J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 7 avr. 2025 03:18

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Guillaume de Chassy invite André Minvielle, Géraldine Laurent – Trenet en passant – (2024)

Je n’ai pas de problème avec Trenet que je connais comme un amateur lambda, au travers de ses plus grands succès en gros, pour simplifier. Non, en fait, celui qui me préoccupe le plus ici c’est le chanteur André Minvielle que je n’apprécie pas habituellement, pourtant, autant le dire de suite, ici je le trouve très plaisant, et même parfait dans le rôle d’avant-scène qui lui est proposé.

Il partage les lumières avec la saxophoniste alto Géraldine Laurent qui est également au top, quant à Guillaume de Chassy, la cheville ouvrière indispensable de ce projet, il est celui autour duquel tout repose, à la fois rythmicien, rôle qu’il endosse volontiers, mais aussi créateur de commentaires et de sonorités idoines, qui apportent à l’enregistrement un charme fou, ça tombe bien puisque tout tourne autour de Charles Trenet.

Alors on se régale avec les allitérations et les jeux de mots autour de « Débit de l’Eau, Débit de Lait » de Charles Trénet à la musique et Francis Blanche aux paroles, qui fait remonter le souvenir de Boby Lapointe, grand amateur de ce genre. Il est à noter que Trénet est abordé sur cet album dans son statut d’auteur/compositeur, souvent ici en tant que parolier, créateur de chansons.

On découvre ici les plus grands succès, « Le Soleil et La Lune », « Je Chante » ou « L’âme des Poètes », formidablement interprétés par notre trio, mais également des pièces moins célèbres, mais tout aussi formidables. On prêtera donc une attention plus particulière à ces chansons, comme « L’héritage Infernal » qui fait naître sous nos yeux les images des films muets d’autrefois, avec un Charlot insaisissable qui court, gigote et se débat…

Ou encore la poésie d’« Une Noix » qui dévoile un Trénet plus grave, presque noir. Impossible de ne pas citer « Il y avait des arbres » où Minvielle scat un peu sur la fin, avec sa voix qui rappelle souvent Nougaro. Mais il faut également citer Géraldine Laurent qui apporte une véritable valeur ajoutée, avec toute la délicatesse dont elle est capable, et une certaine discrétion également, déposant sa touche avec beaucoup de finesse et d’élégance.

L’album se termine par un instrumental, « Coin de rue », histoire de dire un dernier « au revoir » nostalgique au fou chantant.

Le soleil et la lune (feat. Géraldine Laurent, André Minvielle)
Débit de l'eau, débit de lait (feat. André Minvielle)
L'âme des poètes (feat. Géraldine Laurent, André Minvielle)
la folle complainte (feat. Géraldine Laurent, André Minvielle)
Une noix (feat. André Minvielle)
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Monsieur-Hulot
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Monsieur-Hulot » lun. 7 avr. 2025 05:46

:o Voilà un disque bien original et surprenant ! En effet, on ne s'attend pas à trouver Minvielle chantant du Trenet, bien qu'étant tous deux du même coin inférieur gauche de la France, ce ne sont pas les mêmes "pays". Le scat ne raffraichit rien à l'oeuvre parfaite de Trenet. De la joie peut être? Je vais chercher "L'héritage infernal" Merci pour la découverte ! :chapozzz:
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 7 avr. 2025 19:49

Monsieur-Hulot a écrit :
lun. 7 avr. 2025 05:46
:o Voilà un disque bien original et surprenant ! En effet, on ne s'attend pas à trouver Minvielle chantant du Trenet, bien qu'étant tous deux du même coin inférieur gauche de la France, ce ne sont pas les mêmes "pays". Le scat ne raffraichit rien à l'oeuvre parfaite de Trenet. De la joie peut être? Je vais chercher "L'héritage infernal" Merci pour la découverte ! :chapozzz:
L'album a déclenché chez moi ce même enthousiasme, mais c'est le cas "Trénet" que j'ai envie de creuser désormais...

Je regrette aujourd'hui d'avoir négligé, lors du premier festival du "Printemps de Bourges", la dernière soirée dont le grand "Charles" était le héros!

Mais j'avais tout de même assisté aux concerts de Catherine Ribeiro, Colette Magny, Higelin, Lavilliers et Font & Val, et c'était plutôt génial tout ça, dans une ambiance propre à la période, je faisais partie de ces indiens dont la presse locale s'était fait l'écho à l'époque...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 8 avr. 2025 01:41

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Thomas Naïm – May This Be Love – (2025)

Thomas Naïm est un guitariste dont je vous ai déjà présenté deux albums, « On The Far Side » de deux mille vingt-trois et « Sounds Of Jimi » de deux mille vingt, où il revisitait les compos du génial guitariste américain. Mais il faut croire qu’il n’en a pas fait le tour, probablement que la mission est impossible, car il remet le couvert, mais cette fois-ci avec une optique complètement différente, bien que la fièvre soit toujours présente.

Il a débranché les guitares et se présente seul face à treize compos qui sont signées « Hendrix », ou qui ont à voir avec son parcours, comme « Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band » ou le titre d’ouverture « Hey Joe » de Billy Roberts. Thomas lui-même présente une composition de son cru en forme d’hommage, « Cherokee Blues ». Il n’y a que pour le « Jealous Guy » de Lennon que je n’établis pas de rapport, mais peut-être est-ce une défaillance de ma part.

Les notes de pochette révèlent également de la précision dans les détails, comme le choix des guitares, des instruments acoustiques anciens, propres à retrouver « un son plus profond, plus vrai ». Le choix du studio également, « Mercredi 9 », qui se situe dans un parking aménagé du vingtième arrondissement de Paris, « un temple du son analogique et des mélodies en sous-sol ».

Je dois admettre que je suis bluffé par le résultat, il faut dire que je suis un inconditionnel du maître et je ne le situe pas très de Coltrane dans mon Panthéon personnel. On se souvient de sa version extraordinaire de « Hear My Train A Comin’ », ou peut-être de la reprise du « Hound Dog » d’Elvis : Le minimalisme et la sobriété sont donc les options choisies, mais pas à la façon d’un Derek Bailey, car ici tout est aisément reconnaissable pour qui est familier de l’œuvre de Jimi. Thomas Naïm a énormément travaillé son sujet et a bâti ses versions récréées, souvent après un travail sur les harmoniques.

Il y a également beaucoup de reprises très connues, comme « Voodoo Child (Slight Return) », « The Wind Cries Mary » ou « Spanish Castle Magic » pour n’en citer que trois, mais aussi d’autres moins célèbres, comme « One Rainy Wish » qui provient « d’Axis: Bold as Love » ou « May This Be love » en provenance « d’Are You Experienced », et qui n’ont guère été reprises lors des live, par la suite.

Inutile de préciser que ces versions, hors des torrents d’électricité, et des effets de pédales de toutes sortes, sont évidemment très différentes, mais pourtant elles sont si intimement liées à Jimi qu’elles semblent n’avoir rien perdu lors de ce traitement pourtant radical, et le plaisir de l’écoute reste vraiment immense !

Hey Joe
The Wind Cries Mary
Jealous Guy
Cherokee Blues
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 9 avr. 2025 02:45

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Eddy Louiss - Bernard Lubat - Luigi Trussardi - Maurice Vander – Ô Toulouse... - Hommage À Claude – (2004)

Après que Nougaro soit parti de l’autre côté de la scène, le quatre mars deux mille quatre, ses cendres furent dispersées dans La Garonne, à Toulouse, accompagnés par les amis, les siens, peut-être était-ce un soir, quand le soleil se couche et que le flot se remplit des mystères de la nuit, dans la pénombre et l’obscur, car le noir convient bien à ses moments-là…

Pourtant la pochette est vive et colorée, comme un rêve imaginé par Jean-Michel Folon, poète de l’âme et dessinateur. Et les amis avaient dans leur cœur encore plein de souvenirs et de musique qui débordait, alors ils se sont réunis, « le coq » alias « le pianiste alpiste », comme disait Nougaro en parlant du papa de Christian Vander, avec Eddy Louiss aussi, le gars de la Martinique, et Bernard Lubat, un voisin d’Uzeste, un peu excentrique, et le fidèle Luigi Trussardi, contrebassiste expert, qui jouait avec tous ces gars-là.

Cette même année, pour faire revivre « l'homme aux semelles de swing », ils se réunirent à quatre et réinterprétèrent des titres puisés dans le répertoire de Claude, pour se retrouver encore une fois à cinq, jouer les pièces et réentendre dans sa tête la voix chaude et mémorable du chanteur de jazz.

Nougaro était essentiellement un interprète, aussi il n’apparaît pas en tant que compositeur, mais de temps en temps en qualité de parolier, comme sur « Toulouse », « C’est ça la vie » et « La pluie fait des claquettes » et d’autres qui se trouvent dans les « pots pourris », pourtant chacun des titres joués sur l’album fait revivre immédiatement dans sa tête la voix de Nougaro, tellement il s’est emparé des compos des auteurs et les a habités avec force.

La seule pièce qui échappe à tout ça, c’est « A Claude » l’hommage vibrant d’Eddy Louiss, qui se souvient, peut-être, du cadeau que lui avait envoyé Nougaro autrefois, le tendre « C'est Eddy » :

« Hors de l'eau un orgue a surgi
C'est pas Nemo
C'est Eddy
A l'horizon l'orgue se hisse
Haut, hissez haut
C'est Louiss
»

Et puis il y a également les medleys, qui font remonter beaucoup, en peu de temps, comme « Dansez sur moi/ Mon disque d’été/ Autour de minuit » ou « Un été/ Tu verras/ Bidonville », et encore « Sing,sing, song /La pluie fait des claquettes, Armstrong ».

Pour certains, Nougaro puisait dans le répertoire brésilien, ou chantait le répertoire de la chanson française, tout cela est vrai, mais il était pour moi avant tout un ambassadeur de la musique jazz, particulièrement pour ses albums des années soixante que je vénère.

Eddy Louiss - Bernard Lubat - Luigi Trussardi - Maurice Vander – Toulouse "Jazz" (Nougaro)
Eddy Louiss - A Claude (Ne figure pas sur cet album dans cette version)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 10 avr. 2025 05:18

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Us 3 – Hand On The Torch – (1993)

Us 3, ou le mariage plutôt réussi du rap et du jazz, nous sommes en quatre-vingt-treize et Miles Davis a clamsé depuis un an, quand sort « Doo-bop », qui pourrait être une sorte de modèle, mais il ne faudrait pas oublier « Trible Called Quest » et d’autres encore…

Ils sont anglais et ont élaboré un répertoire à base de samples et de classiques du jazz, issus du label « Blue Note », pour lequel ils enregistrent également. En effet Us3 signa sur le prestigieux label, car ses dirigeants menaçaient de les poursuivre pour plagiat, le groupe ayant sorti des enregistrements qui ne laissaient aucun doute sur la provenance, ils acceptèrent donc un arrangement avec Blue Note qui satisfit les deux parties.

Le titre d’ouverture, « Cantaloop (Flip Fantasia) », qui fut alors un tube, en est un bel exemple, créé d’après le fameux « Cantaloup Island » de Herbie Hancock il contient également la géniale introduction de Pee Wee Marquette et sa voix si particulière, en provenance de « A Night in Birdland, Vol. 1 » du Art Blackey Quintet.

Côté rap ils sont deux, Rahsaan Kelly et Kobie Powell, mais il y a également des furieux du jazz qui jouent avec eux en live, le trompettiste Gerard Presencer, le guitariste Tony Remy, le tromboniste Dennis Rollins, le pianiste Matt Cooper et les saxophonistes Ed Jones, Mike Smith et Steve Williamson, de quoi fournir un bon environnement bien enivrant. Le nom de la formation trouve sa provenance dans une pièce intitulée « Us Three » enregistrée par Horace Parlan et son trio pour Blue Note, en mille neuf cent soixante.

On peut signaler également le très bon « Tukka Yoot’s Riddim » de Larry Robinson, sorti en outre au format Maxi-Single, toujours sur « La Note Bleue ». Il y a également « Lazy Day » d’après Bobby Hutcherson dont on a samplé le groove en arrière-plan, avec Powell, et la chanteuse Marie Harper qui apporte l’Afrique dans sa voix, servie avec un bon sax ténor d'Ed Jones.

Sans oublier « Eleven Long Years » avec l’éternel « Song For My Father » d’Horace Silver couplé avec « Blind Man, Blind Man » d’Herbie Hancock, ou encore le fantastique « Different Rhythms Different People » avec la partie vocale issue de « Art Blakey’s Comment On Ritual », ainsi que du célèbre « At The Cafe Bohemia, Vol. 2 » par les Jazz Messengers.

Bien que tout ne soit pas mémorable, avec l’oreille d’aujourd’hui, l’album a méchamment cartonné à l’époque, fournissant des paquets de tune à Blue Note qui s’est bien gavé, de quoi investir dans de nouveaux projets. Il conserve cependant un charme particulier qui pourrait attendrir même ceux qui font connaissance aujourd’hui, car ce jazz-rap avait tout de même un son unique, avec cette énorme formation tout autour.

La dernière pièce, « Darkside », nous dit au revoir en nous laissant un incontrôlable goût de « Revenez-y » …

US3 - Cantaloop (Flip Fantasia) - (Hand on the Torch)
Us3 - I Got It Goin' On
Us3 - Tukka Yoot's Riddim
Eleven Long Years
Lazy Day
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 11 avr. 2025 01:04

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Music Revelation Ensemble – In The Name Of... – (1994)

« Music Revelation Ensemble » c’est James Blood Ulmer à la guitare électrique, Amin Ali à la basse électrique et Cornell W. Rochester à la batterie, mais ici il y a également des invités, des musiciens prestigieux. Arthur Blythe au sax alto sur trois pièces, Sam Rivers au soprano, également sur trois pièces, ainsi qu’au ténor et à la flûte, et Hamiet Bluiett au sax baryton sur « The Dawn ». Ces derniers interviennent alternativement, sans véritable ordre, mais un seul par pièce.

On connaît l’engagement de James Blood Ulmer auprès d’Ornette Coleman et son addiction au free, plus ou moins prononcée selon les étapes de sa carrière. Ceci pour préciser que se sent ici le goût du guitariste pour « l’harmolodie », concept musical inventé par Ornette et qui s’entend ici, Ulmer ayant composé toutes les pièces de l’album.

C’est donc assez sanglant, bien chaud et capiteux, avec les pédales et les effets, le casque sur les esgourdes plutôt à fond, on en prend plein les oreilles. Dès la première pièce avec Sam Rivers au soprano, on comprend les enjeux, « In Time » plante le décor et régale direct sans préparation, brut et à fond, c’est parti !

« Non-Believer » qui suit ne désarme pas, avec Arthur Blythe à l’alto, le son est toujours aussi compact et massif, l’énorme Amin Ali à la basse envoie du lourd tout du long, sans répit ni fléchissement. Arrive ensuite la pièce avec Hamiett Bluiett au baryton qui ne fait pas de quartier non plus, dégagez la place et laisser le passage, l’ouragan arrive, ça crisse et ça déchire, dérapages dans les virages et freins crissant, ça déménage grave. Blood est insaisissable avec la gratte sautillant de droite et de gauche, imprévisible et forcenée, il faut serrer les dents !

Décidément on se dit que cet album n’est pas pour tout le monde et qu’il va laisser des cadavres sur le bas-côté, heureusement Sam Rivers arrive, la flûte au bout des lèvres, on va pouvoir enfin respirer, c’est l’heure de « Mankind ». En effet malandrin, tu peux enlever les boules Quies et quêter quelques bourses dans le voisinage, tout semble s’arranger et, bien que tout brinquebale et claudique, avançant cahin-caha, une sorte de calme dans la torpeur semble vouloir s’installer, dans la désharmonie de l’harmolodie, ou peut-être est-ce l’inverse…

Sam Rivers embouche le ténor pour crier « Help », sans doute cette masse épaisse et dense, drue et étouffante, comme dans une jungle où il faudrait avancer à la machette, Sam se fraie un chemin et défriche, aidé par Ulmer et sa hache électrique qui jamais ne peine ni ne perd son énergie, Cornell Rochester tape de tous côtés, écrasant les têtes et les cymbales, caisse claire et grosse caisse ne faillissent point…

Et voici « Abundance » avec le retour d’Arthur Blythe armé de son sax alto, on semble presque respirer normalement, bien que ce ne soit peut-être qu’une impression fugace, car tout se désarticule vite et se démantibule, non, pas de grâce de ce côté, bien qu’une lumière clignote, au loin, l’espoir renaît…

En effet voici « Purity », les écrits sont formels, après l’arrivée de la pureté, le cauchemar cesse et, simple péquin, tu retrouveras le calme de l’anonymat, le banal du quotidien, le fade et le terne, le banal et l’incolore, mais avant profite bien du magnifique « Purity », qui peut-être te donnera l’envie de remettre ça !

Music Revelation Ensemble - In Time
Music Revelation Ensemble - The Dawn
James Blood Ulmer "Non Believer" feat. Arthur Blyth
Music Revelation Ensemble - Mankind
James Blood Ulmer "Purity" feat. Arthur Blyth
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 12 avr. 2025 03:53

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Alexandra Grimal / Lee Konitz / Gary Peacock / Paul Motian – Owls Talk – (2009)

Où Gérard Terronès côtoie Jean-Luc Lagardère et sa Fondation dans les remerciements, allons ne soyons pas trop sarcastiques même si l’envie vient. Les hiboux sont donc de sortie et se lancent dans une longue conversation, pourquoi pas ?

Hibou en chef et honorée, Alexandra Grimal joue des saxs soprano et ténor, toute mimi sur la photo de la pochette intérieure. Ses invités sont tous des géants, elle, qui semble fluette et fragile, joue ici sa tirade avec de solides arguments et prouve ce qu’elle vaut, lors de cet oral de majesté.

Le grand Lee Konitz joue du sax alto, un maître. Gary Peacock de la contrebasse, une légende. Paul Motian de la batterie, un poète. Et Alexandra, de passage à New-York les quinze et seize décembre deux mille neuf, en studio pour la mise en boîte, avant que le mixage ne se fasse dans ceux de « La Buissonne » …

L’album est beau, il respire et épate, par sa pureté sonore et sa définition, on pourrait le classer à la lettre « N » avec les autres albums de « Nuit », ceux qui s’écoutent quand les autres dorment, et qui se dégustent tranquilou, à un ou à plusieurs, en compagnie d’autres hiboux.

Quinze pièces, plutôt courtes, beaucoup signées par Alexandra seule, six en fait et quelques-unes partagées avec les invités, Gary Peacock en apporté trois et partage une autre avec Alexandra, Konitz a lui aussi apporté son écot. Il y a également une impro, « Own Talks » jouée sans Gary. Mais tout cela est, en fait, sans importance.

L’album avance un peu dans les pas de Steve Lacy qui remonte doucement à mes oreilles, l’énoncé des thèmes, le rythme des compos, les envolées aériennes, tout m’y fait penser. Les dialogues entre les saxos sont également épatants, souvent joyeux et sautillants, voire batifolant, souvent légers ils aspirent à l’air et à l’envolée, gentiment propulsés par la basse imaginative de Gary Peacocks et le druming caressant et pointilliste de Paul Motian, une telle rythmique est de rêve.

On pourrait imaginer l’album affublé du sigle ECM, tellement il respire cet esprit, si cela était arrivé on le propulserait probablement parmi les grands du label, sans beaucoup hésiter, il est à la fois calme et reposant en même temps que vif et surprenant, comme des esquisses, des croquis aboutis et menés avec une main sûre qui se dessinent sous nos yeux avec maestria…

A noter sur l’édition que j’aie, la seule qui existe je pense, qu’il y a des embrouilles dans l’ordre des trois premiers titres qui ne sont pas les mêmes sur le Cd et le livret, et qui ne correspondent pas aux durées annoncées…

Horus
Dance
Blows II
Indicible
Owls talk
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 13 avr. 2025 04:51

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Fire! Orchestra – Ritual – (2016)

Je remonte le temps avec cet excellent ensemble européen, à majorité scandinave et principalement suédois. Voici « Ritual » encore une étape grandiose pour cet ensemble magique, ici réduit à seulement vingt et un membres. L’enregistrement a été effectué en deux jours en décembre deux mille quinze à Stockholm.

On retrouve les personnalités fondatrices du grand orchestre avec Mats Gustafsson aux saxo baryton, au sax à coulisse et surtout à la direction, Johan Berthling à la basse électrique et Andreas Werliin à la batterie, auxquels s’ajoutent quelques anciens comme les chanteuses Sofia Jernberg et Mariam Wallentin, personnalités indispensables au son d’ensemble, car ici on navigue entre jazz, free et rock, avec sur cet album une couleur plutôt soul, emplie de bon groove, mais il y a également un volet prog bien ficelé.

Subsiste encore l’élément expérimental et free, très débridé qui ouvre des portes à l’inattendu et à l’improvisé, de l’électro avec Andréas Berthling qui apporte une savante dissidence. Il y a également deux personnalités du jazz scandinaves plutôt célèbres également, Mette Rasmussen au sax alto et Anna Högberg à l’alto également, mais aussi au baryton. En outre, il y a une section de cuivres assez complète, une autre de anches, des guitares, dont celle de Julien Desprez, et des claviers, le son est énorme.

La pièce « Ritual » dure cinquante-deux minutes, elle se partage en cinq parties numérotées. La une, la deux et la quatre sont plutôt vives et enlevées, à tendance majoritairement rock, les deux autres, trois et cinq, sont plus lentes, ainsi l’album trouve son équilibre. J’avoue préférer les titres rapides et le final avec la partie cinq, reste donc la partie trois peut-être légèrement en retrait.

Ce qui fonctionne sur chaque album du grand orchestre c’est l’expression d’une incroyable puissance, parfaitement restituée avec les techniques de traitement du son actuel, et dont on profite grandement sin on n’hésite pas à pousser le son. L’énergie est dense et massive, comme un grand coup de vent qui déferle sur vous, puis se disperse en envolées free et anguleuses, vers l’épars et le dispersé, avant de se reformer avec des critères nouveaux.

Cette étape est tout à fait passionnante et renseigne sur l’identité de la formation, même si c’est à rebours, il se confirme que les plus beaux chefs d’œuvre sont encore à venir, bien que cet album soit en tous points passionnant et, pour les fans, indispensable.

Ritual, Pt.1
Ritual, Pt.5
Ritual, Pt. 2
Fire! Orchestra - Ritual IV
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 14 avr. 2025 02:36

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Gato Barbieri – Standards (Lost And Found 1) – (2024)

Il faut bien le dire, je suis un grand fan de Gato Barbieri, et depuis longtemps, pas tout « Gato », car j’ai perdu le fil en soixante-dix-huit, avec « Tropico » et même un peu avant, mais je place le saxophoniste assez haut, il m’a réjoui souvent et même passionné.

Mais parlons de cet album qui est une véritable surprise, un excellent enregistrement de studio réalisé au printemps soixante-huit, en Italie, et plus précisément à Rome. Des bandes oubliées, complètement forgettées, écoutez plutôt ce que déclare Franco D'Andrea, qui nous a dit à ce propos : « Pour moi, ce fut une surprise totale, car je ne me souvenais pas du tout de cette séance. Ce furent des années de grands voyages : évidemment ce jour-là, j'étais à Rome et j'ai participé à cet enregistrement. »

Si les musiciens présents ne se souvenaient même pas de cette session en studio il faut donc remercier le ciel, ou plutôt le producteur Marco Pennisi, pour cette extraordinaire découverte. Une année plus tôt Gato enregistrait « In Search Of The Mystery » pour ESP, avec l’esprit free qui convenait à l’époque, dans le souffle d’Ayler, Pharoah et Coltrane. Une année plus tôt c’était « Togetherness » avec Don Cherry, en soixante-cinq à Paris, toujours à la recherche d’une plus grande liberté.

Puis arriva cette année soixante-huit, avec « Hamba Khale! », en duo avec Dollar Brand, au fil des rééditions on l’appela également « confluence », le free encore, enregistré à Rome le seize mars soixante-huit, probablement un peu avant celui-ci, dont on précise qu’il est un enfant du printemps, mais cette fois-ci pas franchement free, comme ses prédécesseurs…

Comme l’indique le titre, des standards, on pourrait ajouter également, avec un penchant pour l’univers de Miles Davis. En effet on y entend « So What », « All Blues », « Nardis » et on pourrait ajouter le fameux « Maiden Voyage » du « davissien » Herbie Hancock. Il y a également « Softly, As In A Morning Sunrise » l’un des plus beaux standards et « Lush Life » de Billy Strayhorn.

Gato est entouré du bassiste Giovanni Tomaso qui signe également le titre d’ouverture, « Terre Lontane », Franco d’Andréa au piano qui signe le dernier titre de l’album, « Tension » et enfin du batteur Pepito Pignatelli. Le quartet est parfaitement enregistré, les bandes ont été entièrement remastérisées et l’écoute est parfaite.

Je recommande évidemment cet album fondamental qui me régale, la personnalité du saxophoniste éclate sur cet album de reprises, le genre de truc qu’on n’imaginait même pas, et qui vient nous percuter en vint-vingt-cinq ! Fou, fou, je vous dis…

So What
Softly, As In A Morning Sunrise
All Blues
Tension
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 15 avr. 2025 03:09

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Henry Threadgill 14 Or 15 Kestra: Agg – Dirt... And More Dirt – (2018)

C’est toujours un peu compliqué de se trouver face à la feuille blanche et devoir écrire une petite bafouille, modeste, bien sûr, et basée sur le seul ressenti, le casque sur les oreilles la plupart du temps. Mais avec Threadgill, soixante-treize ans quand il invente cette musique, c’est assez stupéfiant. Dès les premières mesures, très vite, même s’il ne joue pas lui-même, la magie apparaît !

Avec une évidence révélée, cette forte personnalité dissimulée dans l’espace des notes, les rythmes saccadés ou la précision millimétrée de la préparation, se révèle à chaque album avec une telle force qu’elle subjugue et enthousiasme. Le même effet à chaque fois, et l’impression d’être en face de quelque chose de considérable.

Pourtant l’habit n’est pas le même, il se revêt même d’accoutrements très différents, avec des formules très diverses et parfois même opposées, électrique, acoustique, Very Very Circus, Zooid ou Double Up, jazzy ou, comme ici, un pied dans la musique contemporaine. Pourtant il y a une telle force dans cette musique inimitable qu’elle force le passage et s’impose avec évidence, en laissant derrière elle, toujours cette même signature qui emporte la conviction !

Il y a ici quinze musiciens rassemblés, dont certains poly-instrumentistes, si bien que s’entendent un guitariste, un bassiste, deux batteurs, un violoncelliste, un tubiste, trois saxophonistes alto, deux flûtistes, deux trompettistes, deux trombonistes et deux pianistes, d’évidence une formation énorme. D’autant qu’il y a également un harmonium, des percus en pagaille, différentes flûtes et différentes trompettes, il faut donc imaginer une précision diabolique dans les arrangements et le travail préparatoire.

C’est probablement là que se trouve la signature de Threadgill, mais je me plante peut-être complètement, ce qui est sûr c’est que l’empreinte est très forte et tout à fait géniale, et je me demande comment se fait-il que je sois passé aussi longtemps à côté de ce musicien, je me dis que probablement l’avoir écouté longtemps avec la formation « Air » ou « New Air » m’a suffi, et que j’ai cru que le meilleur s’y cachait, alors qu’il aurait fallu creuser un peu encore…

Pour faire court ici il y a deux suites, « Dirt » et « More Dirt », la première contient six parties et la seconde quatre. La musique est extrêmement variée, tout comme la durée des différentes pièces, entre trente-huit secondes et huit minutes sur le premier titre de l’album. Le parti-pris un poil expérimental n’enlève rien au génie de Threadgill mais pourrait être un obstacle aux réfractaires peu curieux, ce n’est donc pas l’album à écouter pour faire connaissance, mais les adeptes seront évidemment ravis.

Une curiosité, la dernière pièce, « crédits », fait place à une voix féminine qui indique les noms des musiciens et des personnes qui ont participé à l’album, comme à l’opéra où les participants passent sur scène pour récolter les applaudissements mérités.

Dirt - Part I
Dirt - Part III
Dirt - Part IV
And More Dirt - Part I
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Monsieur-Hulot » mar. 15 avr. 2025 05:32

On dirait la musique d'un film de Chabrol ! (le Part one) :hehe: :hehe: :hehe:
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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 15 avr. 2025 11:53

Monsieur-Hulot a écrit :
mar. 15 avr. 2025 05:32
On dirait la musique d'un film de Chabrol ! (le Part one) :hehe: :hehe: :hehe:
C'est vrai que la musique est assez cinématographique, moi côté ciné je ne suis pas très fort, alors je m'en remets à tes conclusions...

Chabrol, jazzeux, et pas Rock'n Roll !
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 16 avr. 2025 03:06

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Anouar Brahem, Anja Lechner, Django Bates, Dave Holland – After The Last Sky – (2025)

Je dois bien admettre que je n’ai pas écouté Anouar Brahem depuis longtemps, mon engouement pour sa musique a été à la fois relativement bref, en même temps que très intense, j’ai réuni sept albums de sa discographie entre « Conte De L’Incroyable Amour » de quatre-vingt-douze et « Souvenance » de deux mille quatorze.

Et puis le temps est passé, et je ne me suis guère replongé dans sa musique, la parution cette année d’un nouvel album est pour moi l’occasion de raviver les amours anciennes, qui m’avaient bien emportées autrefois, remontent les souvenirs de Jan Garbarek, John Surman, Dave Holland ou François Couturier qui participaient à cette musique en y incorporant la couleur jazz, dans un mélange abouti avec les couleurs orientales, portées par le oud d’Anouar Brahem. Il créait ainsi une musique inédite, entre une sorte de folk parfumé aux épices arabes et un jazz aventureux ouvert aux quatre vents, qui dévoilait le meilleur visage de la « world music ».

Ils sont quatre réunis sur cet album assez grave, Anouar et son oud, Anja Lechner au violoncelle, Django Bates au piano et Dave Holland à la contrebasse. L’album semble vouloir pencher du côté austère, peut-être est-ce l’arrivée du violoncelle qui appuie sur cette dominante assez sombre, en effet la combinaison du oud et de la contrebasse accentue l’effet et crée comme un recueillement, ou parfois un vif sentiment de nostalgie.

« Never Forget » en est un exemple parfait, mais d’autres thèmes sont encore plus sombres, passant de la simple mélancolie au chagrin. D’ailleurs l’auteur invite l’auditeur à suivre la musique et à déterminer par lui-même les sentiments qu’elle transporte. A noter également la dernière pièce, « Vague », fort jolie.

Le partenariat entre Anouar Brahem et ECM continue sur cet album, après une pause de huit années, l’assurance d’une belle qualité sonore et d’un réel confort d’écoute. Il y a également un livret assez copieux avec photos et notes en anglais.

On se souvient qu’ Anouar Brahem est un enfant de Tunis, il a commencé l’apprentissage du oud à l’âge de dix ans, il est ensuite venu à Paris où il est resté quatre années à partager la musique et à composer. Son appartenance à « l’écurie ECM » a été déterminante dans sa progression professionnelle et lui a apporté une grande sérénité.

Ce nouvel album est une belle réussite, mais d’autres enregistrements plus anciens permettront aux néophytes d’aborder plus aisément sa musique, comme « Le pas du chat noir », « Le voyage de Sahar » ou « Thimar ».

Never Forget
Vague
Anouar Brahem "After the Last Sky" (Official Music Video) - 2025
Awake
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 17 avr. 2025 02:47

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Muriel Grossmann – Devotion – (2023)

Cet album a attiré mon attention par son format, un double Cd, sa longue durée pourrait être corrélée à la nécessité d’une retransmission de concert, c’est à quoi on pense en premier, enfin… ceux de ma génération.

Pourtant non, l’affaire se passe en studio, mais on comprend vite le « pourquoi » de cet emballement, dès l’écoute de la première pièce « Absolute Truth » qui fonctionne comme un titre « live ». En effet l’album démarre sur un groove plutôt rock, avec une rythmique carrée et basique, en avançant droit devant.

L’effet se poursuit lors des solos qui n’en finissent pas, assez vite fait pour Muriel et le toujours excellent Radomir Milojkovic à la guitare slide, puis en longueur « toute », pour Abel Boquera à l’orgue qui se déchaîne sur son Hammond B-3, c’est le petit nouveau de la formation, retour de Muriel pour quelques notes de flûte et de ténor, dialoguant avec elle-même, la pièce semble ne pas vouloir finir avec ses vingt-deux minutes…

On continue avec « Calm » qui, on ne sait trop pourquoi, laisse à penser que l’ambiance « live » se perpétue dans ce studio, sans doute une manière décontractée de faire et d’être, un sentiment de laisser couler, de suivre au fil de l’eau, sans pression ni tension, juste le plaisir de jouer en ouvrant les chakras… Radomir se régale et s’en va batifoler gracieusement en développant une sorte de blues auquel répond l’orgue Hammond, est-ce l’arrivée de ce dernier instrument qui provoque un tel relâchement ?

Décidément tout se passe très vite sur cet album et nous voilà déjà à la fin de cette première partie avec « Care » qui file avec son rythme mid tempo, pulsé par Uros Stamenkovic à la batterie qui assure à son poste, soutenant d’un groove plutôt funky l’essentiel de l’édifice, les nappes d’orgue tapissent en fond, en attendant que le ténor de Muriel balance tranquille.

A ce stade il semblerait que les références continuelles à la musique coltranienne soient oubliées et que naisse une musique autre, simple, mais vitale et essentielle. Le Cd deux comprend quatre pièces, la première, « Knowledge & Wisdom » se nourrit non seulement au jazz mais également à la musique indienne avec Muriel qui utilise le sax soprano et la flûte.

Rien de surprenant de la part de la baba cool d’Ibiza qui plonge dans la musique psychédélique, en espérant y découvrir connaissance et sagesse. La pièce est bien réussie et réunit les éléments attendus de façon agréable, avec un joli travail au soprano, instrument qu’elle maîtrise depuis fort longtemps déjà, elle y joue également du tamboura et des drones.

« All Heart » qui arrive envoie bien, tout s’accélère ici et la virtuosité nécessaire puise dans le savoir-faire du toujours excellent Radomir Milojkovic à la gratte, qui envoie les notes à la pelle, énergisant la sauce qui, jusqu’alors s’est déversée sans que les corps ne s’agitent trop, au rythme de la petite fumée… Les solos de l’Hammond B3 puis de l’alto de Muriel nourrissent également la pièce.

Puis le morceau titre, « dévotion » arrive sur un air étonnamment martial, avant que de se transformer en un glissement vers le blues, bien emmené par la guitare slide, ainsi remonte l’esprit du « Delta ». La dernière pièce « Mother Of All » sera donc conclusive, elle est fort réussie et termine de belle façon ce long album qui frôle la centaine de minutes.

Absolute Truth
Calm
Knowledge and Wisdom
Mother Of All
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 18 avr. 2025 04:07

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Abbey Lincoln – Straight Ahead – (1961)

Cet album de mille neuf cent soixante et un, sur le label « Candid », nous en rappelle un autre qui l’a précédé d’environ six mois, la célèbre « Freedom Now Suite » de Max Roach, peut-être le premier album de jazz de « Protest songs », avec sa kyrielle de stars que l’on retrouve ici. Nous sommes dans les mêmes studios, le vingt-deux février à New York, pour l’enregistrement de « Straight Ahead », sous le nom d’Abbey Lincoln.

Ne vous y trompez pas, Abbey est née « Anna Marie Wooldridge », mais a choisi, en cinquante-cinq, de prendre pour nom de scène celui du « libérateur des esclaves », à savoir Abraham Lincoln. Sa vie est et sera de lutte et de combat. Sa voix ne cherche pas à être celui d’une « diva » elle ne se place pas dans le tracé d’une Ella Fitzgerald ou d’une Sarah Vaughan, elle est âpre et directe, et ne pourra se comparer qu’à celle de Billie Holiday.

Ils sont bien tous là, autour d’elle, lors de ce stupéfiant enregistrement. Le surdoué Booker Little et sa trompette, Julian Priester au trombone, l’immense Eric Dolphy au saxophone alto, à la basse clarinette, à la flûte et au piccolo, Walter Benton et la légende vivante Coleman Hawkins au saxophone ténor, le génial Mal Waldron au piano, le très grand contrebassiste Art Davis, et bien sûr Max Roach à la batterie, secondé par les deux percussionnistes Roger Sanders et Robert Whitley aux congas. Une telle réunion est tout simplement inespérée et fait de cet album un historique.

La voix d’Abbey chante la souffrance et la peine, le plus souvent elle s’exprime avec lenteur, décomposant les syllabes, appuyant sur chacune d’elle, avec cette impression que chaque mot pèse des tonnes, elle ne cherche aucune fioriture ni aucun embellissement inutile, comme l’indique le titre de cet album, aller droit au but et toucher au cœur. Ici, par exemple, « Blue Monk » en dit long sur sa manière de faire.

Sa voix est grave et éraillée, souvent sombre, elle vient de loin, du plus profond de son être, comme une prière, une plainte, ou un cri même, celui qui fit tant sur la « Freedom Now Suite » pour partager son public entre les modérés et les audacieux. Elle ne pouvait pencher que d’un côté, ce qu’elle fit…

Elle paiera d’ailleurs cet engagement viscéral d’une carrière en « dents de scie », mais c’est là le prix de l’authenticité et de la parole droite. Ecoutez « Left Alone » et vous serez bouleversé, le titre a été composé par Mal Waldron pour Billie Holiday, lui qui fut son dernier pianiste. Heureusement il y a l’africanité et la négritude comme une ressource inépuisable, c’est ce qu’elle chante avec le nécessaire « African Lady », où se manifestent les deux percussionnistes qui envoient, ainsi que la flûte de Dolphy.

C’est un historique qui tombe hélas du côté « oublié », mais ceux qui feront le voyage ne seront pas déçus.

Straight Ahead (Remastered)
Blue Monk (Remastered)
Left Alone (Remastered)
African Lady (Remastered)
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