Mots Au Vent...
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René Char - Congé au vent
A flancs de coteau du village bivouaquent des champs fournis de mimosas. A l'époque de la cueillette, il arrive que, loin de leur endroit, on fasse la rencontre extrêmement odorante d'une fille dont les bras se sont occupés durant la journée aux fragiles branches. Pareille à une lampe dont l'auréole de clarté serait de parfum, elle s'en va, le dos tourné au soleil couchant.
Il serait sacrilège de lui adresser la parole.
L'espadrille foulant l'herbe, cédez-lui le pas du chemin. Peut-être aurez-vous la chance de distinguer sur ses lèvres la chimère de l'humidité de la Nuit?
A flancs de coteau du village bivouaquent des champs fournis de mimosas. A l'époque de la cueillette, il arrive que, loin de leur endroit, on fasse la rencontre extrêmement odorante d'une fille dont les bras se sont occupés durant la journée aux fragiles branches. Pareille à une lampe dont l'auréole de clarté serait de parfum, elle s'en va, le dos tourné au soleil couchant.
Il serait sacrilège de lui adresser la parole.
L'espadrille foulant l'herbe, cédez-lui le pas du chemin. Peut-être aurez-vous la chance de distinguer sur ses lèvres la chimère de l'humidité de la Nuit?
We will dance again...
Re: Mots Au Vent...
Pierre Michon - La Grande Beune
« La reine était au bas du pré, haut talonnée comme une grue, nue sous son falbala comme un poisson qu'on écaille. Ses reins bougeaient. Je pensai à ce qui les avait bougés tout à l'heure davantage. Je pensai à son enjouement, à sa cruelle élégance ; à l'orgueil d'être belle; à la honte qui froissait sa voix haut perchée ; à ce qu'était son cri ».
« La reine était au bas du pré, haut talonnée comme une grue, nue sous son falbala comme un poisson qu'on écaille. Ses reins bougeaient. Je pensai à ce qui les avait bougés tout à l'heure davantage. Je pensai à son enjouement, à sa cruelle élégance ; à l'orgueil d'être belle; à la honte qui froissait sa voix haut perchée ; à ce qu'était son cri ».
It’s too late to be hateful 

Re: Mots Au Vent...
Béatrice Bonhomme - Poumon d’oiseau éphémère (extrait - Où l'on parle de mon avatar)
"Comment remercier
pour ce si petit fil d’espoir
et de salive
de respiration fine
que semble parfois confier l’air
aux poumons de silence ?
Il dit si je réchappe…
mais la mousse rattrape l’élan bleu
à vouloir vivre sans cesse, sans fin
et à se résigner
dans la pourriture verdie
des poumons d’oiseaux autrefois
jadis et d’espace
dans tes poumons d’oiseau éphémère"
"Comment remercier
pour ce si petit fil d’espoir
et de salive
de respiration fine
que semble parfois confier l’air
aux poumons de silence ?
Il dit si je réchappe…
mais la mousse rattrape l’élan bleu
à vouloir vivre sans cesse, sans fin
et à se résigner
dans la pourriture verdie
des poumons d’oiseaux autrefois
jadis et d’espace
dans tes poumons d’oiseau éphémère"
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- whereisbrian
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Re: Mots Au Vent...
Je vivais dans un monde normal, ordinaire, stable, mais quand on présentait devant ce monde un genre particulier de miroir, l'image n'était plus normale, ni stable, ni ordinaire.
Howard Fast
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Re: Mots Au Vent...
Sabine Leperlier Allioux - Heliotrope
"Allons-nous asseoir et rêver un peu, propose la jeune-femme. Vers quelle contrée mystérieuse, m’emmènes-tu?
- Ferme les yeux. Écoute. Entre la mer Noire et la mer Marmara…C’est l’heure où le Bosphore… Viennent les longues caravanes… Rouge, les vents du désert, sur sa corne d’alezane éparpillent les parfums de l’enfer. Peut-être, qui peut le dire, les hommes ont soif simplement. Des montagnes de lait coulent, dans leur rêve et au couchant, voici la mer bleue, Istanbul. Les éthers pâment les ivraies de roses. Près des souks au grain bleu, les femmes spolient les murs, de la cité, déjà le feu, de la nuit monte l’aventure. Corsaires ivres du monastère des voiles, équarris au port, rouge felouque, le flot vapeur tisse et tremblent les oranges métissées du souk, déjà sirop d’orgeat ce me semble. L’orbe agrandit sa fatigue. Couché soleil rouge à minuit, dans l’huile sulfatée que sont les eaux, on entend le battement des rames qui essuie la liquidité bleue des oiseaux effleurant de l’aile la nuit. Seul sur les pontons de marbre, dans la secrète nuit mineure, sa corne d’or retroussée, le Bosphore, je vois, s’accoupler la mer Noire avec sa sœur Marmara.
Et toi, où m’emmènes-tu ?"
"Allons-nous asseoir et rêver un peu, propose la jeune-femme. Vers quelle contrée mystérieuse, m’emmènes-tu?
- Ferme les yeux. Écoute. Entre la mer Noire et la mer Marmara…C’est l’heure où le Bosphore… Viennent les longues caravanes… Rouge, les vents du désert, sur sa corne d’alezane éparpillent les parfums de l’enfer. Peut-être, qui peut le dire, les hommes ont soif simplement. Des montagnes de lait coulent, dans leur rêve et au couchant, voici la mer bleue, Istanbul. Les éthers pâment les ivraies de roses. Près des souks au grain bleu, les femmes spolient les murs, de la cité, déjà le feu, de la nuit monte l’aventure. Corsaires ivres du monastère des voiles, équarris au port, rouge felouque, le flot vapeur tisse et tremblent les oranges métissées du souk, déjà sirop d’orgeat ce me semble. L’orbe agrandit sa fatigue. Couché soleil rouge à minuit, dans l’huile sulfatée que sont les eaux, on entend le battement des rames qui essuie la liquidité bleue des oiseaux effleurant de l’aile la nuit. Seul sur les pontons de marbre, dans la secrète nuit mineure, sa corne d’or retroussée, le Bosphore, je vois, s’accoupler la mer Noire avec sa sœur Marmara.
Et toi, où m’emmènes-tu ?"
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Re: Mots Au Vent...
Et maintenant,
vous tous, les êtres,
j'ai à vous dire que vous m'avez toujours fait caguer.
Et allez vous faire
engruper
la moumoute
de la parpougnête,
morpions de l'éternité.
Antonin Artaud
vous tous, les êtres,
j'ai à vous dire que vous m'avez toujours fait caguer.
Et allez vous faire
engruper
la moumoute
de la parpougnête,
morpions de l'éternité.
Antonin Artaud
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Re: Mots Au Vent...
Un poème d’Armand Robin. Écrivain totalement rebelle, né en 1912 et mort en 1961. Il était un amoureux des mots du monde entier, traduisant des poètes d’une vingtaine de pays différents, mais essentiellement russes, une nation dont il a adopté le drapeau à la suite d’un voyage en 1933. Il revint de ce voyage totalement anticommuniste et hagard, marqué par le souvenir du massacre des prolétaires par les bourgeois bolcheviques. « Par sympathie pour ces millions et millions de victimes, la langue russe devint ma langue natale », dira-t-il à son retour.
En 1941, sa capacité à comprendre et parler une dizaine de langues le conduit à travailler pour le régime de Vichy, où il est chargé d’écouter des émissions radio étrangères et d’en faire des rapports au gouvernement. On sait aujourd’hui qu’à partir de 1942, il transmit un double de chaque rapport à la Résistance. Des journalistes et écrivains résistants en témoigneront après la Libération (Gilles Martinet, Henry Paul Eydoux, etc.).
La Gestapo commence à se méfier de lui dès 1942 et le place sous surveillance. Acculé, il démissionne et continue de travailler pour son propre compte jusqu’à la fin de la guerre. Après l’armistice, il sera placé sur la liste noire des collaborationnistes, malgré le soutien de nombreux résistants. On apprendra plus tard que le comité ayant décidé de sa mise au ban était essentiellement composé de communistes, qui faisaient ainsi payer à Robin son anticommunisme forcené.
Offusqué d’avoir été traité ainsi, il demandera à être placé sur toutes les listes noires de la planète, insistant sur le fait que d’être absent de l’une seule d'entre elles constituerait pour lui un affront irréparable!
Durant toutes ces années, il composa de nombreux poèmes personnels ainsi que des traductions qu’il incorpora dans son œuvre. Ce mélange, dans un même recueil, de poèmes personnels et de traductions (elles aussi très personnelles), donna naissance à un travail très original, édité dans deux recueils : Ma vie sans moi et Poèmes indésirables, parus en 1945.
Ce fut là le dernier ouvrage poétique de l’artiste. Il continua d’écrire mais refusa ensuite de faire éditer aucun manuscrit. Il consacra alors le reste de sa vie à décrypter, dans les discours officiels, les éléments de propagande, ainsi qu’à traduire des poètes étrangers. Son travail sur la "novlangue" et les discours propagandistes est devenu célèbre, car ses analyses lui permirent d’annoncer certains événements politiques plusieurs années avant qu’ils n’arrivent, démontrant ainsi l’usage du temps long par tous les régimes politiques.
Ce combat le conduira à rejeter toute forme de régime politique et à s’inscrire dans la Fédération anarchiste, au sein de laquelle il rencontrera de nombreux artistes comme Georges Brassens, qui dira de lui après sa mort :
« Il avait pris l’habitude de téléphoner tous les soirs au commissariat de son quartier. Il demandait le commissaire, déclinait son identité, donnait son adresse et disait : “Monsieur, j’ai l’honneur de vous dire que vous êtes un con.” »
Il est mort dans des conditions très mystérieuses, le lendemain d’une garde à vue durant laquelle il aurait été passé à tabac, le 29 mars 1961. Il n’avait pas 50 ans.
On découvrira dans ses archives — qui faillirent être brûlées — trois valises de manuscrits qui donnèrent naissance à un recueil de poèmes inédits, édité en 1968.
Armand Robin était un poète totalement libre, toujours en rébellion contre toutes les formes de pouvoir et d’endoctrinement.
Ces lignes éclaireront peut-être le poème ci-dessous, que je lis comme une critique de la pensée des Lumières et des dérives potentielles que l’esprit critique (héritage du Siècle des Lumières et graine de la Révolution) contient en lui.
LE PROGRAMME EN QUELQUES SIÈCLES
On supprimera la Foi
Au nom de la Lumière,
Puis on supprimera la lumière.
On supprimera l'Âme
Au nom de la Raison,
Puis on supprimera la raison.
On supprimera la Charité
Au nom de la Justice
Puis on supprimera la justice.
On supprimera lˆAmour
Au nom de la Fraternité,
Puis on supprimera la fraternité.
On supprimera lˆEsprit de Vérité
Au nom de lˆEsprit critique,
Puis on supprimera lˆesprit critique.
On supprimera le Sens du Mot
Au nom du sens des mots,
Puis on supprimera le sens des mots
On supprimera le Sublime
Au nom de l'Art,
Puis on supprimera l'art.
On supprimera les Écrits
Au nom des Commentaires,
Puis on supprimera les commentaires.
On supprimera le Saint
Au nom du Génie,
Puis on supprimera le génie.
On supprimera le Prophète
Au nom du poète,
Puis on supprimera le poète.
On supprimera les Hommes du Feu
Au nom des Eclairés
Puis on supprimera les éclairés.
On supprimera lˆEsprit,
Au nom de la Matière,
Puis on supprimera la matière.
AU NOM DE RIEN ON SUPPRIMERA L'HOMME ;
ON SUPPRIMERA LE NOM DE L'HOMME ;
IL N'Y AURA PLUS DE NOM ;
NOUS Y SOMMES.
En 1941, sa capacité à comprendre et parler une dizaine de langues le conduit à travailler pour le régime de Vichy, où il est chargé d’écouter des émissions radio étrangères et d’en faire des rapports au gouvernement. On sait aujourd’hui qu’à partir de 1942, il transmit un double de chaque rapport à la Résistance. Des journalistes et écrivains résistants en témoigneront après la Libération (Gilles Martinet, Henry Paul Eydoux, etc.).
La Gestapo commence à se méfier de lui dès 1942 et le place sous surveillance. Acculé, il démissionne et continue de travailler pour son propre compte jusqu’à la fin de la guerre. Après l’armistice, il sera placé sur la liste noire des collaborationnistes, malgré le soutien de nombreux résistants. On apprendra plus tard que le comité ayant décidé de sa mise au ban était essentiellement composé de communistes, qui faisaient ainsi payer à Robin son anticommunisme forcené.
Offusqué d’avoir été traité ainsi, il demandera à être placé sur toutes les listes noires de la planète, insistant sur le fait que d’être absent de l’une seule d'entre elles constituerait pour lui un affront irréparable!
Durant toutes ces années, il composa de nombreux poèmes personnels ainsi que des traductions qu’il incorpora dans son œuvre. Ce mélange, dans un même recueil, de poèmes personnels et de traductions (elles aussi très personnelles), donna naissance à un travail très original, édité dans deux recueils : Ma vie sans moi et Poèmes indésirables, parus en 1945.
Ce fut là le dernier ouvrage poétique de l’artiste. Il continua d’écrire mais refusa ensuite de faire éditer aucun manuscrit. Il consacra alors le reste de sa vie à décrypter, dans les discours officiels, les éléments de propagande, ainsi qu’à traduire des poètes étrangers. Son travail sur la "novlangue" et les discours propagandistes est devenu célèbre, car ses analyses lui permirent d’annoncer certains événements politiques plusieurs années avant qu’ils n’arrivent, démontrant ainsi l’usage du temps long par tous les régimes politiques.
Ce combat le conduira à rejeter toute forme de régime politique et à s’inscrire dans la Fédération anarchiste, au sein de laquelle il rencontrera de nombreux artistes comme Georges Brassens, qui dira de lui après sa mort :
« Il avait pris l’habitude de téléphoner tous les soirs au commissariat de son quartier. Il demandait le commissaire, déclinait son identité, donnait son adresse et disait : “Monsieur, j’ai l’honneur de vous dire que vous êtes un con.” »
Il est mort dans des conditions très mystérieuses, le lendemain d’une garde à vue durant laquelle il aurait été passé à tabac, le 29 mars 1961. Il n’avait pas 50 ans.
On découvrira dans ses archives — qui faillirent être brûlées — trois valises de manuscrits qui donnèrent naissance à un recueil de poèmes inédits, édité en 1968.
Armand Robin était un poète totalement libre, toujours en rébellion contre toutes les formes de pouvoir et d’endoctrinement.
Ces lignes éclaireront peut-être le poème ci-dessous, que je lis comme une critique de la pensée des Lumières et des dérives potentielles que l’esprit critique (héritage du Siècle des Lumières et graine de la Révolution) contient en lui.
LE PROGRAMME EN QUELQUES SIÈCLES
On supprimera la Foi
Au nom de la Lumière,
Puis on supprimera la lumière.
On supprimera l'Âme
Au nom de la Raison,
Puis on supprimera la raison.
On supprimera la Charité
Au nom de la Justice
Puis on supprimera la justice.
On supprimera lˆAmour
Au nom de la Fraternité,
Puis on supprimera la fraternité.
On supprimera lˆEsprit de Vérité
Au nom de lˆEsprit critique,
Puis on supprimera lˆesprit critique.
On supprimera le Sens du Mot
Au nom du sens des mots,
Puis on supprimera le sens des mots
On supprimera le Sublime
Au nom de l'Art,
Puis on supprimera l'art.
On supprimera les Écrits
Au nom des Commentaires,
Puis on supprimera les commentaires.
On supprimera le Saint
Au nom du Génie,
Puis on supprimera le génie.
On supprimera le Prophète
Au nom du poète,
Puis on supprimera le poète.
On supprimera les Hommes du Feu
Au nom des Eclairés
Puis on supprimera les éclairés.
On supprimera lˆEsprit,
Au nom de la Matière,
Puis on supprimera la matière.
AU NOM DE RIEN ON SUPPRIMERA L'HOMME ;
ON SUPPRIMERA LE NOM DE L'HOMME ;
IL N'Y AURA PLUS DE NOM ;
NOUS Y SOMMES.
Chants libres
https://www.youtube.com/watch?v=w_cX4nXtz_Y&t=137s
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- Monsieur-Hulot
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- Enregistré le : mer. 31 juil. 2019 06:40
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Re: Mots Au Vent...




FILLES & MOTEURS, JOIES & DOULEURS.
- dor lersing
- Contributeur
- Messages : 203
- Enregistré le : ven. 13 sept. 2019 10:32
Re: Mots Au Vent...
Je ne suis pas un homme de réflexion, je fonctionne aux sentiments et mes sentiments vont aux estropiés, aux torturés, aux damnés, aux égarés, non par compassion mais par fraternité, parce que je suis l’un des leurs, perdu, paumé, indécent, minable, apeuré, lâche, injuste, avec de brefs éclairs de gentillesse ; salement atteint et conscient de l’être, cette lucidité ne m’est d’aucun secours, au lieu de me guérir elle me plombe.
Charles Bukowski
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