants enchaînement et science des progressions dans les ambiances), je retiens plus volontiers les thèmes de May, pour les alternances de climats mélodiques et de passages puissants et pour leur dimension onirique souvent prenante.
Au final, je remercie Cozy pour ce choix courageux, et je crois que je vais quand même me le réécouter.
|