Pareil. Trois meustes !
Live Rust : Miam !
Vous avez dit classique ?

Pareil. Trois meustes !
CHRONIQUE DE PHILIPPE PARINGAUX MAGAZINE ROCK&FOLK JUIN 1970 N°41 Page 79......C'était en 1970 aussi et Steppenwolf, l'unique steppenwolf, était à son apogée. Après une série de brillants albums qui marquèrent la fin des sixties, après surtout ce "Born to be wild" repris dans
"Easy Rider" qui devint l'hymne de l'émancipation rock'n'rollienne américaine. Steppenwolf sortit cette
année-là le premier monument live à la gloire du démon Hard Rock : le célèbre et légendaire double-album
"Steppenwolf Live", un album que tous les amateurs de hard-rock se doivent de posséder. "Steppenwolf Live", c'est un venin brûlant injecté dans les artères trop engraissées de l'Amérique bien pensante, ce sont des attaques répétées contre les tares d'un système qui n'est plus qu'un "Monster". John Kay, le prussien errant, le meneur des loups , accuse, de sa voix grave et chaude de bluesman exaspéré, il accuse l'armée, il accuse les trafiquants de drogue (le fameux "The Pusher"), il se dresse pour préserver le pays de la gangrène et de la pollution, et conclut par son "Born to be wild". Le hard le plus pur porte ses cris, mais un hard bien plus souple et plus coulé que celui des anglais. Avec Steppenwolf, les Américians ont eux aussi franchi le pas qui séparait blues et hard rock, mais tous en conservant leur naturel. Avec Steppenwolf, il y a mise en oeuvre d'une agressivité alors qu'il n'y a qu'outrance et excès chez un groupe comme Purple. La dernière face de "Steppenwolf Live", avec ses montées de la guitare vitriolesque de Larry Byron, avec ces engorgements d'orgue, avec ces exhortations de Kay, un des plus grands chanteur qui fut, avec surtout son rythme irrépressible, cette pression continue qui ne vous laisse jamais reprendre votre souffle, restera, comme un des plus grands instants du Hard Américain. Steppenwolf fut le groupe essentiel qui déclencha le mécanisme hard aux USA.
Ce double-album pourrait être un « best-of ». Steppenwolf a derrière lui une chaîne de succès assez impressionnante pour justifier la réalisation d’un tel disque, John Kay et ses hommes ont eu une bien meilleure et bien plus originale idée (et, finalement, bien plus efficace puisque ce disque figure parmi les toutes premières ventes d’albums aux USA) ; enregistrer tous leurs concerts du début de l ‘année et en extraire la matière de ce disque en fonction de la qualité des morceaux. C’est ainsi que l’on trouve dans ce disque bien des morceaux qui ne firent jamais l’objet d’un « tube ». Mais l’important est ailleurs ; dans le fait que « Steppenwolf Live » est un disque de grande dimension, à coup sûr mille fois supérieur à ce qu’eût été une compilation de morceaux enregistrés en studio et déjà édités sur les albums précédents du groupe. Il plaira ainsi aux habituels acheteurs des « best of » comme à ceux qui possèdent déjà l’intégrale de Steppenwolf. Les derniers pourront juger des progrès qui ne cesse d’accomplir ce groupe, à la fois sur le strict plan musical et sur celui de la prise de conscience politique.
Tous les morceaux de ce double-album, sans une seule exception, sont supérieurs à ce qu’ils étaient dans leur version première. L’enregistrement public (techniquement remarquable) leur donne, déjà, une dimension autre ; la technique et la cohésion des musiciens, ensuite, n’ont fait que progresser, et le nouveau guitariste, Larry Byron, fait largement l’affaire ; le son du groupe, encore, qui est déjà exceptionnel en studio, prend dans les immenses salles de concert américaines une ampleur assez inouïe
(au sens propre du terme, pour une fois) ; la voix de John Kay, enfin, est égale de celles des grands chanteurs de groupes (Jagger, Morrison, Burdon). C’est un réel plaisir que de ne pas avoir à dire d’un album « live » que, boff, l’ambiance qui s’en dégage fait oublier bien des approximations musicales.
Steppenwolf ne joue pas live moins bien que dans un studio. Il ne joue pas non plus de la même façon. Il joue mieux. Parce que sa musique est vivante, puissante, ravageuse, et que les cris et les gens qui dansent lui rendent beaucoup de l’excitation qu’elle fournit. De ce point de vue musical, le disque est une complète réussite, et l’on serait bien en peine d’en extraire tel ou tel titre. Remarquons simplement que celui qui a fait le plus de progrès depuis le jour où le groupe l’enregistra pour la première fois est « Corrina », là-bas médiocre, ici superbe. Noyons aussi que deux titres sont nouveaux, « Hey Lawdy Mama », assez polisson et « Twisted », tous deux sur le nouveau simple du groupe, tous deux remarquables, bien dans l’esprit musical de Steppenwolf avec leur tempo épais et pas trop rapide, l’entrelacs des deux guitares et le grondement de l’orgue, dans la même tonalité que la voix de Kay.
Autre aspect important de Steppenwolf, et souvent ignoré (le groupe est encore considéré par beaucoup de journalistes américains comme une formation pour teenyboppers ! La rançon de la gloire) : son engagement. Social dans des chansons comme « Born To Be Wild » (refus de la société), « The Pusher » (oui à l’herbe et aux pilules, non à l’héroïne), «Don’t Step On The Grass Sam » (ne marche pas sur l’herbe, Oncle Sam) ; directement politique dans « Monster », « Draft Resister » et « Power Play ». Le monstre est l’Amérique, il faut encourager les réfractaires au service militaire (« Draft Resisters ») qui refusent de jouer le jeu de la puissance (« Power Play ») des fous de Washington. On imagine ce qu’auraient valu à leurs auteurs des textes aussi féroces en France, pendant la guerre d’Indochine ou celle d’Algérie, ce que leur vaudraient aujourd’hui des chansons similaires sur le Tchad. Que des vérités aussi terribles pour ceux qui gouvernent l’Amérique, et aussi dangereuses pour eux, puissent être vendues à des millions d’exemplaires et passer sur toutes les chaînes de radio montre bien que de ce côté-là, le dernier sans doute, l’Amérique est encore le pays de la liberté. Ici, on se demande si Johnny Hallyday ne va pas choquer les bonnes consciences avec des chansons infantiles sur Jésus….
Il est vrai que les délires de Morrison étaient souvent interminables. Impros, incantations, cris, élucubrations... Même le groupe devait en avoir ras le bol parfois de maintenir le rythme jusqu'à ce qu'il consente à reprendre le fil des morceaux.