Reçu au facteur ce matin, je suis super content :)
Kilimanjaro Darkjazz Ensemble, The - The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble (Denovali Records - DEN76) (2010)Il y a des gens pour qui un chef d'oeuvre ne peut décemment être livré dans un packaging ne lui rendant pas grâce. Les deux mélomanes et collectionneurs avertis présidant aux destinés du label Denovali en font assurément partie. Multipliant depuis six ans maintenant les sorties dans des styles musicaux relativement variés mais avec une exigence de qualité constante, tant du point de vue du contenu que du contenant, le label s'est forgé, en quelques années, une solide réputation de défricheur, de découvreur de talents multiples et originaires d'horizons géographiques divers. A chaque fois, le même soin apporté à chaque nouvelle sortie, peu importe qu'il s'agisse d'un nouvel album, d'une réédition, d'une version vinyle, voire collector... à l'image par exemple de ce que ces gens ont fait pour le premier The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble.
Sortie à l'origine, relativement confidentiellement en 2006, ce premier effort long-format et éponyme se voit réédité aujourd'hui dans deux très belles éditions CD cardboard arigato et vinyle 2x12'' chez la maison allemande. L'objet est magnifique certes, mais ce qu'il recèle ne le sera pas moins. Onze compositions oscillant entre darkjazz, electronica et musique électro-acoustique, jouant sur les effets de répétition avec "The nothing changes", la cinégénie sensuelle et enfiévrée de "Lobby" ou l'électro sauvage et turgescente de "Pear is for swine", TKDE semble être déjà maître de son art et cherche à en explorer les moindres recoins. Du swing minimaliste d'"Adaptation of the Koto Song" au jazz mouvant et organique de "Parallel corners", le collectif d'origine néerlandaise joue avec les codes des genres qu'il courtise, se les approprie et en repousse indéfiniment les limites. Notamment sur l'énigmatique "Rivers of Congo" aux tentations bruitistes assumées ou encore "Salomon's curse", lancinant et hypnotique.
Quoi qu'il fasse, The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble parvient à trouver le moyen de créer quelque chose de systématiquement différent, invariablement brillant, exploitant par là-même, les infinies potentialités de son concept et notamment de son line-up imposant (ils sont pour rappel depuis 2008 sept à composer le groupe). "Amygdhala" est ainsi un modèle d'ellipses narratives bercé par une electronica aussi étrange que tortueuse, labyrinthique et ténébreuse, "Guernican perspectives" jongle avec les esquisses mélodiques pour nous envelopper de quelques figures de style jazz, chaloupées et envoûtantes, avant que "Vegas" nous ramène brutalement à la réalité. Frontal, électronique, mutant, cet avant-dernier morceau nous renvoie à la facette la plus expérimentale de TKDE, une froideur clinique au service d'une virtuosité formelle et collective assez ahurissante. Quant à "March of the swine", final s'étendant sur quelques vingt minutes et deux petites secondes de musique, il apparaît comme la synthèse de l'album. Une symphonie jazz expérimentale électroacoustique et symbiotique dans laquelle le collectif jette ses derniers éclairs de génie. Bluffant... à tel point que l'on n'est pas loin du chef-d'oeuvre...
Earth - "Radio Live" 2007-2008 (Southern Lord - LORD 104) (2009)
Lento - Icon (Denovali Records, Denovali Records - DEN094, DEN 094) (2011)Avec son crossover hautement addictif de doom-metal et de postcore instrumental, Lento envoie littéralement du très lourd. 10 titres, même pas 38 minutes de musique et pourtant une claque monumentale assénée par un groupe complètement habité par son art. Et pourtant Icon démarre gentiment, pianissimo, par un "Then" éthéré et languissant qui semble toutefois se tendre sur la fin. On le subodorait déjà, lorsque les guitares prennent le pouvoir, les italiens montent en pression et livrent avec un "Hymn" une première salve de gros riffs lestés de plomb appuyée par une section rythmique éléphantesque. Les enceintes commencent alors à fumer, les murs vibrent, le voisinage subit. Joie.
On pousse sur la disto, la saturation électrique emplit l'atmosphère et "Limb" accomplit sentencieusement son oeuvre. Heavy, dense, implacable, les Lento auraient pu se contenter de poser les parpaings sur la platine, au lieu de cela, ils jouent la carte de la finesse, certes relative, en livrant insidieusement des titres plus subtils qu'il n'y paraît au premier abord. Voilà pour la "légèreté". Question lourdeur, "Hymen" vient assommer la concurrence à coups de riffing tellurique et de rythmiques infernales, une puissance de feu colossale, un brontosaure sous LSD lâché une cristallerie de luxe, Lento fait parler les décibels... Trois minutes et quelques cinquante-cinq d'équarrissage postcore/doom de l'enfer.
Quatre titres et Icon se pose déjà comme un album fondateur, sorte de croisement idéal entre les premiers albums de Cult of Luna, les travaux des cultissimes mais discrets Mare ou ceux des bûcherons d'Omega Massif, ses géniteurs se lançant dans une brutale fête du "Sleep" à coups de "Still" pénétrant ou de "Least" sauvage et addictif. Des variations dans les les tempi, des guitares qui concassent les tympans, seul "Throne" desserre son étreinte, le temps d'une minute trente d'apaisement panoramique, sinon les italiens mettent tout ce qu'ils ont dans les tripes pour expédier des torpilles sonores aux quatre coins du studio, notamment le morceau-titre de l'album, cet "Icon" dément et complètement jouissif pour qui adhère au propos du groupe. Jamais avare en surprise, alors que l'on s'attend à un énième tsunami sonore Lento nous sert sur un plateau un "Admission" aussi aérien que déstabilisant, conclusion pour le moins osée d'un album par ailleurs absolument dantesque.
[Source] Chronique de W-fenec