J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 1 juin 2024 01:16

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Ken Vandermark's Sound In Action Trio, Robert Barry, Ken Vandermark, Tim Mulvenna – Design In Time – (1999)

Parfois, il est agréable de remonter ainsi le compteur des années qui filent, et de se poser à l’écoute d’albums assez hors-normes, passés, par les caprices du temps, dans une sorte d’oubli, injustement, tant ils auraient dû avoir leur heure, briller au firmament, et peser de tout leur poids dans l’histoire de cette musique.

Oui, vraiment hors-norme, en tout cas profondément original, on en comprend toute la saveur lorsqu’on s’aperçoit que Robert Barry et Tim Mulvenna sont batteurs, ainsi Ken Vandermark, armé de sa clarinette et de son sax ténor, est doublement soutenu par les tambours et les cymbales, qui s’entendent parfaitement pour créer un fondement rythmique de très haute densité.

Le vétéran Robert Barry est surtout connu pour avoir joué aux côtés de Sun Ra, avant que ne soit créé l’Arkestra, dans une formation appelée « The Space Trio » avec Pat Patrick au baryton et le Sun aux claviers. Au gré des rééditions la formation a été « avalée » par l’Arkestra qu’il rejoindra à la fin des années cinquante, pendant la période dite « de Chicago ». Tim Mulvenna est le batteur habituel de Ken Vandermark.

Ce qui est notable ici c’est l’habileté de Ken à jouer à « contre-emploi », il ne part pas, bille en tête, poussé par l’orgie des tambours, bien au contraire il semble installer un jeu tout en subtilité et ordonnance, construit, bien que largement improvisé, et choisissant l’élégance, en laissant place à une sorte d’harmonie rythmique toute en équilibre et bienveillance.

Le répertoire fait part belle au saxophoniste, mais on retrouve des pièces venant du free, comme le titre d’ouverture, « Law Years » d’Ornette Coleman, ce dernier sera en outre largement repris un peu plus loin avec « Feet Music » et « Peace ». Il y a également « Sounds and Something Else » de Sun Ra, « Angels » d’Albert Ayler, « The Thing » de Don Cherry et enfin une autre reprise plus traditionnelle, « Green Chimmeys » de Thelonious Monk.

S’ajoutent encore quatre compos de Ken Vandermark qui permettent à l’album de remplir à plein la capacité de stockage du Cd en dépassant les soixante-dix minutes d’enregistrement. Celui-ci a été effectué aux « Airwave Recording Studios », à Chicago, la base de Ken, dont il était, en ces années, l’un des principaux animateurs.

Un magnifique album très certainement, avec quelques passages à la clarinette pour apporter de la variété dans les couleurs, l’aspect central reste toutefois le dialogue entre les batteurs qui admet, lui aussi, de l’originalité et de la fantaisie. Ken Vandermark reste posé, avec une certaine retenue qui va bien et donne à chacun une place égale.

01. Law Years


One More Once


Well Suited


06. Angels
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Message par Douglas » dim. 2 juin 2024 02:38

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Hasse Poulsen – Unknow Winter – (2024)

Hasse Poulsen, pour moi, c’est essentiellement un membre de « Das Kapital » qu’il cogère avec Daniel Erdmann et Edward Perraud, dont, si ma mémoire est bonne, je vous avais parlé lors de la sortie de « Vive La France » en deux mille dix-neuf. Il est guitariste et ici se montre sous un visage différent, convoquant des musiciens assez étonnants, pour créer un assemblage qui sort vraiment de l’ordinaire, mais rien n’est vraiment surprenant de la part du guitariste danois, installé désormais à Paris.

Fredrik Lundin est lui aussi danois, il joue du saxophone ténor, le troisième homme, Tomasz Dąbrowski est polonais et installé en Suède, mais a travaillé longtemps au Danemark. Ce sont donc, en gros, des bourlingueurs qui bougent et se déplacent à travers l’Europe, où ils se sentent chez eux, pour peu qu’on leur prête l’oreille.

Alors, me direz-vous, guitare, saxo et trompette, ce n’est pas banal, et c’est exactement ce qui je me suis moi-même dit, que ce n’était pas gagné ! Alors j’ai écouté… Y’a une anecdote qui circule à propos de Tomasz Dąbrowski, et j’aime bien ça, moi les anecdotes : ça donne du grain à moudre, et surtout, souvent, ça en dit long.

Le gars est bien jeune, il a étudié au Danemark et a eu comme professeur son compatriote Tomasz Stańko, aujourd’hui disparu, pour qui ne connait pas ce dernier, c’est une pointure du jazz polonais depuis les années soixante-dix on va dire, une sorte de légende underground, du genre qui doit frôler de près le talent d’un Miles Davis par exemple, même si j’exagère un tout petit peu, et Stańko lui a fait un cadeau qui vaut tout l’or du monde, il lui a fait don de son propre instrument, sa trompette, un truc qui en dit long !

Foin des divagations et revenons à notre album, pour résumer mon sentiment, et je l’ai bien et beaucoup écouté déjà ce Cd, malgré l’équipage, ou peut-être à cause de, ou encore grâce à, enfin et pour tout dire, c’est un foutu bon album, du genre qui peut surprendre car il est fragile comme de la soie, aéré comme de la dentelle et léger et doux comme le cachemire.

Le trio est télépathique, très complémentaire et fortement soudé, proposant une sorte de jazz de chambre assez inouï, qui se régénère à chaque pièce, présentant plusieurs faces du même visage, une sorte de vaccin contre l’ennui, en quête perpétuelle de nouveautés et d’innovation. Le talent des membres est tel qu’il permet un nombre infini de variations et de combinaisons, bridées uniquement par l’imagination, mais rassurez-vous, ils n’en manquent pas !

Alors entrez dans cette aventure pleine de variété, de suspense et de rebondissements !

Drum Solo (feat. Tomasz Dąbrowski, Fredrik Lundin)


Counting Stars (feat. Tomasz Dąbrowski, Fredrik Lundin)


Unknown Winter (feat. Tomasz Dąbrowski, Fredrik Lundin)


Shadow, My Sweet Nurse


On Walls (feat. Tomasz Dąbrowski, Fredrik Lundin)
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Message par Douglas » lun. 3 juin 2024 01:25

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Tammen, Harth, Dahlgren, Rosen – Expedition. Live At The Knitting Factory – (2006)

Voici un album ESP, rien que le nom de ce label laisse libre cours à l’imagination et aux hypothèses les plus folles. Ce qui frappe également c’est le nom des musiciens, qui en fait, sont tous des « seconds couteaux », de très bons professionnels qui travaillent souvent en collaboration avec de grands noms, mais n’ont jamais pu franchir le cap de la célébrité.

Pourtant ils sont doués et mêmes remarquables, mais à New York il est difficile de se faire un nom, et nombre de « cadors » sont restés au bord de la célébrité. C’est aussi l’intérêt de cet album de capter en live ces quatre-là, réunis dans un drôle de trip free, entre délires avancés, moments furieux et d’autres plus calmes. Ça s’est passé en en deux mille un, à la « Knitting Factory » qui tenait encore bon, il aura fallu cinq années pour donner naissance à l’album qui sortira en deux mille six, sur ESP, le label qui prend tous les risques.

Hans Tammen qui joue de la « guitare en voie de disparition », Alfred 23 Harth au sax ténor et à la basse clarinette, Chris Dahlgren à la basse et à l’électro et Jay Rosen à la batterie. Ils annoncent dix pièces sur la pochette, mais, en réalité il n’y en a qu’une, d’une durée approchant l’heure. Le nom des pièces sont plutôt des transcriptions de moments, d’émotions, de situations sonores…

Ainsi la première pièce se nomme « Démarrer avec une intention agressive », la suivante, « Pris à un rythme tranquille », ou encore « Beaucoup ont suivi des cours rigoureux » suivi de « Un temps et une distance considérables ». Le titre est ainsi une approche descriptive de la musique ou même un guide pour l’écouter, comme « A Brief Pleasure Trip », ou « A Long Trip By Water », pour ceux qui aiment les voyages…

Mais à vrai dire, le mieux c’est de poser la pochette et de s’intéresser au long parcours aventureux qui nous est proposé, car c’est du bon, et les séquences s’enchainent avec naturel et continuité, nous embarquant dans un univers dépenaillé, avec une guitare plutôt folle, facteur d’énergie et de tension, et le fameux Tammen s’y connaît !

En fait les trois autres sont également excellents, même si moins souvent à l’avant, le saxo et la basse clarinette nous apportent également de grands moments, car l’écoute entre ces quatre-là est attentive et essentiellement fusionnelle, chacun possède sa place et l’occupe avec brio. La basse est électrique et plus d’une fois l’impression est assez free-rock, avec des plans reconnaissables et même quelques citations, car on ne se prend pas vraiment au sérieux…

Jay Rosen est également un fameux batteur, parfois plutôt brut, mais également souvent assez fin, selon le contexte, et c’est souvent lui la source de la première énergie, celui qui balance les directions et donnent le ton…

Donc un bon album, très sympa en fait, et, surtout, qui fait bien plaisir…

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Message par Douglas » mar. 4 juin 2024 04:20

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Damo Suzuki & Spiritczualic Enhancement Center – Arkaoda – (2022)

Paru sur le label parisien « Akuphone », voici un enregistrement de Damo Suzuki qui se fit connaître au sein du groupe Can, lors des bonnes années du Krautrock qui ont laissé des chefs-d’œuvre en pagaille. En écoutant cet album c’est un peu de ces souvenirs qui remontent, car, malgré le temps, il reste un peu de cet esprit-là qui vit encore dans cette musique.

Ça reste néanmoins bien différent, car le temps a joué son rôle, et c’est bien normal. L’album contient une grande part improvisée, avec de longues compos, trois au total, la première « U » s’étale sur l’entièreté de la première face pendant un peu plus de vingt minutes. La seconde face est occupée par deux pièces, le magnifique « Ra » et le splendide « Beja » qui, enchainées, tiennent également dans cette même durée.

Parlons un peu de ce « Spiritczualic Enhancement Center » qui porte la voix de Damo Suzuki. C’est le batteur, Nicolas Sheikholeslami qui lead la formation, il est soutenu par Faani aux percussions, Etkin Çekin à la basse, Æladin à la guitare, Omri Shmulewitz aux claviers et au chant, Carl-J. Hoffmann et Alexander P. Jovanovic aux Synthés. Le groupe est assez cosmopolite et tout simplement très bon, de mon point de vue, d’après ce qui se dit, il aurait été formé à Jérusalem.

C’est effectivement de la musique improvisée, bien qu’un canevas assez serré encadre le tout, souvent Damo aime être enregistré en concert, c’est ce qui lui va le mieux, ici ce n’est pas tout à fait le cas, pas de public ni de manifestation sonore extérieure. Toutefois l’impro et l’enregistrement en direct sont privilégiés, c’est une sorte de « Jam », de type studio, qui nous est proposée, là où est ancré le « Spiritczualic Enhancement Center », c’est à dire à Berlin.

Ça a été enregistré Le vingt-sept février de l’années vingt, à l’Arkaoda, qui donne son titre à l’album, ce qui signifie, « arrière-cuisine » ou « backroom ». C’est de la musique tendance cool, un peu jazzy, très psyché et traversée par des impros venues d’un peu partout, comme un train qui démarre et s’enrichit au fur et à mesure de l’avancée de la loco…

Vous reconnaitrez Damo, le phrasé, mais pas le timbre de la période « Can », mais ça le fait bien quand même d’autant que l’album est très agréable. Bien que la première face soit tout à fait épatante, je préfère encore la seconde, tout simplement merveilleuse. On retrouve la force hypnotique du groupe référent, avec, sur « Ra » des accélérations géniales qui aboutissent à une sorte de paroxysme avec « Beja ».

Je m’aperçois que le vinyle est annoncé « limité à cinq cents », mais il en reste, et il y a des Cds également… Par ailleurs je vous avais déjà présenté un autre album de Damo : Damo Suzuki's Network featuring The Elysian Quartet ‎– Floating Element.

U


Ra


Beja
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par whereisbrian » mar. 4 juin 2024 07:33

Je ne connaissais pas, le titre Beja est envoutant.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 4 juin 2024 18:20

whereisbrian a écrit :
mar. 4 juin 2024 07:33
Je ne connaissais pas, le titre Beja est envoutant.
En effet !
J'avais groupé l'achat chez Akuphone avec le Berrocal.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 5 juin 2024 02:51

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Jean-Marc Foussat, Claude Parle, Quentin Rollet, Makoto Sato – Espace En L'Espèce – (2023)

Pa écouté grand-chose aujourd’hui et le soir arrive, une sorte d’hésitation entre « faire » et appuyer sur le bouton « off », je choisis l’entre-deux et tire au hasard une pile de Cds que je compulse vite fait, Fred Frith, Paal Nilssen-Love, Evan Parker, Steve Lacy… Ce sera plutôt « Espace en l’espèce », peut-être parce qu’il est déjà débarrassé de sa ceinture de cellophane, et qu’il semble maigrelet, presque frêle, et ces quatre souris étranges qui me regardent…

Les quatre noms me parlent, sauf un, Claude Parle, évidemment, qui joue de l’accordéon, Jean-Marc Foussat est une sorte de prodige, au-delà des cimes, son monde est un ailleurs extraordinaire très puissant qui peut vous emmener loin, loin, c’est l’homme du Synthi AKS, il use également de « jouets » sur cet album et de la voix, aussi.

Quentin Rollet fait partie d’une espèce que j’aime bien également, de ceux essentiellement novateurs et créatifs, pas trop reconnus et encore et toujours sur la bordure, aimé de quelques-uns qui ont croisé sa route, à travers un enregistrement peut-être, et qui l’ont juste écouté et apprécié de suite, avant de s’intéresser au curieux personnage et à sa musique étrange, il joue des saxos alto et sopranono, ah non, sopranino…

Et puis il y a Makoto Sato qui, un jour, est venu du pays du soleil levant vers nos lointaines contrées, et s’est plu à Paris, s’y est installé et a fait des rencontres heureuses avec de grands musiciens qui lui ont montré la voie, l’ont inspiré, comme Sunny Murray, l'Art Ensemble of Chicago, Alan Silva ou Marion Brown, il faut dire qu’il avait les années soixante-dix heureuses, et s’est collé à la batterie…

Et le voici, avec son vieux compère Foussat, pour s’intéresser à l’espace, en l’espèce. C’est arrivé le vingt-cinq avril deux mille vingt-deux à L’Espace Vitet de Paris, et Jean-Marc, le prévoyant, a fait tourner les bandes, et c’est paru chez reQords l’année suivante.

Et puis à l’intérieur de la pochette, côté gauche, quelques mots d’Antonin Artaud, poète et prophète de l’énergie essentielle et de la déraison, qui nous juge et nous jauge :

« Il est dur quand tout nous pousse à dormir, en regardant avec des yeux attachés et conscients, de nous éveiller et de regarder comme en rêve, avec des yeux qui ne savent plus à quoi ils servent, et dont le regard est tourné vers le dedans. »

Et la musique « ici » est indescriptible, elle joue avec l’espace et le temps et nous prend, nous balade et nous perd, dans des lieux mouvants et étranges, dans une autre réalité qui nous embarque, on croit saisir un fil, et le tirer, car il y a bien un « sens » ? Une façon de se mouvoir, d’en sortir ? Mais on s’y sent bien quand même, dans cet espace où, semblent-ils, vivent les élus, les conscients, maîtres des sons, des lieux imaginaires, qui nous emmènent, nous trimballent et parfois nous secouent…

Un album tellement original qu’il doit être du genre inimitable, seul de son espèce, c’est sûr. J’ai eu de la chance, alors que l’obscurité dispute au ciel l’ultime combat du jour qu’elle vaincra, comme à chaque fois depuis la nuit des temps… La chance de tomber par hasard, à ce qu’il paraît, car le hasard ne fait pas tant que ça partie des éléments qui fondent l’existence disent les runes divinatoires et il ne faut pas les contrarier … Donc de tomber sur ce CD tellement bon qu’il est bon, et vous embarquera, à votre tour dans cet espace, en l’espèce.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 6 juin 2024 02:57

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Laurent Bardainne & Tigre D'eau Douce – Eden Beach Club – (2024)

On connaît Laurent Bardainne, un ami de Thomas de Pourquery et de Sylvain Daniel qui joue ici de la basse. J’avais été un peu sévère avec « Hymne Au Soleil » de deux mille vingt-deux qui contenait quelques bons titres, mais aussi quelques facilités, et même de grosses ficelles qui avaient fait pencher la balance du mauvais côté, pour ce qui me concerne. Pour autant je reconnais la qualité du saxophoniste souvent excellent quand il ne tient pas la bride.

Avec cet album on stationne dans ce même « Smooth Jazz » qui parfois m’horripile, évidemment je crains le pire, mais il faut attendre le titre six, pour y être confronté, c’est un peu le problème avec Laurent, il ne se donne pas de limite. Comme sur « We try » où il répète plusieurs fois de suite la même phrase au saxo, semblant y trouver un intérêt.

Il y a également Jeanne Added qui est invitée pour chanter « Meilleur », et Puppa Jim sur « Globules Rouges », leur présence est signalée sur la pochette par un autocollant, on peut y lire également la phrase suivante : « Après la vie terrestre, bienvenue au Paradis, on s’accoude à l’Eden Beach Club, on commande un cocktail, on est bien… » Je comprends qu’une telle entrée en matière en effraie plus d’un, le « paradis » ayant, ma foi, sans doute plusieurs visages…

Dans la veine choisie, « Meilleur » s’en sort pas trop mal, tant qu'on y est, et « La Marche des Animaux » pourrait faire l’affaire pour une « chenille » de l’extrême fin de nuit, quand les paupières tombent et que les saveurs orientales imposent la couleur et le rythme. C’est peut-être même le sommet ici, mais il est également possible que ça vous laisse de marbre, si vous avez le vin un peu triste…

On quitte l’alBoum sur « « Dance For Eternity » chanté par Laetitia N’Diaye, encore un bon titre, il faut en profiter car ils ne sont pas pléthores ici. Là où on rigole un peu, c’est que jazz Mag l’a sélectionné dans les « chocs » du mois de mai, perso j’ai du mal à percevoir la pertinence musicale d’un tel choix.

Je vous recopie la dernière ligne de conclusion du chroniqueur Guy Darol qui contrebalancera mon propos : « Récréatif et cependant profond, cet album de photos musicales est de bout en bout imprégné d’une sublime mélancolie qui appelle, au moyen de mélodies rétrofuturistes, le retour des verts paradis ».

Je fais bien de me méfier des personnes qui utilisent l’expression « rétrofuturiste », cela ne présage souvent rien de bon.

Welcome


Laurent Bardainne & Tigre d'Eau Douce - Eden


Meilleur


Dance for Eternity
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 7 juin 2024 05:30

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Charles Gayle, John Edwards, Mark Sanders – Seasons Changing – (2019)

Charles Gayle, comme un retour à l’essentiel, et même à l’essence du jazz, au « connais-toi toi-même », comme disent les philosophes. Loin du « Smooth Jazz » alimentaire, Charles Gayle a creusé sans cesse le même sillon, authentique et intègre tout au long de sa vie, la musique et ce qu’elle charrie est son sang même, sa raison de vivre, sa foi, sa vie.

C’est le dernier enregistrement de Charles Gayle, live au « Café Oto » de Londres, le quinze novembre deux mille dix-sept. Il a soixante-dix-huit ans pétant, et joue du piano un peu, du saxophone alto, beaucoup, et du ténor, le reste du temps. Alors peut-être vous attendez-vous à un album mineur ou placide, ou encore convenu, et bien non, il faudra s’y faire, jusqu’au bout Charles stupéfie, « et ici, aussi », comme dit la chanson…

Deux sets sont joués la même journée, ou peut-être est-ce la même nuit, c’est l’hypothèse qui a ma faveur, et pour en rendre compte, tout est enregistré. Le premier Cd se nomme donc « Set 1 », quarante-quatre minutes qui contiennent trois pièces ou plutôt trois impros. Le second set se présente lui aussi comme un énorme bloc de plus de quarante-neuf minutes et se pose, évidemment sur le second Cd. Bien que ce dernier soit limité à cinq cents exemplaires, il se trouve assez facilement, et à petit prix, ce qui de mon point de vue s’appelle une bonne affaire, compte tenu de la qualité de la musique jouée.

Le Cd « un » se greffe à la première partie de la vie du saxophoniste, très rentre-dedans, plutôt frondeur et bravache, il attaque et offre sa poitrine aux coups, invincible il restera d’airain. Son arme est l’alto, vif et souple, il sait également être efficace et se plie à toutes les tactiques à grande vitesse.

Son meilleur allié de poids se nomme John Edwards, l’homme à la contrebasse, lui aussi sait être énorme, sonore et guttural, il fait également preuve de souplesse malgré son envergure… Il sait également se montrer inflexible et manie fort bien la parade, mais sa qualité la plus redoutable est sa capacité à l’abstraction, dessinant des fils et des pièges dont on ne sort pas facilement.

Il y a également le solide Mark Sanders qui est à la batterie, il possède également une belle expérience au pays du free et ne manque pas de munitions, il sait alimenter le front en provisions avec prévision, taper juste et fin, mais également mitrailler à l’occasion. Les trois réunis forment une fameuse machine qui ne connaît ni le doute, ni la retraite, ici on fait face…

Pour le repos, Charles se pause et joue du piano, un peu à la fin du premier set, lors de la troisième partie, et vers le milieu du second. Avec ce dernier, il commence plus tranquille, on pourrait parler d’une sorte de blues, malgré qu’il y ait comme du raffut, quand il entreprend le piano, il est tout calme, mais brièvement peut s’énerver et se prendre pour Cecil Taylor, pulsé par la section de feu à l’arrière, ce qui ne présage rien de bon pour qui aurait l’idée de se retrancher, en face.

Au fil de ces divagations géniales quelques citations parleront aux oreilles de ceux qui connaissent un peu la culture jazz, et c’est une déflagration qui s’annonce, avec « All the Things You Are » ou « What’s New » et même « Naima ». Le public répond avec un enthousiasme fort et puissant, les gorges hurlent et grognent, comme si elles se lançaient pour bouter l’envahisseur et le reconduire…

Le dernier album de Gayle n’est décidément pas un album si paisible, il brûle encore de l’incendie intérieur et inextinguible, mais il possède également, en fin de seconde partie, comme une sérénité qui s’installe, car, on le sait, en deux mille vingt-trois, à New York, quartier Brooklyn, la lumière s’éteindra, et ne resteront que quelques images et cette musique unique, à laquelle d’autres viendront puiser, car, dans ce milieu, c’est la règle.

Comme un dernier adieu, il nous dit « God Bless You ! » avant de tirer le rideau.

Part 1


Part 2
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 8 juin 2024 02:36

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Bernard Santacruz, Christine Wodrascka, Philippe Deschepper & Jean-Luc Cappozzo – Recifs – (2008)

Nous voici aux Studios « La Buissonne » de Pernes les Fontaines, en mars deux mille huit, pour ce bel album de jazz un poil expérimental, mais ne fuyez pas, que du bon dans ce coin ! Déjà la prise de son est de qualité optimum, difficile de faire mieux, rien que pour ça l’opportunité est extraordinaire pour ces musiciens, tous excellentissimes, mais pas tous reconnus pour ainsi dire, à part, me semble-t-il et sans vouloir vexer Christine et Philippe, Bernard Santacruz à la contrebasse et Jean-Luc Cappozzo à la trompette et au bugle.

Justement l’occasion nous est donnée d’écouter Christine Wodrascka au piano et Philippe Deschepper à la guitare, deux musiciens remarquables, de très grands techniciens attirés par l’improvisation et la création, avec des idées qui pointent à vive allure, fusant à grande vitesse et donnant à cet album une écriture tout à fait passionnante. Accompagnés de Bernard Santacruz ils forment le trio « Palimpseste » et invitent donc Jean-Luc Cappozzo à visiter ces curieux « Récifs ».

Le genre d’album qui scotche, pour peu que l’on s’y plonge. Il y a treize pièces dont huit sont le fruit de l’improvisation collective, nées de l’urgence du moment, du désir de dialogue, trilogue ou tout simplement de la nécessité de l’échange, stimuli nécessaires au désir de créativité : Faire surgir de la beauté à partir du rien, construire une barraque qui tienne ou un édifice qui irradie le beau, la lumière.

« Particules » est signé Philippe Deschepper, « Native » Christine Wodrascka et « Recifs » Bernard Santacruz, les pièces sont toutes plutôt brèves, sauf « Un défilé bleu » de plus de treize minutes et « Roc et Sable » qui frôle les onze minutes. Ainsi l’album est parcouru par de vifs éclats qui se succèdent, prétextes à des commentaires rapides, comme des répliques à l’intérieur des échanges, mais il se peut aussi qu’inversement on prenne le temps, que l’on dilate en le soumettant à une sorte de distorsion et que seule la durée soit apte à relater le discours…

Cet album a été mon compagnon d’endormissement le temps de quelques nuits, allongé dans l’obscurité avec juste la lumière d’une « led », laisser les sons venir et agir, les écouter surgir et disparaître, se mélanger, étonner et séduire, tisser une toile qui piège le sommeil et enfin, s’endormir en emmenant la musique dans son sommeil et glisser vers l’autre monde, calme et inconscient…

On peut imaginer des images à partir de ces musiques, c’est encore plus aisé sur les deux titres plutôt longs, elles viennent toutes seules, sou forme de paysage ou de sentiments. A l’origine, comme le titre l’indique, l’album est un jeu autour de la minéralité, de la matière, qui servent d’inspiration à nos musiciens, mais chacun suivra son propre fil et celui de son imagination…

Malheureusement pas d'extrait, je posterai donc à nouveau en fin de matinée...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 8 juin 2024 12:40

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The Don Ellis Orchestra – Electric Bath – (1967)

Don Ellis est le chef d’orchestre d’un Big Band, également arrangeur et trompettiste. Il propose avec cet album une musique dite « blanche », assez hors norme et décalée pour l’époque. Particulièrement la complexité des arrangements qui n’excluaient pas une certaine emphase ou une ouverture vers les musiques typées exotiques. Ainsi les rythmes pouvaient alors sembler fantaisistes bien que flamboyants, et les colorations bizarres et originales, alors certains le qualifiaient à la limite du bon goût, mais chacun jugera…

Car il y a de la qualité, et la norme de la fin des années soixante était déjà bien ébréchée et remise en cause par les plus modernistes. On trouve dans cette musique un peu de tout, des folklores imaginés ou recréés, des rythmes afro ou caribéens derrière des airs aux origines exotiques peu claires, des mixages osés ou stupéfiants. Bref un grand barnum qui respire la liberté débridée au service d’une certaine complexité, mais dans un cadre tenu et, malgré tout, classique et plutôt normé.

C’est un des tous premiers albums de Don Ellis, et son premier en studio. L’édition Cd que je possède contient deux titres bonus, en plus des cinq qui constituent l’édition originale. Il y a vraiment du monde, cinq trompettistes, trois trombonistes, cinq joueurs aux différentes anches et flûtes. Mike Lang aux claviers, trois bassistes dont un qui joue également du sitar, Steve Bohannon à la batterie, et trois percussionnistes. Ainsi on dépasse la vingtaine de musiciens pour un rendu sonore épatant !

L’album a été plutôt bien reçu en fait, précisément pour son audace qui était perçue assez souvent sous un angle humoristique, ce qui autorisait beaucoup. Ainsi la première pièce, souvent citée comme étant la plus remarquable, « Indian Lady », avec ses fausses fins et ses redémarrages, son exotisme et sa course folle, marque sa différence, Don Ellis y joue d’une trompette électrique, ce qui était inusité à l’époque et donne un effet peu banal, même aujourd’hui.

Les autres pièces sont également intéressantes et appuient sur les points forts déjà décrits, on remarque « Turkish Bath » et le phénoménal « New Horizon », ainsi que « Alone » la chouette seconde pièce et « Open Beauty ».

L’album évidemment a subi les outrages du temps, puisque ce qui fit sa notoriété fut alors sa modernité et son audace, qui, évidemment n’apparaissent plus lors de l’écoute d’aujourd’hui. Mais restent quelques thèmes, de beaux arrangements et le côté un peu décalé qui résiste encore un peu. Il a été nominé aux Grammy Awards en soixante-huit et a remporté le titre de l’« Album de l'année » dans le sondage annuel des lecteurs de Down Beat.

Indian Lady


Alone


Don Ellis - Turkish Bath


Don Ellis Orchestra New Horizons
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 9 juin 2024 03:02

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Kenny Barron – Beyond This Place – (2024)

L’album vient de sortir et est encore tout frais, mais il a été enregistré les vingt-cinq et vingt-six février deux mille vingt-trois, c’est-à-dire l’année des quatre-vingts ans de Kenny Barron. Le temps file et les années avec, qui s’empilent implacablement, c’est peut-être une des raisons de ce titre « Beyond This Place », comme si l’au-delà est une évidence, une promesse qui se réalisera pour peu qu’on y croie, à travers la foi, quelle qu’elle soit !

Kenny n’est pas seul, et l’album est une fête, Johnathan Blake est à la batterie, Kiyoshi Kitagawa à la contrebasse, Steve Nelson au vibraphone et Immanuel Wilkins au saxophone alto. Le personnel est sensiblement fluctuant au fil des pièces, mais tout est expliqué avec précision sur la pochette, mais la formation en quintet est la plus prolifique.

D’évidence on se tourne vers la réunion des deux extrêmes en termes d’âge, le vieux Baron et le jeune Wilkins, la moitié de son âge et déjà une star, un côté surdoué qui plaît et qui attire l’attention des plus grands, qui sauront lâcher le conseil avisé, la remarque d’apparence anodine qui pèse son poids, pour qui sait l’entendre. Il y a de ce registre là sur cet album…

Un album très lumineux, vraiment parfait, et même admirable, mais consensuel et attendu, si ce n’est la précision extraordinaire de ce qu’on entend. Du post bop très maîtrisé, la reprise du standard « Softly As In A Morning Sunrise », par exemple, sous la forme d’un duo piano, batterie, est une véritable pépite, pourtant ce thème a été vingt mille fois interprétés, et les deux réussissent encore à captiver par leur science extraordinaire de la mise en place…

C’est un peu ça cet album, une petite boîte à bijoux, avec des pépites rutilantes que l’on n’attend pas, le très lent « The Nearness Of You » qui crée l’ouverture au précis et vif « We See », qui permet au jeune et au vieux de faire un superbe duo, chacun épatant l’autre, bien qu’aucun des deux ne soit pourtant surpris par son partenaire, tant l’osmose est naturelle et va de soi…

Il faut signaler qu’au titre des versions, il faut à nouveau faire attention si on souhaite acheter l’album, le Cd est moins onéreux que le vinyle, mais celui-ci possède deux titres supplémentaires, ce qui pourrait faire pencher la balance pour qui est collectionneur, par exemple. Pour ma part je possède le Cd, ce qui me va.

Beyond This Place


The Nearness of You


We See


Softly As in a Morning Sunrise
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 10 juin 2024 04:24

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Michel Edelin Quintet Special Guest John Greaves – Echoes Of Henry Cow – (2019)

Drôle de nom pour cet album, qui ne se veut pas un hommage, mais, comme indiqué un « écho », plus qu’un clin d’œil, sans doute également la manifestation d’une certaine admiration, voire davantage quand Michel, alors flûtiste de la formation Triode, à la bordure d’une fusion jazz et rock, croisa la route d’Henry Cow au travers d’une programmation au festival de Nancy Jazz Pulsation, en soixante-quinze. La rencontre fut d’importance et influa sur la musique de Michel, qui, en retour créa sur le tard cet album en invitant en outre John Greaves en tant que récitant.

En conséquence le répertoire est souvent signé Fred Frith et Chris Cutler, trois pièces, plus une adaptation par ces deux-là d’« On Suicide » de Bertold Brecht, ainsi qu’une compo du seul Fred Frith, « Ruins », et une autre encore de Lindsay Cooper, « Half The Sky » qui ouvre l’album. Ce qui n’empêche pas Michel Edelin d’incorporer deux compos de son propre cru.

Outre John Greaves et le flûtiste, Sophia Domancich joue du piano et du Fender Rhodes, Sylvain Kassap de la clarinette et de la clarinette basse, Stéphane Kerecki de la contrebasse et Simon Goubert de la batterie. Un quintet d’exception et de haute volée, réuni autour de ce projet, reconnaissons-le, terriblement séduisant. Hélas avec un handicap pour moi qui ne maîtrise pas la langue en évidence.

Malgré tout la musique est là, passée au tamis du temps, dans les pliures de la mémoire, transformée mais le cœur encore battant, comme une trace, un écho, donc. Et la musique est belle dans cet apparat, comme une sorte de récit, avec des images, des coupures dans le temps qui reviennent comme des flashs…

Alors forcément, il y a du bancal retravaillé, du neuf surgit du vieux, de la recréation, et la flûte de Michel toujours extraordinaire, prompte à s’envoler et à nous saisir dans ce voyage aérien, Sylvain Kassap participe également à cet enchantement et nous fait également rêver. L’univers d’Henry Cow est évoqué au travers d’une certaine transgression qui jette un œil vers le rock, mais aussi vers l’improvisation autour de la narration, mais surtout à travers l’esprit que le groupe véhiculait avec ce mélange de jazz, de rock, et de musique d’avant-garde.

Un bel album singulier, plutôt facile à écouter, mais, pour moi, le regret de ne pas tout « saisir » …

Half in the sky


Living in the heart of the beast


War


After the flood
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 11 juin 2024 03:33

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New York Art Quartet – Old Stuff – (2010)

Cet album, paru en deux mille dix, est l’étape finale de la découverte de bandes historiques, on peut même parler dans ce cas d’archives, de l’un des plus remarquables groupes du free jazz naissant. Le « New York Art Quartet » est composé à l’origine de John Tchicai au saxophone alto, qui participa à l’enregistrement de l’ « Ascension » de Coltrane. Il y a également Roswell Rudd au trombone, venu du Dixieland il se métamorphosa en pionnier du free avec son instrument. Il y avait aussi le bassiste Don Moore et l’extraordinaire batteur Milford Graves.

Leur premier album, enregistré en soixante-quatre, parut l’année suivante sur ESP, et frappa les esprits, c’est un album emblématique du free jazz. Il se trouve que John Tchicai est danois, et qu’il partit en quête de concerts dans son pays natal, bientôt rejoint par Roswell Rudd. L’histoire ne dit pas si les deux autres avaient peur de l’avion, toujours est-il que les deux musiciens sur place embauchèrent le bassiste de Copenhague Finn von Eyben et le batteur sud-africain Louis Moholo, qui venait de quitter l'Afrique du Sud avec les « Blue Notes ».

C’est cette formation qui est ici enregistrée, à Copenhague, au « Montmartre Jazzhus », le quatorze octobre pour le premier concert qui contient les six premiers titres. Le second set se déroulera dix jours plus tard, au « Concert Hall of the Radio House », il concerne les cinq titres restants. Les deux concerts furent retransmis à la radio danoise.

Le Cd est bien plein puisqu’il dépasse les soixante-dix minutes, l’impression de ne rien rater, le premier set étant le plus long. Seule la pièce « Old Stuff », de Roswell Rudd, est jouée deux fois, dans deux versions différentes.

Bien que l’on parle de free jazz, ce qui ne faisait aucun doute à l’époque, avec nos oreilles d’aujourd’hui la perception n’est plus la même, et nous trouverons de l’ordre dans cette musique pourtant libre d’entraves. Ainsi le bop reste perceptible sur certaines attaques et sur quelques thèmes, comme celui de Monk, « Pannonica » que le prophète avait écrit en hommage à l’aristocrate blanche Pannonica de Koenigswarter, surnommée « la baronne du Jazz », qui aidait les musiciens de jazz en déshérence…

Les autres pièces se répartissent équitablement entre John Tchicai et Roswell Rudd, qui nous régalent véritablement, d’autant que les deux nouveaux sont particulièrement brillants et pertinents, chacun dans leur rôle. Le son est également de très bonne qualité, je ne sais s’il y a eu un travail de restauration, mais c’est très au point.

Les photos présentes sur le livret sont également intéressantes, elles nous montrent quatre jeunes musiciens déjà très opérationnels, Roswell Rudd est particulièrement à la fête, c’est toujours agréable de l’écouter, goûtant la liberté et sortant des cadres.

Un chouette document prélevé au temps…

New York Art Quartet - Old Stuff (1965)


New York Art Quartet - Rosmosis


Kvintus T


Sweet V
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 12 juin 2024 01:31

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Arthur Doyle's Free Jazz Soul Orchestra – Bushman Yoga – (2007)

Passons directement à l’essentiel avec cet album de l’incroyable et impayable Arthur Doyle, artiste hors normes, complètement décalé, tellement il est à l’ouest…

On compte douze compos, toutes « Untitled », impossibles à différencier autrement qu’à l’écoute, pourquoi s’embêter à mettre un simple numéro, alors qu’un ordre s’impose pour qui se plonge dans ce truc assez inouï. En effet c’est un enregistrement de concert à « l’Eyedrum » d’Atlanta le quinze septembre deux mille six, alors il suffit de suivre sans trop se poser de question et tout ira bien.

Entre les pièces ce n’est pas trop formidable non plus, par manque de fluidité, coupure avec « blanc » inexistants ce soir-là. Mais, nom de nom que c’est beau ! De l’art brut, du roc, solide et massif, bien que plein de fioritures, de dentelles et de sensibilité. Il y a toute la sincérité du monde qui s’entend ici, et ça n’a pas de prix, même si Arthur Doyle anone, fébrile, quand la voix chante…

C’est ce que je recherche plus que tout quand j’écoute un album, c’est pourquoi Albert Ayler est souvent placé si haut, Comme Trane, Charles Gayle ou Chet Baker. Dès la troisième piste je suis « pris » par le son de ce sax lors de l’intro de cet incroyable et inimitable « Frère Jacques ». Le niveau ici se maintient, pour moi, à un stade extrêmement haut. Je comprends également ceux qui n’accrochent pas, mais je ne les envie pas.

Bon, Arthur Doyle est au sax et au chant, car il chante véritablement, et l’âme ici s’entend. Ed Wilcox est à la batterie, au chant, à l’harmonica et au sifflet, il a également peint la chouette pochette, recto et verso. Adam Agra tient la guitare et le banjo, il apporte une belle couleur sur cet album ainsi que James Harrar à la kora et aux instruments à vent et Jay Reeve à l’électro.

La musique est vraiment du genre « cool », juste se laisser porter par le courant, se livrer aux bonnes ondes et suivre, au gré du flot, le climax et ses gradations ascendantes, de pièces à pièces, jusqu’à l’étape finale, une heure et dix minutes plus tard, de quoi vivre une cure de bien-être bienfaisante, pour peu que vous fassiez partie de ceux qui sont prêts à entreprendre ce voyage.

Au titre de l’anecdote, tout de même plutôt triste, il faut savoir que lorsque le free battit de l’aile aux States, Doyle décida de migrer sur Paris. Peu après son arrivée il a été arrêté sur la base de fausses accusations et a passé cinq années en prison. Sans instrument de musique il se consacra pendant ce temps à l’écriture de plus de trois cents compositions. Dès qu’il fut libéré, il dégagea vite fait et se réfugia à New-York, où, au bout du compte, il n’était pas si mal…

Je vous glisse ça sans raison particulière, mais c’est ce qui se raconte à propos du musicien Arthur Doyle, semble-t-il plutôt du genre cool et inoffensif…

Je vous souhaite une bonne écoute…

Arthur Doyle's Free Jazz Soul Orchestra-Bushman Yoga (Full Album)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 12 juin 2024 14:53

Au fait, c'est quoi la "respiration circulaire" appelée également le "Souffle continu"?

Et bien voilà c'est ça:

Virginia Genta sax solo at Blackout Fest 2018

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 13 juin 2024 04:52

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Stefano Di Battista – La Dolce Vita – (2024)

J’aime beaucoup Stefano di Battista, en jetant un rapide coup d’œil je m’aperçois que c’est mon cinquième album du saxophoniste. J’ai particulièrement aimé la période Blue Note, pendant laquelle il a enregistré de somptueux albums, dignes du prestigieux label. L’hommage à Morricone sur l’album précédent était de bonne tenue, mais n’atteignait pas les sommets du passé, alors qu’en est-il de celui-ci ?

Stefano s’est entouré d’excellents musiciens, Fred Nardin au piano, Daniele Sorrentino à la basse, Andre Ceccarelli à la batterie et Matteo Cutello à la trompette, par ailleurs. Côté qualité sonore c’est également au top, le son est clair et lumineux, prompte à rebondir pour cette musique souvent pleine d’allant, ou tout balance et tournoie.

Cet album est un hommage à une certaine Italie, celle, comme l’indique le titre, de « La Dolce Vita », avec un brin de nostalgie et des airs emblématiques de cette époque dorée, alors les interprétations se succèdent et tout revient, « Volare », « Amarcord », « Via Con Me », « La Califfa », douze titres qui se succèdent, chacun remontant sa part du passé, du plaisir ressuscité.

Les signataires sont pour la plupart de grandes icônes ou des compositeurs souvent adulés, Ennio Morricone, Nino Rota, Piero Umiliani pour « Sentirsi Solo », Paolo Conte, Bobby Solo, pour « Una Lacrima Sul Viso », bref tout cela est bien bel et bon ! L’interprétation est soignée, aux petits oignons, et les arrangements rendent honneur aux compos, c’est pas un album de déconneurs ou d’avant-gardistes, car tout est plutôt posé, le cadre est profitable aux chouettes mélodies et à leur mise en évidence.

Un petit mot pour le trompettiste Matteo Cutello, certainement le moins connu du lot, et bien il est fort le gars, il brille sur « Sentirsi Solo » et confirme qu’il y a d’immenses talents venus de partout sur ce continent. L’album devrait plaire, déjà parce qu’il est fait pour ça, tous ces beaux thèmes qui se succèdent donnent à se souvenir, à rêver au temps d’avant, aux sensations qui ne reviendront plus…

Un album confortable par ailleurs, finement exécuté, avec beaucoup de lyrisme également, si vous aimez le « jazz » cosy, avec des paillettes et la « patte » italienne, de Naples à Rome, ça devrait vous plaire, si vous êtes cinéphiles et amateurs de B.O, ça pourrait également… On se quitte avec « Caruso » de Lucio Dalla, dont vous connaissez sans doute l’air, sans en connaître peut-être l’origine, c’est le genre d’albums capable de ça !

Volare


Sentirsi solo


Una lacrima sul viso


Caruso
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 14 juin 2024 02:47

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Jay Jay Johnson – The Eminent Jay Jay Johnson, Volume 2 – (1956)

Jay Jay Johnson, né James Louis Johnson, obtint son surnom grâce aux deux « J » qui commencent son prénom et son nom, ainsi il est également noté « J.J. Johnson », nom sous lequel il figurera de nombreuses fois sur les nombreux albums Blue Note auxquels il a participé.

Dans les années cinquante il est très recherché, étant l’équivalent de ce que représente un Charlie Parker au saxophone alto, ou un Dizzy Gillespie à la trompette ou encore un Max Roach à la batterie, pour situer le niveau et la place du gars. Ceci dit, lui, sa spécialité, son domaine de prédilection où il excelle et se montre inégalable, c’est le trombone, l’instrument où il règne sans partage, tout au long du règne be-bop, taquiné, petit à petit, par l’arrivée de Kai Winding ou de Bennie Green, avec lesquels il enregistrera…

A l’origine la série « The Eminent Jay Jay Johnson » comprendra trois volumes, qui tous les trois sortiront en mille neuf-cent cinquante-cinq. Mais dès l’année suivante, le jeu des rééditions bouleversera les cartes, et les titres se modifièrent au gré des sorties, jusqu’à obtenir l’ensemble des titres, avec des inédits et, surtout, la globalité des différentes sessions dans l’ordre chronologique d’enregistrement, ce qui correspond à ce que demande le public.

Ici, par exemple se trouvent deux sessions historiques intégrales, celle du vingt-quatre septembre mille neuf cent cinquante-quatre, avec, outre le leader, Wynton Kelly au piano, Charles Mingus à la basse, Kenny Clarke à la batterie et Sabu Martinez aux congas, qui enregistrent six titres. La seconde session est celle du six juin cinquante-cinq, avec Hank Mobley au sax ténor, Horace Silver au piano, Paul Chambers à la basse et Kenny Clarke à la batterie, six pièces sont également enregistrées, avec un ajout de trois versions alternatives, de quoi enrichir l’album jusqu’au max enregistrable sur un CD.

Tout s’est déroulé selon l’ordre des choses, au mythique et vénéré « Van Gelder Studio », à Hackensack, dans le New Jersey, tous les musiciens trimballés par taxis avec quantité de sandwichs et de provisions diverses, de quoi tenir jusqu’à ce que tout « schwing » comme disait le producteur Alfred Lion, ou plutôt « Swing » comme il aurait fallu dire, et qu’enfin, à ces mots, les sourires éclaircissent les visages, preuve que les albums étaient parfaits, dignes des autres Blue Note !

Alors c’est du be-bop pur jus et authentique, un morceau de l’histoire du jazz, comme l’ensemble des autres lors de cette période bénie. S’il faut être un poil pignouf, on pourrait accorder le point à la seconde session, grâce à Hank Mobley très tranchant et Horace Silver royal, mais de très beaux titres tout de même sur la session Mingus, Kelly.

Sur cette dernière on remarque « Jay » sur tempo rapide, signée par le tromboniste, et « Time After Time » sortie en quarante-sept et très remarquée dans le registre de la variété, Sarah Vaughan l’a interprétée, elle contient un superbe solo de J.J. très en verve.

Lors de la seconde session on peut apprécier le standard « Pennies From Heaven » ici un peu chamboulé, avec J.J. qui utilise une sourdine et Hank mobley très chaud. « Groovin’ » est plein de groove et swing un max avec un gros feeling tout du long, Horace Silver y prend la part du lion dans un style résolument moderne pour cette période.

Un sans-faute !

Old Devil Moon (feat. Wynton Kelly, Charles Mingus, Kenny Clarke)


Time After Time


Pennies from Heaven


Groovin'
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 15 juin 2024 04:00

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Ibelisse Guardia Ferragutti & Frank Rosaly – Mestizx – (2024)

Ibelisse Guardia Ferragutti et Frank Rosaly forment un couple dans la vie comme dans la musique, et cet album « International Anthem » est leur premier. Elle est chanteuse et joue de pas mal d’autres instruments au travers des pièces, genre claviers ou guitares. Franck Rosaly est un batteur chicagoan rattaché au monde du jazz, ce qui peut expliquer et motiver le choix du label, lui aussi bénéficie d’autres atouts et joue des synthés et d’instruments plus traditionnels d’Amérique du Sud. Ils sont basés en Europe, à Amsterdam.

Sans doute est-il bon désormais de construire une histoire pour justifier sa démarche et expliquer la musique que l’on joue. Ainsi ils se sont plongés dans leurs racines respectives en Bolivie, au Brésil et à Porto Rico pour « créer une méditation profondément personnelle sur la décolonisation et le pouvoir de défi des rituels et de la protestation », je cite. Ils ont choisi le titre MESTIZX, une version non genrée du mot colonial espagnol parfois confus pour « personne mixte ». Comme je suis un gars simple, je suis un peu perdu alors je vous ai cité des extraits du « bandcamp » explicatifs.

L’une des conclusions de cette démarche c’est qu’ils chantent en espagnol, perso ça me va, je suis un amoureux des différences et des sonorités authentiques dans les chants, arabe, japonais, ouzbek ou congolais… Ils marquent le point. Les percus aussi, souvent très à l’avant, ça me plaît bien, d’autant que le gars est habile et joue très bien de différentes percus, Woodblock, cloches, mbira, guiro, pandeiro…

Il y a également la troupe des invités qui s’ajoute au fil des pièces, Chris Doyle, Ben Lamar Gay, Rob Frye, Daniel Villarreal et des tas d’autres encore… Il faut également souligner que le duo est auteur compositeur et très « éveillés », pour ceux qui auraient raté l’étape plus haut.

Un poster est fourni dans la pochette du vinyle, d’un côté les notes concernant l’album et de l’autre un Poster photo couleur y compris le message : « Maîtrisant mes mots, j'embrasse la connaissance de mon corps, détissant l'homogénéité, je me tourne vers les différences, le présent. »

Je comprends que je n’ai pas tout saisi, car le monde tourne trop vite pour moi. Mais en gros c’est pas trop mal, dans l’air du temps, mais pas foufou non plus. Une petite coquetterie de fin d’album face deux, le bras ne se soulève pas et tourne à l’infini, tant que la platine est branchée…

Ibelisse Guardia Ferragutti & Frank Rosaly "DESTEJER"


Ibelisse Guardia Ferragutti & Frank Rosaly - "MESTIZX"


BALADA PARA LA CORPORATOCRACIA


SABER DO MAR
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 16 juin 2024 03:02

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Charles Gayle – Repent – (1992)

Parmi les albums historiques de Charles Gayle, « Repent » est un monument, mais voilà, non réédité, il coûte assez cher pour un simple Cd. Il faisait à la fois partie des albums qu’il me fallait dénicher pour l’écouter dans de bonnes conditions, et en même temps essayer de trouver un exemplaire qui ne fasse pas trop trembler ma bourse…

Bon je l’ai enfin dégoté, le couvercle du boîtier est effectivement abîmé, mais la bête est bien là et s’offre à l’écoute. « Made in Canada », deux titres seulement, « Repent » d’une durée de vingt-trois minutes et quarante et une secondes et « Jesus Christ And Scripture » qui s’installe sur cinquante minutes et trente-cinq secondes, on est ici placé haut dans l’énorme !

L’album succède au « Always Born » de quatre-vingt-huit, en quartet, au « Spirits Before » enregistré dans la foulée en trio, et à « Homeless » de quatre-vingt-neuf en trio également. D’une certaine façon il clôt la période de la renaissance de Charles Gayle, qui, de mon point de vue, ne contient que des albums exceptionnels, à l’image des premiers Albert Ayler sur ESP. Je précise que ces avis ne sont pas forcément partagés par tous…

Ces pièces sont enregistrées « at the Knitting Factory », « La filature », Houston Street à New York. Charles Gayle joue du saxo ténor, Vattel Cherry de la contrebasse, Hilard Greene de la contrebasse également sur « Repent » et David Pleasant de la batterie. Des musiciens magnifiques, au diapason de Charles.

Peut-être, pour commencer, faudrait-il saluer l’intégrité de ce grand musicien que l’on entend ici dans un effort extraordinaire, ne se ménageant guère et soufflant de façon magistrale dans son ténor, ne lâchant le devant de la scène que rarement, sinon vers le milieu de la seconde pièce pour laisser la place de soliste, à Vattel Cherry, puis à David Pleasant.

Il faut répéter aussi, pour qui l’ignorerait, qu’il est fidèle au free jazz canal historique, malgré que cette musique ne fasse plus trop recette, mais pour lui, il n’y a aucun doute, il suit sa voie contre vents et marées, traversant océans et montagnes, aucun obstacle ne le fera dévier de sa route, il en paiera d’ailleurs chèrement le prix, mais je n’insiste pas davantage, vous connaissez l’histoire.

Ne cherchez pas de thème lors de ces deux improvisations, s’il y en a, ils sont bien cachés, pour autant l’impro du saxophoniste est en tous points hors normes, se renouvelant sans cesse, et ne passant pas deux fois au même point, la route est tendue et mène quelque part, sans jamais jeter de regard vers l’arrière.

On retrouve sur cet album les « démons » de Charles, ou plutôt faudrait-il parler de ses engagements profonds envers la croyance et la bible, à travers les titres des deux pièces, bien sûr, mais aussi sur la rectitude du bonhomme qui ne laisse jamais place au doute, qui, pourtant, pourrait présider, s’il n’y avait la force aveugle de la foi.

Cet album est comme un feu brûlant, une plongée éperdue vers une sorte d’au-delà, à cet égard les sept dernières minutes de « Jesus Christ And Scripture » sont dantesques, surtout si l’album est écouté dans son intégralité en une seule fois, sans doute la meilleure façon de le vivre avec l’exigence requise, mais l’exercice n’est peut-être pas destiné à tout le monde.

Autrement il reste un doute sur les conditions d’enregistrement, certains le présentent comme un enregistrement en public et d’autres en studio. Il est vrai qu’il il n’est jamais fait mention de capture live sur la pochette, et la « Knitting Factory » ne semblait pas transformée en club en cette période. Ce qui est sûr c’est qu’il a été très certainement capté dans les conditions du live, improvisé, et qu’à la fin de l’album des applaudissements sont perceptibles, alors véritable concert ou simplement réunion entre amis, peu importe finalement…

Repent


Jesus Christ And Scripture
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