Je me joins à votre discussion, merci à PLSH d'avoir ouvert ce sujet.
J'ai été particulièrement tracassé par cette question, parce que c'était susceptible d'ébranler la confiance aveugle que j'avais depuis toujours envers le Pink Floyd, qui constitue un peu le B-A BA de ma culture musicale et artistique. J'ai toujours pensé que ces mecs étaient de purs génies, en ayant réussi à développer une expression musicale qui faisait la mesure idéale entre avant-garde et musique populaire, en créant des oeuvres pertinentes sur la durée à partir de thèmes universels et de vocabulaires musicaux accessibles, avec en plus une capacité ahurissante à s'affranchir de ses limites d'instrumentistes pour aboutir à une formule musicale et sonore riche et reconnaissable entre mille.
C'est la raison pour laquelle j'ai flippé en entendant les extraits de ce disque qui, s'il date effectivement de 1972, met en évidence et de façon indiscutable un plagiat réel et répété, sur quelques-uns des plus grands thèmes du Floyd. Avec les scénarios qu'on imagine, effectivement, le Floyd entend ce disque, pompe quelques trucs dessus, puis achète le silence de Ferrara pour avoir la paix. Et - ce qui semble invraisemblable tellement c'est gros - se sert sur le disque pendant trois ans, jusqu'à "Wish You Were Here".
De mon côté j'ai relevé ces quelques éléments qui fâchent : 1. 0'02" Synthé, effet à la "Echoes" 0'23" Basse, pattern rythmique rappelant "One of These Days" Grille d'accords similaire 3'22" Nouvelle similitude avec "One Of These Days" dans la partie rythmique, le synthé joue un motif similaire à une portion de la partie de guitare slide de Gilmour 5'10" Le morceau s'évanouit de la même façon que "OOTD" 2. Accords, ambiance et sonorités proches de "Celestial Voices" (dernière section de "A Saucerful Of Secrets") 3. 1'30" Grille, parties vocales, chorus de guitare identiques à "Time" 4. 1'11" Grille similaire au schéma (2 accords) de "Breathe" 5. 1'02" Grille d'accords, riff guitare et ligne de basse similaires à la deuxième partie d'"Echoes" 6. Nappe d'orgue façon "drone", accord G min, motif de synthétiseur identiques à la première section de "Shine On You Crazy Diamond" 8. Quelques effets similaires à l'intro d'"Echoes" 9. Tonalité (A) et ambiance similaires à "Obscured By Clouds" 10. Grille d'accords similaire à "Echoes", effets synthétiseurs, nappes de claviers 1'10" Riff de guitare, grille, ligne de piano 11. Riff de guitare et grille similaires à "Shine On You Crazy Diamond" 13. Pattern rythmique joué au charleston, synthétiseurs et ambiance similaires à "On The Run" 14. Grille d'accords, partie de guitare acoustique et vocaux similaires à "Welcome To The Machine"
Je m'arrête là, d'ailleurs je crois que les exemples s'arrêtent là. Désolé pour le manque de précision dans le relevé des exemples, mais je pense que ça donne une idée.
Je suis bien en peine d'avoir un avis d'expert sur la question des sons de synthé qui permettraient de dater le disque. Les italiens à cette époque étaient assez à la pointe des innovations technologiques dans ce domaine, et les studios regorgeaient de claviers en tous genres, orgues, mellotron, synthétiseurs, string-ensemble, etc...
Eu égard au nombre colossal de coincidences et de similarités, je dirais que si ce disque a bien été publié dans les seventies, c'est vraisemblablement après 1975. Et dans cette hypothèse, je n'y vois qu'un banal disque d'illustration sonore, enregistré avec une prod cheapos et des musiciens de baloche, sous l'influence particulièrement prononcée du Floyd. La diffusion confidentielle d'un tel album et le peu de répercussions d'une publication de ce type expliqueraient peut-être que le disque n'ait pas plus ému que ça à l'époque.
Ou alors autre cas de figure, pour lequel je penche plus volontiers, c'est un gag gigantesque, typique de l'ère internet et illustration extrême du phénomène des blogs sur lesquels on exhume des albums ultra-obscurs, rarissimes et confidentiels au possible. Le prog italien a fait l'objet d'enquêtes très poussées depuis les années 1990, du fait de son regain de popularité au Japon et aux States, donc j'ai du mal à croire que ce disque ne réapparaisse que maintenant. La pochette, les polices de caractère laissent croire à un travail graphique réalisé sur ordi, le fait que le webmaster d'Italian Prog (excellent site que je vous recommande chaudement au passage) ne l'ait jamais possédé ni même vu, et ne connaisse le disque que via un CD-R m'incite à la plus grande méfiance...
Néanmoins, ce genre de débat n'est pas nouveau, parce que le thème du plagiat dans le rock a déjà posé la question de l'honnêteté et de la crédibilité d'auteurs pourtant reconnus. On connait bien les cas de Jimmy Page, qui s'attribuait des vieux blues de Willie Dixon ou Sonny Boy Williamson, et repompait allégrément Randy California et Spirit, ou pillait sans la moindre vergogne ses anciens collègues des Yardbirds ("Knowing That I'm Losing You"/"Tangerine"). On connait aussi le cas de Deep Purple, avec "Child In Time" (piqué sur "Bombay Calling" de It's A Beautiful Day) ou "Black Night" (plagiat du riff de "Summertime" par Ricky Nelson), entre autres... Il y a aussi cette histoire de "Tubular Bells", dont Mike Oldfield aurait emprunté le thème d'introduction au "Là Dawotsin" de Magma, que Christian Vander ébauchait pendant les séances de "Mekanik Destruktiw Kommandoh" au studio Manor, que fréquentait Oldfield à la même époque (Vander se souvient d'avoir vu Oldfield l'écouter jouer ce thème au piano); la ressemblance est vraiment troublante...
Mais l'exemple qui m'a le plus perforé le fondement est celui de "Dies Irae" des Visitors, un monument de prog heavy produit par Jean-Pierre Massierra et qui ne se révèle être qu'un plagiat-déclaque éhonté d'un autre titre lui aussi nommé "Dies Irae", mais enregistré lui par Formula Tre et paru quatre ans plus tôt en Italie... C'est à hurler, la preuve par l'exemple :
"Dies Irae" par les Visitors (1974)
"Dies Irae" par Formula Tre (1970)
Donc ça prouve qu'à cette époque on pouvait quand même tranquillement repomper un truc jusqu'à la moelle sans flipper plus que ça pour de mesquines questions de droits d'auteurs... Gainsbourg s'en était fait une spécialité et loin de s'en cacher, le revendiquait même en se marrant...
|