"enregistré au rythme frénétique de deux titres par jour"... Je pouffe.
Qu'on arrête de nous les briser avec Hallyday. Et qu'on fasse preuve d'un peu de lucidité.
"Le rock français, c'est comme le vin anglais" disait John Lennon, et au-delà de la formule, admirable pour sa concision lapidaire et sa vérité sans appel, c'est un point de vue qui me semble incroyablement pertinent. Certes rien n'interdit aux français de faire du rock, ils ne le font pas plus mal que les italiens ou les japonais, mais le rock et la France font deux, et ça depuis le début.
Au début, les Michel Legrand, les Moustache, les Henri Salvador, les Boris Vian, se gaussaient de ce sous-genre musical qu'en jazzmen rusés, ils ont raillé et tourné en dérision ("Pour adapter un rock d’Elvis Presley, autant ne pas se gêner et confier le boulot à un illettré, ça aura l’avantage de respecter l’esprit du modèle" disait Vian). "Les Beatles, ça n'est pas de la musique" disait quant à lui Mouloudji. Et c'est Hallyday qui a incarné le premier ou peu s'en faut, le rock & roll 100 % français, et ouvert les oreilles de milliers de jeunes. Néanmoins, s'il a été un réel passeur au début des années 60, il n'en reste pas moins dans la même position que Cliff Richard en Angleterre, c'est à dire que malgré son rôle d'initiateur, il s'est trouvé très rapidement dépassé et a perdu en même temps sa crédibilité. le fait qu'il enregistre avec x ou y et se fasse écrire des chansons par w ou z n'y change rien.
"Les Rocks Les Plus Terribles" ne sont qu'une caricature franchouillarde de ces standards intemporels qui aujourd'hui encore tiennent le coup (alors qu'effectivement les covers de Smet font depuis longtemps hurler de rire les potes anglais). Sûr que par contre, derrière, ça joue, mais quel intérêt ? Même chose pour l'album de 69 ("Rivière Ouvre Ton Lit") où Smet se fait accompagner par de fins requins, dans l'aréopage prestigieux des Small Faces / Humble Pie / Spooky Tooth. C'est super quand ça commence, et dès que ça chante, c'est douloureux.
J'ai refait le test il y a quelques jours avec ce disque, que j'avais écouté avec assez d'intérêt il y a une douzaine d'années, avant de renoncer. Essayez d'écouter "Voyage au Pays des Vivants", jusqu'à ce que ça chante, c'est super. Et dès que l'autre relou se met à beugler un texte psychédélique de prisunic, c'est la tasse. Imaginez Hallyday chantant "Les bras du soleil aux ongles de diamant ont capturé mon esprit", c'est à mourir de rire, alors qu'en anglais dans la bouche d'un Hendrix, ça passerait sans problème. A la fin du disque, dans le morceau "Je Suis Né Dans La Rue", sur une intro là encore réussie sur le plan instrumental, on entend le Jauni dire "Yeaaaaah... Hmmmmm... Underground !... Yeaaah, wild thing". Et c'est sur ces dix secondes que tient tout entier le problème : l'homme n'est pas crédible, même sur un matériau de qualité, qu'il gâche sans vergogne (et j'en suis persuadé, sans en avoir le moins du monde conscience).
Désolé, Hallyday n'est pas un artiste de rock, c'est un chanteur de variété qui s'est essayé au rock, avec ses moyens - des qualités vocales moyennes sauvées par une conviction et une sincérité certes honnêtes - mais avec la crédibilité d'un chanteur de bal (attention j'ai le plus grand respect pour les chanteurs de bals, et pour les bals en général, surtout les groupes des 60-70s qui enfonçaient les portes des chaumières à grands coups de Deep Purple). De même que je tiens Manoeuvre pour un journaliste certes doué mais à l'intégrité douteuse, j'en veux pour seules preuves ses assauts d'adoration saugrenue pour Jauni et sa participation à des télé-crochets merdiques. Et ces télé-crochets sont l'illustration du même phénomène : ça ressemble à du rock, ça en a la couleur, ça en a l'étiquette, mais c'est de la variétoche à la télé. C'est juste pas crédible.
D'autant que le rocker en peau de lapin dont il est question adopte des positions douteuses, en vivant des recettes générées par les ventes de disques, produits dérivés et places de concerts (au passage vendues à des prix scandaleux), achetées par un public massif à la raie duquel il urine sans honte en appelant à voter pour des programmes politiques qui détroussent, exploitent et appauvrissent (économiquement, socialement, culturellement) ce même public (que l'on pourrait sans difficulté rapprocher, pour peu que l'on établisse son profil socio-économique en s'appuyant sur quelques chiffres, de cette image du crocodile qui se présente de lui-même dans une maroquinerie). Pour moi, Hallyday, c'est l'ami des nantis, c'est l'exilé fiscal aux manoeuvres pitoyables (franco-suisse-belgo-monégasque), qui fête la victoire de Sinolas Konardzy au Fouquet's et qui se gave au passage avec la pub pour ses lunettes à la con (et que je boycotte ça va sans dire).
Ce qui me fait le plus gerber, c'est la malhonnêteté de Manoeuvre vis-à-vis du cas McCartney, eu égard d'abord à ce qu'il représente en soi, et surtout eu égard à ce qu'il représente vis-à-vis de Hallyday. Un véritable créateur, face à un copieur servile et sans talent.
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