Pour moi la mèche s'est allumée avec les Beatles. Mon premier souvenir musical est vraisemblablement "Abbey Road", écouté en K7 dans la voiture avec mon père. Je devais avoir trois ou quatre ans. Vers cinq, six ans, je me suis trouvé devant la télé qui passait une VHS que mon père avait enregistrée, une diffusion du dessin animé "Yellow Submarine", ça m'a sérieusement secoué, les couleurs, les chansons, le style. Puis quelque temps plus tard, il a enregistré la diffusion du concert du Shea Stadium. Et je suis tombé stupéfait, en véritable adoration devant ces quatre types, beaux, bien habillés, avec de superbes guitares, qui jouaient une musique exaltante qui faisait hurler les jeunes filles... Dès lors je me suis mis à ne plus penser qu'à ça, et à ne plus parler que de ça. Mes dessins d'enfants ont subitement et totalement délaissé les bateaux et les voitures pour des reproductions maladroites des quatre sur scène. Je me fabriquais des guitares découpées dans du carton. Je découpais toute photo ou article qui avait trait aux Beatles, dans le Télé 7 Jours des parents. Je saoulais même mes institutrices avec ça. Il n'y a qu'à parcourir mes cahiers de CP...

La découverte des Beatles a totalement conditionné mon rapport au monde extérieur. Quand je rencontrais un adulte, je lui demandais s'il ou elle les connaissait, s'il ou elle les appréciait, s'il ou elle possédait des disques d'eux, combien, en cassette, en "petit disque" ou en "grand disque"... J'avais commencé à explorer la discothèque paternelle, et j'étais fasciné par les EP, "She Loves You", "I Want To Hold Your Hand", "All My Loving", "Help", "I Feel Fine", "Ticket To Ride", "Paperback Writer", etc... Je passais des heures à rêver devant leurs pochettes, à en éplucher les notes et crédits.




Comme ça tournait à la razzia, pour avoir la paix, mon père me les avait copiés sur K7, et j'écoutais ça en boucle. C'est comme ça que j'ai commencé ma quête. Si quelqu'un possédait un disque que je ne connaissais pas, je m'arrangeais pour le faire prêter à mon père, qui le copiait sur K7. Et après avoir collecté le plus d'informations possibles, je me suis lancé dans une "histoire des Beatles en dessins", forcément incomplète et bancale...
Ce qui est drôle, c'est que vingt-cinq ans plus tard, après avoir lu
ad nauseam sur le sujet et traqué les enregistrements pirates, ma quête s'est arrêtée un peu abruptement à Noël dernier, quand mes parents m'ont offert l'intégrale remastérisée. Je n'avais pas complété ma collection de CD des Beatles, quand j'en trouvais un d'occase, à pas trop cher, je le prenais, mais je me voyais bien continuer ainsi jusqu'à mes vieux jours, ça me convenait bien ce type de projet à long terme. Et là, le fait d'avoir entre les mains le somptueux coffret, les rééditions luxueuses, la totalité de l'oeuvre ainsi rassemblée avec un son nickel chrome, ça m'a fait presque flipper. Et du coup je suis retourné aux petits EP du bon vieux temps...