STOOOOOOOP !
Je viens de lire le texte de Lester. J'adore ! Au lieu de chroniquer l'album comme ce qu'on lit partout, il l'intègre dans un chouette récit personnel, bien plus vivant. Alors je me demande si le mieux ne serait pas de lire le texte de Lester et de raconter nous-mêmes comment on a découvert ce disque, ou une courte anecdote à son sujet. Qu'en pensez-vous ?
Voici le texte de Lester :
The Velvet Underground (1967)
Ce soir là, j’étais invité à la petite fête qu’organisait Baloo.
Comme chaque année, tous ses potes bon chic - bon genre venaient déballer leurs nouvelles fringues, leur dernière trouvaille de 33, leur nouvelle manière de danser, leur dernier voyage, leur dernier bâton d’encens. Le genre de soirée qu’on souhaite éviter mais dont on ne part jamais car on y finit scotché ou bourré. Cependant, le carnet d’adresse de Baloo était, il faut bien le dire, rempli de numéros de téléphone de minettes toutes superbes et, entre nous, c’était bien la seule raison valable pour y aller. Mais ce soir je devais épater le monde, marquer mon passage, laisser une trace dans cette soirée où seuls, Nelito, Prudd, Phildefer seraient les vedettes. J’étais las de toutes ces frasques flower popienne, bandeau dans les cheveux, peace & love mes frères, fais tourner le shilom. Tout ce cirque me fatiguait je dois l’avouer, aussi, je me devais d’assurer.
En partant pour la fiesta, je m’arrêtai chez Boss Popo. Il tenait un kiosque dans la vieille ville et on y trouvait toujours de bons disques. L’année précédente, je m’étais pointé à la soirée avec un Mothers of Invention mais le disque ne resta guère que deux minutes sur le tourne-disques. Pas assez hype… Cette année, j’avais décidé de récidiver :
« Prends celui-ci » me dit Boss Popo, « C’est d’la bombe, et personne ne connaît. Tu vas faire un malheur ! »
Un malheur… S’il avait su…
La soirée était bien entamée, ce fut mon tour de placer une galette sur la Thorens fièrement prêtée par Zoot. A l’entame de « Sunday morning », seules deux ou trois minettes dansaient près des enceintes. Quelques types branchés mode et new âge semblaient intrigués par cette pochette et commencèrent à déconner en mimant les primates devant leur fruit préféré. Ou peut être, un fruit défendu.
Évidemment, je ne savais pas à l’époque que cette pochette était en fait un buvard de LSD géant et tout le monde voulait toucher cette couverture. Les trois minettes qui se dandinaient étaient à présent les seins nus décorés couleur fluo. La première face semblait être appréciée et les commentaires allaient bon train
« Un disque avant-gardiste ? »
« Oui, quelque chose comme çà, encore des tortures cérébrales. »… ou un cauchemar pour M. Toulemonde me chuchota Lobou.
Passer pour un barge ne me dérangeait pas, il fallait bien quelqu’un pour leur faire écouter au moins une fois dans leur vie un son nouveau, et après ça si quelques-uns d’entre eux ne montaient pas un groupe de rock je me promis de ne plus écouter « Radio Nain Dien » !
Ma petite nouveauté semblait faire l’unanimité. Seul Baloo avait l’air de me faire la tête. Son dealer avait du retard sûrement… Waiting for a man... Chouette, j’avais massacré l’ambiance. À présent tout le monde mâchouillait un bout de la pochette. Les gens criaient, devenaient hystériques. La tension monta encore d’un cran avec l’entame de la seconde face…
« C’est… de la musique çà ? » me lança Toto ? Pffff… comment expliquer à ce lourdaud que tout est dans le concept, que ce disque s’écoute au-delà des notes. Et alors ? Un livre se lit bien au-delà des mots non ? Et moi, j’aime bien cette idée de lancer dans le commerce un truc que tout le monde haïra sur le moment et adulera quand on parlera de lui comme un chef-d’œuvre du genre.
Je n’ai plus jamais été à la petite fête de Baloo… Étonnant. Vraiment…
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