9H00 — Fond d’écran bleu, je ferme les yeux, “Think of me thinking of you”, une vieille romance de Leroy Carr, masque le vide de mes pensées, d’autres suivent: ça grésille, comme grésille mon écran, comme grésille mon cerveau: problèmes d’allumage...
10H00 — «Un des chagrins de la vieillesse (je ne veux pas dire qu’elle n’ait aussi ses charmes), c’est de sentir qu’en réalité on ne fait plus partie des générations présentes. On devient peu à peu un étranger parmi les hommes. Ceux-ci ne s’intéressent plus à ce qui vous a intéressé. Vous ne vous intéressez plus guère à ce qui les intéresse:
Ce que nous avons cru n’est plus leur vérité,
Ce que nous chérissions n’est plus leur volupté.»
Nizier du Puitspelu, “Les vieilleries lyonnaises”, 1891 (2ème éd.)
“L’ouche”, “le balai de bié”, “faire aigre”, “le tras”, “le Gourguillon” — ce vieux raidillon qui, de St Just, descend au bout du quartier de St Georges. La nostalgie de l’auteur me remorque vers les siècles passés et vers les souvenirs de “ma” ville, popote, tranquille, aujourd’hui “occupée”, “réinvestie” par de nouveaux riches, sillonnée par des légions de touristes béats et stupides, ses rues envahies de bazars bruyants et lugubres, de clinquants bistros, restos,
fast-foods, de boîtes de nuit et de
lounges arrogants et sinistres.

12H30 — Catherine Ribeiro, 1er album, 1969, trouvé sur ce site:
http://rebelrebelnow.blogspot.com/searc ... ne+ribeiroJe pensais ne pas aimer — j’imaginais ça franchouillard, et même disons-le ringard —, mais je suis touché par la folle ivresse des mélodies et la voix “énorme”, puissante, “démente”, superbement “anar” de la passionaria du rock français.
«Lumière écarlate, lumière écarlate
Lumière écarlate, lumière écarlate
Sa chemise fait une tache rouge dans le brouillard
C’est un petit matin comme plus jamais elle n’en verra
Seule, elle est seule
Plus jamais, non plus jamais
L’homme, l’homme
Ô les hommes!
Hérésie...»
Ecoute ensuite du second album de The Flock, “Dinosaur Swamps”:

Un album sanguin et pétaradant! Grand mélange de rock, de jazz, de pop —
plenty of pop — de musique contemporaine et classique — de country même. Une découverte! je ne connaissais ce groupe et cet album, pourtant renommés, que de nom.
http://rebelrebelnow.blogspot.com/search?q=flock14H45 — Lecture.
«Elle [...] passa un bras autour de ses épaules. Il lui sourit: “Mil neuf cent treize! Tu entends comme c’est étrange, cette date, mil neuf cent treize? Voilà qu’on y est. Je me souviens quand je pensais: d’ici mil neuf cent cinq, mil neuf cent dix. Puis mil neuf cent treize...” / Elle ressentit une tristesse poignante. Elle venait de songer à son âge. Elle se serra contre l’homme en murmurant: “Charbonnier, charbonnier”» — Louis Aragon, “Les beaux quartiers”, 1936, p. 283
Je ne sais pourquoi je m’embête à lire ce gros bouquin — dans un petit format poche qui plus est, et mal imprimé — dont l’histoire se passe à la veille de la première guerre mondiale et raconte les vicissitudes d’une foule de personnages. En tout cas le hasard est bien le maître de l’univers, car c’est par hasard, que je découvre cette “correspondance” avec jour de l’an et le défilé des dates de nos maupiteux calendriers.
18H30 — Catherine Ribeiro, The Flock: deuxième écoute — celle du premier album, “The Flock”, quant à The Flock.
«Je paierai pour que mûrisse la graine de mon amour
Et je monterai sur le toit d’un autobus
Et je me ferai tondre s’il le faut, je serai nue
Et la France entière saura et connaîtra la honte»
— “Les fées Carabosses”
Je préfère celui-là! Plus calme et plus charmeur, notamment avec l’“Introduction” — guitare-violon — acoustique et romantique, un rien tzigane, un rien capricieuse. Mais ce n’est pas le calme plat, ils s’y trouvent de sacrés remous: exemple le très soul et musculeux “Store Bought - Store Though” et le suivant, “Truth”, le dernier, le plus génial, le plus géant avec ses 15minutes quinze et son phénoménal solo de violon, sans compter son extravagant final, batailleur et free-jazz.
22H45 — Réécoute de “The Flock”: le pied!
0H00 — Quelques pétards au dehors, quelques éclats de voix dans l’immeuble. Ça va! ce n’est pas le charivari redouté. Je reprends la lecture des “Beaux quartiers”.