Je commence par la vierge et l'enfant peint par Jean Fouquet au milieu du XVe siècle

Ce tableau représentant Agnès Sorel, maîtresse du roi Charles VII (celui qui a remporté la guerre de Cent Ans contre les Anglais), a été une des œuvres les plus scandaleuses du Moyen Âge, et c'est pour cela que je l'aime.
Ce qui a choqué, c'est bien entendu la poitrine d'Agnès Sorel, qui était réputée dans tout le royaume pour être la plus belle du pays. On disait que sa poitrine avait une rotondité parfaite, que le peintre a voulu retranscrire sans aucun tabou.
La seconde chose qui a choqué dans ce tableau, c'est qu'elle porte les attributs royaux, et en particulier la couronne, alors qu'elle n'était que la maîtresse du roi. Ce tableau, commandé par le roi lui-même, est aussi un message pour confirmer à toute la cour l'importance qu'a prise Agnès Sorel dans les affaires du royaume. Elle n’est pas une simple amante cachée, mais une femme d’influence que le roi met sur un piédestal, devant qui il faudra bientôt s’agenouiller. Tout cela provoque un véritable tapage chez les courtisans, car aucun descendant de Saint Louis n’avait encore osé affirmer un tel adultère. Certes, les précédents souverains avaient des maîtresses en secret, mais jamais une favorite officielle.
Agnès Sorel adorait le scandale et en jouait, notamment en portant les premiers décolletés. Elle les invente littéralement ! On retrouve ce décolleté sur le tableau, et cette mode ne tardera pas à se répandre dans tout le royaume.
Un autre scandale dans ce tableau est qu'Agnès Sorel y est dépeinte en Vierge Marie donnant le sein à l'Enfant Jésus. Associer l'amante du roi de France à la Vierge Marie est déjà un scandale, mais ce tableau en cache un encore plus grand. La Vierge n'allaite pas l'Enfant, mais montre son sein nu au spectateur, tandis que Jésus regarde à sa droite. Ce sein n'est pas celui d'une mère allaitante, mais plutôt celui lisse d'une adolescente. La figure est élancée, la taille cintrée. Une certaine sensualité transparaît dans la rondeur des épaules, du cou, et de la peau délicate du corps. La robe est élégante, et la figure est représentée de manière raffinée, la tête à moitié rasée et les lèvres colorées. À vrai dire, on a l'impression que Jésus lui-même est subjugué par le sein d'Agnès Sorel.
C'est la tentation du Christ, un tableau qui mélange le désir sexuel et le sacré.
Agnès Sorel est morte à seulement 28 ans. On sait aujourd'hui de façon certaine qu'elle a été empoisonnée, sans doute par le fils de Charles VII, Louis XI, un roi qui ne supportait absolument pas les provocations d'Agnès à la cour.
Dernier petit détail : vous remarquerez que l'Enfant Jésus ne ressemble pas vraiment à un enfant. Cela n'est pas dû au fait que les peintres ne savaient pas dessiner les enfants, comme on le dit parfois, mais à sa représentation symbolique. Elle montre que Jésus, même enfant, était déjà un adulte, un être de sagesse. D'où ses proportions et sa représentation sous des traits adultes.