
Sorte de prolongement du mythe Ziggy présentant Ronson comme un clone de Bowie, cet album n’en est pas moins digne d’intérêt, surtout pour le dévot qui tient à posséder tout ce qui se rapporte à son idole: il s’y déploie en effet, un “casting” des plus familier avec, outre Ronson, Trevor Bolder, bassiste des Spiders From Mars, Ansley Dunbar (remplaçant de Mick Woodmansey sur “Pin Ups”) et Mike Garson, pianiste virtuose déjà présent aux sessions de “Pin Ups” qui accompagnera Bowie sur quelques albums et participera (en 1976) à l’unique opus des Spiders From Mars (Pete McDonald et Dave Black suppléant Bowie et Ronson). D’autre part, hormis divers aspects, l’album se rattache à l’homme-caméléon avec un inédit, “Growing up and I’m Fine”; une contribution (Bowie/Ronson), “Hey Ma Get Papa”; ainsi que la traduction d’une chanson italienne. Produit et arrangé par Ronson, il fut enregistré en 1973, au Château d’Hérouville et au Trident Studios de Londres. C’est bien sûr une production MainMan, le label de Tony Defries.
Comme pour bien signifier qu’il s’agit là de glam-rock, il ouvre les écluses de la sentimentalité en débutant par
“Love me tender”!... L’on se prosterne où l’on se barricade, mais force est de constater que même s’il n’est pas Elvis, Ronson sait chanter; il démontre aussi qu’il sait manier le manche d’une guitare, arrosant de giclées incandescentes un tapis de chœurs discrets, affectueux et bourdonnants, d’aigrelets accords de guitare sèche, des miroitements de piano, le tout pétri par une frappe ample et généreuse*. Suivent:
“Growing up and I’m Fine”. L’inédit de Bowie, inédit d’un excellent cru dont le tempo sautillant rappelle “Changes”. De calmes intervalles permettent à Mike Garson de dispenser des flots de notes allègres et romantiques.
“Only After Dark”. On jurerait entendre un morceau de Bowie — quelque chose entre “ Soul Love ” et “ Black Country Rock ” —, mais c’est signé Mike Ronson et Scott Richardson (l’ex-chanteur de SRC). Pimenté de chœurs “cartoonesques”, juteux, dansant, élémentaire, il devient un gros tube qui sera repris par Human League et Def Leppard.
“Music is Lethal”. La chanson italienne, originellement “Io vorrei... non vorrei... ma se vuoi”, un succès de Lucio Battisti, interprété ici dans la veine “cabaret” et dramatique qu’affectionnait Bowie. Le début est doux — guitare sèche, voix à peine frangée d’écho —, puis surgissent les violons, la frappe claire et dynamique d’Ansley Dunbar. La sève de l’émotion bouillonne, s’apaise et rejaillit avec impétuosité.
“I’m the one”. Cette “torch ballad” signée Annette Peacok, artiste de jazz, pionnière de la musique électronique, figure sur son premier et éponyme album (1972) sur lequel joue Mike Garson — c’est lui qui la présenta à Bowie, qui s’intéressa beaucoup à elle et la présenta à Tony Defries, qui voulut être son manager... le monde est petit! Cette reprise tendue, mouvante, chamarrée de percussions, de voltigeantes acrobaties de piano et d’incisifs soli de guitare, rompant en une lamentation soutenue par une orchestration dense, bluesy, couronnée de cuivres, est la plus surprenante de l’album.
“Pleasure Man”/“Hey ma get papa”. Deux morceaux soudés par un long shift psychédélique. Le premier est derechef le fruit du duo Ronson/Richardson; le meilleur, le plus enivrant avec ses dérives jazzy et hypnotiques; la verve de Mike Garson s’épanouit en mille fleurs étranges, la basse se pavane nonchalamment, les cuivres exclament des sons froissés, la batterie sectionne le tempo en pans vigoureux, la guitare de Ronson ondule, lascive, crachant un fiel grinçant et voluptueux. Le second, signé donc Ronson/Bowie, est jouissif, exubérant, extravagant: un air d’opéra comique, porté par des roulements de tambours, un piano bastringue, des pom-pom fanfarons de tuba, des gazouillis électroniques, des myriades de voix emmêlés, dont certaines flûtées et rieuses. Ronson est parfaitement à l’aise sur ce tempo, et sa voix se dédouble en des accents bowiesques frisant la parodie.
“Slaughter on 10th Avenue” est le nom d’un célèbre ballet de “On Your Toes”, une comédie musicale de Richard Rodgers et Lorenz Hart, datant de 1936. C’est le bouquet final, sirupeux, déclamatoire, triomphant: Ronson s’épand en des fusillades lentes et liquoreuses, Mike Garson, roucoule comme jamais, tandis qu’Ansley Dunbar imprime un tempo granitique et phénoménal.
* Je ne résiste pas au plaisir d’ajouter cet extrait de la chronique de Ben Gerson parue le 23 mai 1974 sur Rollling Stones: «“Love Me Tender” is a strange choice to begin a solo outing, but Ronson carries it off with great aplomb. It is a triumph of guitar playing and arrangement-- but lacking in personal expression. He manages, as Hendrix did with “The Star-Spangled Banner” to turn the ludicrous into the majestic.»

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http://en.wikipedia.org/wiki/Mick_Ronson>>> “PLAY DON’T WORRY” (1975)
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