Sun Ra – The Heliocentric Worlds Of Sun Ra, Volume 2
Enregistré en 1965 et paru en 1966.
Regardez bien les médaillons au bas de la pochette vous y découvrirez Léonard de Vinci, Copernic, Pythagore, Galilée, Tycho Brahe (non, ce n’est pas lui l’intrus, c’est un astronome Danois) et… Sun Ra, le quatrième en partant de la gauche.
Est-il si grand notre demi-Dieu ?
Il émane de sa personne, de son nom, tel Raspoutine (par exemple) ou Mata-Hari (si vous préférez) une image de mystère, de fascination qui va au-delà même de la musique. Ce décalage est réel et même injuste au regard de son réel apport à la musique, si l’on pense à John Coltrane, Ornette Coleman ou Albert Ayler.
Pourtant il a su créer autour de sa personne une image charismatique étonnante, il aura réussi à faire ce que seuls deux ou trois avant lui (Duke Ellington, Count Basie) ont pu mener à bien : maintenir à bout de bras, contre vents et marées, l’existence d’un big-band de Jazz, traversant les modes et les décennies ! Et qui plus est en jouant la musique la plus confidentielle qui soit, souvent à la pointe de l’avant-garde musicale, une musique difficile d’accès qu’il enrobe d’une présentation visuelle, sur scène, carnavalesque et bien barrée. C’est un homme libre et indépendant qui aura su, au-delà de l’apparence, créer et partager une musique essentielle.
Le Vol.2 de ces mondes héliocentriques se partage en trois titres et prolonge la musique du vol. 1, The Sun Myth comprend toute la première face. L’introduction à la basse puis aux percussions semble parasitée côté gauche par de lointains (presque inaudibles) chants africains. Les anches arrivent, se superposent, l’archet frotte la basse, puis l’orgue intervient, les musiciens arrivent ainsi, en couches successives, ajoutant sonorités singulières et touches improvisées.
Puis l’accumulation des instruments crée une tension bienvenue qui dilate le temps, le piano du Sun intervient alors, donnant le signal d’une accélération de la musique, batterie, saxs, clarinette basse, tout s’accélère, s’ajoute… Puis pause à nouveau, claviers, moog, la basse toujours, colonne vertébrale de l’orchestre, cordes frottées à l’archet, puis pincées… Le silence.
L’introduction d’A House Of Beauty consiste en un dialogue entre Ronnie Boykins et Marshall Allen à la flûte, la musique se structure en dialogue, mais nous voilà déjà à l’intérieur de Cosmic Chaos qui évolue vers un quatuor basse, batterie, piano et un extraordinaire solo de Gilmore au ténor qui démontre ses exceptionnels talents de musicien. Les percussions interviennent tout au long du morceau, désarticulant la musique, puis lui redonnant souffle et vie en de brèves relances rythmiques…
Cinquante-sept ans déjà que cette musique a été jouée, et elle semble encore tellement actuelle et essentielle…
SUN RA - The Heliocentric Worlds Of Sun Ra Vol. 2 LP 1966 Full Album
Roots Magic Sextet – Long Old Road (Retold Pasts And Present Day Musings) – 2023
Voici le quatrième album de cette formidable formation, ça reste d’ailleurs un mystère pour moi, comment se fait-il que ce groupe ne soit pas plus connu ni apprécié ? Emballant dès la première écoute, sur un créneau blues/jazz plutôt porteur, et formé de musiciens extraordinaires, il semble réunir tellement de qualités que cette indifférence est pour le moins troublante. Pour ma part je possède les quatre albums et je les recommande.
Du coup, la pochette ne perpétue pas la galerie de portraits qui semblait être la marque du groupe, ce sera donc une roue de charrette, vieille et usée qui fera l’affaire… Ce qui n’empêche pas d’avancer, cette fois-ci en sextet, la formation se renforce…
A la base c’est un groupe romain, Alberto Popolla joue des clarinettes, de la basse électrique et du banjo, Errico De Fabritiis des saxs alto et baryton, Eugenio Colombo des flûtes et du sax soprano, Francesco Lo Cascio du vibraphone et des percussions, Gianfranco Tedeschi de la contrebasse et Fabrizio Spera de la batterie; des percussions et de la cithare.
Il y a quelques reprises encore, c’est un point fort de la formation, le titre d’ouverture « When The Elephant Walks » de Kahil El Zabar, « Long Old Road » de Bessie Smith, « Bullying Well » de Rosa Lee Hill et le dernier titre de l’album « Things Have Got to Change » signé par Cal Massey, et dont on trouve l’original sur l’album du même nom de Shepp.
Il y a également des titres dédiés à d’autres musiciens, comme « Blue Lines » pour Muhal Richard Abrams, ou « Amber » pour Abdul Wadud. Pour finir les « curiosités » de l’album il y a quelques écrivains qui ont influencé certaines compos associées à leurs noms, Tony Morrison, Benjamin Zephania et Z.Z. Packer.
On trouve sur des structures solides des solos improvisés souvent enflammés et assez free qui donne à l’album un côté sauvage bien plaisant, il se conjugue avec un sens de la ballade habile et chaloupée, ou encore un aspect assez cinématographique qui semble vouloir faire naître des images chez l’auditeur, à la façon d’une musique de film, créant des ambiances, sans doute en relation avec les écrivains susnommés, « Drinking Coffee Elsewhere » par exemple, ou « Running as Slow as you Can ».
Sinon c’est sur « Clean Feed », comme les autres albums, « Hoodoo Blues », « Last Kind Words » et « Take Root Among The Stars », tous excellents.
Cette cité magique est une référence directe à la ville qui a vu naître Sun Ra, Birmingham dans l’Alabama, la ville la plus raciste de l’état le plus raciste des Etats-Unis. On y compte le record d’adeptes du Ku-Klux-Klan. La pochette, dessinée par Sun Ra lui-même, reproduit le dôme de la gare de Birmingham, enfant, il la voyait de chez lui...
On situe la naissance de Sonny Blount (alias Sun Ra),vers 1914. On comprend donc à quel point il a dû connaître la ségrégation, avec les jours où on pouvait et ceux auxquels on ne pouvait pas, un calendrier sinistre qui réglementait la liberté et piétinait l’égalité. Mais, malgré tout, Sun Ra vivait dans une sorte de cocon douillet et protecteur que lui avait tissé sa famille. Aujourd'hui on palabre beaucoup sur les traînées d’ombre, les silences et les dissimulations qu’il a effectués sur cette période de sa vie, occultant son enfance.
Très tôt il cultiva la différence, l’originalité, elle lui autorisait la frivolité que l’on accorde aux êtres exubérants, excentriques. C’est décidé, il est né de l’espace, poussière d’étoile anonyme… Grâce à ses talents de musicien, il pourra même aller à l’université, malgré la pauvreté et la couleur…ce qui est en soi remarquable dans un contexte où l’on déclarait : « Donnez de l’éducation à un nègre et vous le gâcherez pour la ferme ». On mesure également le courage qu’il lui fallut pour refuser de porter l’uniforme, pendant la deuxième guerre mondiale, au nom de l’objection de conscience. Les noirs Américains s’embrigadant alors en masse dans l’armée des Etats-Unis, espérant, en retour, que le pays reconnaissant leur donnerait l’égalité.
On comprend aussi son désir de quitter la région qui l’a vu naître, il préfère, dès que possible, s’installer à Chicago, creuset de l’AACM (Association for the Advancement of Creative Musicians). Les évènements violents qui accompagnèrent le mouvement des droits civiques, l’obligèrent à un retour vers ce passé qu’il n’évoquait que très rarement, ne correspondant en cette période que très peu avec sa famille. Un événement tragique le bouleversa, en 1963 des racistes incendièrent une église dans laquelle quatre fillettes périrent brûlées. L’une d’entre elle était la fille d’un ami musicien…
Que reste-t-il de son attachement à cette Cité Magique, titre de cet album ?
Il reste le rêve, le rêve d’une cité sans racisme, sans haine, d’une cité idéalisée pleine de musique et de liberté. Ce sera son parti pris pour cette œuvre, originale dans son parcours. L’un de ses albums studios les plus free et les plus débridés.
La première face est entièrement vouée à "The magic city". On peut reconnaître deux parties importantes. Pendant la première on peut entendre Sun Ra, son piano et son clavioline, l’incontournable Ronnie Boykins à la basse, et par intermittence Roger Blank à la batterie. Cette section rythmique fait corps avec Sun Ra qui la dirige d’un accord, d’un signe de la main, d’un geste ou d’un basculement du menton, improvisant totalement la pièce. L’ambiance est mystérieuse, comme dans un rêve, mais sans chaleur. On sent de la gravité et même de la rigueur, un climat qui évoque la musique contemporaine. Soudain, Marshall Allen, le fidèle, joue du piccolo et s’incorpore au trio,léger et insouciant, comme si la vie arrivait enfin...
Tout à coup, l’Arkestra dans son ensemble, bien emmené par John Gilmore et son saxophone ténor, intervient avec force et puissance, puis se rétracte lentement, laissant le ténor poursuivre son cri. Le baryton de Pat Patrick se lance à son tour dans une longue cavalcade en compagnie de Sun Ra. On reconnaît ensuite Marshall Allen et son alto, bouillonnant, à son habitude. Les chevaux sont alors lâchés : l’arkestra est en mode free et déchire tout, la musique atteint une rare intensité dans la discordance, une force monumentale dévaste l’espace, tel un ouragan l’Arkestra repousse les limites dans un jaillissement sonore éblouissant, puis, se rétractant, ces mouvements d’expansion font à nouveau place à une phase intimiste, pendant laquelle seule Sun Ra improvise jusqu’au final joué à l’unisson par le tentet…
La seconde face se voit enrichie de quatre musiciens supplémentaires : un percussionniste et trois cuivres dont deux trombonistes, elle a été enregistré, semble t-il, dans le loft de l’influent percussionniste Babatunde Olatunji. Le même qui fut plagié par Serge Gainsbourg sur l'album "Gainsbourg Percussions".
Le premier morceau joué se nomme "The Shadow world", il est introduit par une multitude de percussions qui bruissent et tissent un rythme sur lequel la basse joue une partie sautillante. Puis c’est Sun Ra et ses claviers qui entrent dans la danse, bientôt rejoints par le pupitre des anches d’où s’échappent les solos, John Gilmore à l’avant-garde. Dans un mouvement intermédiaire, Sun Ra revient seul, au piano, puis évolue sur le tapis des percussions…telles des vagues déferlantes, les souffleurs s’invitent et terminent leur course sur la grève en jaillissements improvisés. La pièce est très belle et navigue entre mystère, vapeur et fourmillements créatifs.
"Abstract Eye" est dédié principalement à Ronnie Boykins et Jimmy Johnson qui dialoguent, quelques percussions s’ajoutent ici ou là, par intermittence. "Abstract 'I' " s’inscrit dans la même veine que le titre précédent, prolongeant la verve de notre contrebassiste, décidément très en pointe, sculptant les silences avec légèreté, dessinant un paysage sonore flottant, dans une atmosphère mystérieuse, relancé sans cesse par les instruments qui interviennent de façon percussive, créant un espace magique …
Un album intense et étonnant, novateur, un des sommets discographiques de Sun Ra pendant sa période free.
On ne peut pas parler de jazz ici ou alors assez peu, bien que des musiciens de jazz soient à l’œuvre sur ces pistes. Nous sommes plutôt dans l’ambiant, cette musique parfois sans saveur, mais relaxante, qui meuble l’espace et fonctionne en toile de fond sans qu’il soit utile de l’écouter. Mais si par hasard on la fixe et s’y attarde, elle fait du bien et réconforte sans jamais vous heurter, elle penche côté sécurité, inexorablement, contraire au jazz qui affronte bien souvent tous les dangers.
Gigi Masin est italienne, elle joue des synthés et met en œuvre la programmation, Greg Foat a été formé à l’école jazz, c’est un britannique, il joue du grand piano, du Rhodes, du vibraphone, du synthé et souffle avec habileté dans les bouteilles pour en extraire de jolis sons.
Là où ça s’épaissit un peu c’est avec les invités, il y a Tom Herbert qui joue de la basse électrique accompagné de Moses Boyd qui joue de la batterie sur trois titres, du coup le jazz qui était sorti par la porte revient par la fenêtre, mais attention, c’est du soft-cool jazz-mou-mou. Il y a également un flûtiste/clarinettiste, Siobhan Cosgrove qui intervient sur deux pièces.
Côté compos mis à part deux titres signés par le seul Greg, les autres sont à mettre au crédit du duo. Cette affaire-là passe assez vite puisqu’on glisse d’une plage à l’autre sans s’en rendre compte ni même y faire trop attention. C’est une musique utile et compatible avec un tas d’activités annexes, il ne faut pas s’en priver car vous pourriez, sans y prendre garde, tomber dans l’ennui en voulant trop vous concentrer sur ce flux parfois inconsistant, sucré et gélatineux.
Vous êtes à l’école d’Eno, et oui et oui, parmi les suiveurs tous ne sont pas au niveau du génie qu’il a atteint parfois. Cet album fait donc parti des dispensables, ceux que l’on dépose dans un coin pour une durée indéterminée, on ne sait jamais, on peut le ressortir, pour des affaires exceptionnelles qui demandent une certaine relaxation, se vider la tête et laisser parler les corps, ou bien pour se vider l’esprit et faire place à une sorte de vide, un décrassage de la boîte crânienne, histoire d’appuyer sur le bouton « off ».
C’est sûr, il y a une musique pour tout…
Greg Foat & Gigi Masin - Viento Calido (Official Video)
Direct Current Feat. Atiba N. Kwabena And Dave Nuss – Live Qbico Unite XIII - (2010)
Allez, je vous fais partager ce curieux album, forcément rare, puisqu’il n’a été tiré qu’à quatre-vingt-dix-neuf exemplaires. Le label italien Qbico était plutôt sur sa fin, en cette période, et s’il y a si peu d’album c’est qu’il y a encore moins de demande, il vous suffit de vous balader sur Discogs pour trouver des exemplaires en vente, et à bas prix qui plus est. Non, la rareté ne fait la cherté que pour ce qui est suffisamment célèbre pour qu’il y ait une demande supérieure à l’offre, mais ici les prix peuvent encore baisser…
La pochette est assez vilaine, mais une pochette n’engage à rien. Le musicien leader, celui qui compose, joue de la flûte et chante un peu, se nomme Atiba N.Kwabena, il a écrit également un poème qu’il lit, je ne sais rien de lui. Il a enregistré l’album à New York en février deux mille neuf, en live au Qbico U-nite XIII.
Il est soutenu par un percussionniste appelé Dave Nuss. Les deux sont des musiciens corrects, mais hélas, ils se lancent dans des effets électroniques qui, à mon avis, gâchent un peu la musique. Les deux premiers titres, naturels, sont engageants, « For One Dream to… » et « Rainforest rag (for Scott Joplin) » sont assez chouettes avec cette flûte libre qui vole s’échappe et court, bien soutenue par les percus qui assurent.
Par contre l’arrivée de l’électro et des effets sur le troisième titre de la face A laisse présager le pire, « If I Smile » n’est pourtant ici que pour nous avertir car, face B, ça s’aggrave… Les effets de répétition, d’échos, sont assez éprouvants, hélas.
Pourtant la pièce est un hommage à Olatunji, le célèbre percussionniste qu’autrefois Gainsbourg a odieusement piraté, mais c’est une autre histoire. A la fin de l’album le public exprime sa satisfaction, peut-être était-ce meilleur sur place que sur cet enregistrement, c’est une hypothèse…
QBICO U-nite XIII: Direct Current (Atiba Kwabena/Dave Nuss), part I
QBICO U-nite XIII: Direct Current (Atiba Kwabena/Dave Nuss), part II
QBICO U-nite XIII: Direct Current (Atiba Kwabena/Dave Nuss), part III
QBICO U-nite XIII: Direct Current (Atiba Kwabena/Dave Nuss), part IV
L’abréviation FME signifie "free music ensemble", ce qui correspond parfaitement à la musique jouée ici. C’est un trio composé par Ken Vandermark aux anches, Paal Nilssen-Love à la batterie et Nate McBride à la basse. C’est déjà un peu ancien, deux mille quatre, du coup le Cd se négocie pas trop cher, et bien tant mieux : Que la musique circule !
Pour autant le support est gavé, plus de soixante et onze minutes ici, réparties sur quatre titres ou plutôt quatre parties qui s’identifient par une dédicace entre parenthèse. « For Joe McPhee » pour la partie une, « For Paul Lytton » pour la partie deux, « For Joe Morris » pour la partie trois et « For Peter Brötzmann » pour la dernière partie.
C’est un enregistrement de studio, au « Semaphore Recording » de Chicago, en décembre deux mille trois, sur deux journées. On sait que le live va bien avec le free et qu’il se nourrit des énergies libérées entre les musiciens et le public, un échange qui réussit souvent bien. Du coup ici c’est parfois un peu calme, comme sur la première partie, avec Vandermark à la clarinette basse qui dialogue avec ses deux partenaires, la contrebasse très en avant et la batterie qui dessine des espaces et sculpte le silence.
On entend distinctement Ken qui change d’instrument, embouchant un saxophone ténor, il semble que ce soit également un signal qui marque une évolution dans la pièce. On conserve la calmitude, Ken joue chaque note avec distinction, sans dérapage, un peu à la Sonny Rollins, un de ses maîtres. La rythmique se montre plus carrée, en cette fin de pièce.
La partie deux démarre sur un rythme plus enlevé mais ce n’est que passager. Le choix de l’improvisation et de la création spontanée ménage des surprises et de nombreuses évolutions sur des pièces plutôt longues, ici près de dix-huit minutes, c’est Paal Nilsen-Love qui semble vouloir prendre les choses en main, c’est un peu normal car c’est un hommage au fabuleux percussionniste Paul Lytton. Une belle pièce !
Le morceau dédié au guitariste Joe Morris est le plus court, Nate Mcbride semble diviser les territoires, il revient avec insistance à la tâche, alors que Ken change à nouveau d’instrument au fil de la pièce, l’improvisation toujours, qui circule, ensemble ou à tour de rôle, de façon plus tranquille qu’énervée, mais dynamique vers le final, cependant.
La dernière partie en hommage à Brötzmann démarre de la façon la plus calme, presque austère, grave, c’est très beau, particulièrement avec l’arrivée de Ken Vandermark qui ne joue pas « à la manière de… », une nouvelle pièce où Nate McBride joue sa partie en solo improvisé, avec ses deux partenaires qui interviennent ici ou là, la fin du morceau est très enlevée…
Ce n'est effectivement pas un album indispensable, mais je pourrais quand même finir par me l'offrir.
Je l'ai encore assez peu écouté, mais ça me semble être un disque qui peut accompagner des moments de vie, et donc se faire une place au fur et à mesure des écoutes.
J'y trouve une touche de library music, ce qui n'est pas courant dans les musiques qui lorgnent vers l'ambient ; au final, ça en devient cinématographique, par moments.
Ce n'est effectivement pas un album indispensable, mais je pourrais quand même finir par me l'offrir.
Je l'ai encore assez peu écouté, mais ça me semble être un disque qui peut accompagner des moments de vie, et donc se faire une place au fur et à mesure des écoutes.
J'y trouve une touche de library music, ce qui n'est pas courant dans les musiques qui lorgnent vers l'ambient ; au final, ça en devient cinématographique, par moments.
J'ai émis des réserves un peu globales sur le genre en général, mais il est vrai que l'album conserve tout de même de l'intérêt, particulièrement pour les invités qui apportent de belles couleurs et également pour la qualité des musiciens. Sa réception auprès des critiques et du public a été bonne à ce que j'ai lu. Je me suis procuré le double vinyle qui est d'une qualité irréprochable et qui contient un lien de téléchargement mp3. Je te souhaite de bons moments à son écoute !
Batman & Robin, The Sensationals Guitars Of Dan & Dale, 1966
Disque sorti en 2018
Comme le nom de l'album semble l'indiquer, on y trouve Dan et Dale, Al Kooper, et Sun Ra (entre autres et pas dans son registre habituel)
Rock, Jazz, Rythm n Blues, Funk
Belle pochette et beau groove
Interpelé par l'ami whereisbrian je me décide à ressortir cette chroniquette du fond des âges...
Sun Ra : The Sensational Guitars Of Dan & Dale - Batman And Robin (1966)
Peut-être avez-vous entendu évoquer Batman en parlant des disques de Sun Ra, à première vue il n’y a aucun rapport, et les deux univers semblent totalement étrangers l’un à l’autre, mais il ne faut jamais jurer de rien avec Sun Ra, oui, au détour d’une escapade interstellaire, il a bien rencontré Batman, d’ailleurs cet enregistrement en est la preuve la plus concrète.
Pour d’évidentes raisons qui concernent la sécurité nationale des Etats-Unis, la rencontre s’est déroulée dans un endroit tenu secret, en utilisant des pseudonymes sensés garantir l’anonymat des intervenants lors de cette entrevue. C’est donc caché derrière le nom de “The Sensational Guitars of Dan and Dale” que Sun Ra mènera le projet. Pas seul, bien entendu, quoi qu’averti des règles du Showbizz, il se montre parfois tête en l’air… futé et malin, certes, mais un peu trop original. On lui adjoint donc un co-leader dans cette mission : Al Kooper, le vrai, celui du Blues Project. D’ailleurs Dan and Dale ce sont deux musiciens du Danny Kalb’s Blues Project: Danny Kalb and Steve Katz, futurs Blood, Sweat & Tears.
Les équipes sont donc ainsi formées : Marshall Allen, John Gilmore et Pat Patrick côté Sun Ra. Danny Kalb, Steve Katz, Andy Kulberg et Roy Blumenfeld côté Al Kooper. Pour bien brouiller les pistes, le dénommé Al Kooper démentira sa participation personnelle au projet, bien que son nom soit écrit en toutes lettres sur la pochette, mais nous menons l’enquête…
Pour faire bonne mesure on s’en tiendra à du solide rhythm and blues, de la musique carrée, nette, faite pour plaire au plus grand nombre. Surtout, on prendra bien garde à n’utiliser que des titres libres de droits d’auteurs, tombés dans le domaine public… comme du Chopin, du Bach ou du Tchaïkovski !
Le Boss, grand concepteur du projet, est le producteur Tom Wilson, mandaté par une fabrique de jouets à Newark, dans le New Jersey, il n’a pas de mal à convaincre nos héros (pas Batman, mais Sun Ra et la bande à Kooper) à commettre un album pour surfer sur la vague « Batman & Robin » qui déferlait alors sur le monde des médias, à travers une série télévisée à l’intention des enfants…
Dès le premier titre "Batman Theme" de Neal Hefti, le public ayant acheté l’album peut se rendre compte qu’il y a maldonne, la version ici proposée est très différente de celle de la série TV…La pochette accrocheuse était un leurre… On pense généralement que la voix féminine en avant des chœurs est celle de June Tyson, bien qu’elle ne soit pas créditée sur l’album. Le titre ne manque pas d’énergie et s’écoute fort bien, en tapant du pied (où (sur) ce que vous voulez…). C’est une musique joyeuse parfaite pour la danse, ou pour animer vos partys et vos soirées, propice à créer une ambiance festive et à faire tourner la tête à la plus rétive des chauves-souris !
On Remarque également le troisième morceau : « Batman and Robin over the roofs », pièce de plus de sept minutes particulièrement réussie, un bon blues rock traversé par un solo de guitare bien décapant, probablement de Danny Kalb.
" Robin's Theme " qui ouvre la seconde face est également un superbe titre, bien enlevé et très rock, chanté par une June Tyson très funky. Sur « The Penguin umbrella » on peut reconnaître une Polonaise de Chopin, tandis que la « Batmobile Wheels », elle, doit plutôt à Jean Sébastien Bach ! The Riddler's Retreat se remarque par la citation de « She loves you » des Beatles qu’on y entend. Par ailleurs les morceaux sont souvent traversés par des solos de sax chargés d’une lourde évocation érotico-chaloupée...
Driing ! Arf ! P….. de téléphone !
« - Hmmm !
- C’est Mike H.
La voix est âpre, sans douté chargée des alcools qui l’ont accosté cette nuit là, tandis qu'il faisait la tournée des clubs, comme il aime le faire…
- Al Kooper, de source sûre… Il n’a pas pu enregistrer ce jour là !
Je le connais Mike, quand il dit de source sûre, on peut lui faire confiance, encore une confidence qu’il a su arracher au coin d'un oreiller, pour sûr, c'est bien lui le meilleur.
- Ah, Ok Mike, affaire bien menée, c'est donc Sun Ra seul aux claviers! Passe me voir au Blue Note j’ai quelque chose pour toi. »
Si vous aimez Booker T. and the M.G.'s et le parfum des années 60 vous passerez un agréable moment, décalé ? Oui, négligeable ? Non…
Henry Grimes est né en mille neuf cent trente-cinq, il est contrebassiste et joue également du violon. Il a joué avec avec Albert Ayler, Don Cherry, Coleman Hawkins, Lee Konitz, Steve Lacy, Charles Mingus, Thelonious Monk, Gerry Mulligan, Sunny Murray, Sonny Rollins, Pharoah Sanders, Archie. Shepp, Cecil Taylor, McCoy Tyner et tellement d’autres qu’il faut arrêter là...
Puis le vent a tourné, il a vendu sa basse et a rempli une quantité énorme de petits boulots pendant au moins trois décennies et quelques… Un jour un gars a pisté son histoire, son trajet et, contre toute attente l’a retrouvé en deux mille un, il y a là un sujet qui a été raconté, mais j’en ai oublié les détails, bien que ce soit déchirant. Ça a ému quelques-uns de la planète jazz dont William Parker qui lui a offert une magnifique contrebasse.
Henry Grimes est reparti pour sa troisième vie de musicien, il a enregistré cet album en deux mille huit. L’histoire de cet album commence avec Kresten Osgood, batteur danois qui s’occupe également du label « ILK Music ». Après avoir entendu Henry Grimes aux côtés de Marc Ribot avec le Spiritual Unity lors d’un concert, il propose au contrebassiste d’enregistrer un album en solo absolu, sans limite de durée, en liberté totale, de façon à ne pas altérer son imagination créative.
L’album est quasi muet en matière de renseignement, toutefois voici ce qu’on peut lire au verso : « Cette musique sur ces disques est une performance solo inédite et ininterrompue sur deux disques interprétés par Henry Grimes, un véritable maître de la musique. » Deux albums en effet pour une durée totale de deux heures et trente-quatre minutes. Kresten Osgood a respecté sa parole et n’a pas charcuté les bandes, pour en extraire ce qui lui semblait le meilleur, ou le plus porteur commercialement. Voilà ce qui s’appelle respecter sa parole et le musicien.
Dès les premières secondes nous sommes immergés dans la musique, la prise de son est fantastique, elle nous emmène aux côtés d’Henry Grimes, à l’intérieur du studio. A partir de là l’émotion ne nous lâche pas, bien que d’emblée, et sans surprise, il est clair que cet album fait partie de ceux qui resteront confidentiels. Peut-être ne s’adresse-t-il qu’à une minorité d’auditeurs, ceux qui peuvent encaisser un album en solo en entier, déjà, et ceux qui performeront jusqu’à en écouter deux.
La séance s’éternisa donc, de temps en temps on entend Henry Grimes qui dépose la contrebasse et s’empare de son violon, il est habile aux deux instruments, même si la contrebasse est évidemment son instrument premier. Son jeu au violon fait penser à celui de Billy Bang, avec un côté parfois un peu grinçant que j’aime.
Henry est complètement barré dans ce gigantesque solo, concentré à fond, l’écouter c’est le suivre, et le suivre c’est le comprendre, et s’étonner en même temps de la vivacité de son esprit et de la richesse sonore qui naît sous ses doigts. Certaines fois des thèmes jaillissent, des rythmes naissent et meurent, il se passe toujours quelque chose… mais l’expérience d’écoute appartient à chacun.
Henry Grimes est décédé de la covid en deux mille vingt, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
Sun-Ra And His Astro Infinity Arkestra – Strange Strings (1967)
Et voici venu l’heure de Sun Ra et de son Arkestra, les trois du FJMt° vont à nouveau faire preuve de finesse en allant chercher un album assez peu médiatisé du Sun, mais suffisamment étrange et intriguant pour retenir l’attention des curieux musicaux. Il est vrai que la profusion des enregistrements du vieux mage établit une vaste palette pour ce qui est des styles et des orientations musicales, il faudra cependant veiller à choisir un enregistrement free…
Le choix opéré est original et aventureux, ce sera « Strange Strings » non seulement la musique est free mais plus que cela, elle est inouïe, avec toute la dose d’étonnement qu’implique ce qualificatif. L’album a été enregistré en 1966 et sorti en 67, il a depuis été réédité sur Saturn Records. La pièce d’ouverture ne dévoile qu’une partie du projet « Worlds Approaching » verse dans l’exotisme et l’orientalisme mais de façon bancale, désordonnée et chaotique, un monde instable se fissure, craque et s’effrite.
Avec la seconde pièce « Strings strange » qui occupe la moitié de la première face le projet prend place. Il consiste en une appropriation par les musiciens de l’Arkestra d’instruments à cordes, réelles ou virtuelles, en provenance du monde entier. C’est que le vieux bougre est également collectionneur d’instruments neufs ou anciens qu’il met entre les mains de ses musiciens.
Bien entendu les musiciens n’ont aucune pratique de ces instruments, tout en gardant une ossature d’Arkestra, les autres sont invités à entrer dans la découverte de leur nouvel instrument à corde, en sortir des sons, créant un chemin entre apprentissage et improvisation collective.
La seconde face est consacrée au troisième et dernier morceau « Strange Strange », quelques percussions, basse et clavier pilotent l’ensemble qui navigue en suivant une certaine structure qui se dessine, ainsi tous ne jouent pas forcément en même temps, probablement le mage joue-t-il de son orchestre en organisant les masses orchestrales ou en les raréfiant.
Les apprenants sont à l’écoute et, s’ils sont limités dans leur expression technique, restent l’à-propos, le rythme, la répétition, tout ce qui peut faire « musique » dans un ensemble qui avance et évolue dans l’étrangeté des sons, le côté ludique, l’interaction et un certain ordre, une organisation qui se dévoile, l’unité « orchestre » qui tient et retient l’attention de l’auditeur, par le rythme principalement mais aussi par la beauté des timbres et la dissonance, quand elle surgit n’est pas moins belle.
L’album est en mono et le son est assez « écrasé » ne permettant pas de lire avec précision l’origine des sons lors des phases groupées. On peut penser que ce manque de définition est lié au lieu où ont été enregistrées ces bandes, sans doute chez Sun Ra lui-même, qui enregistrait chez lui tout ce qui se jouait.
Il faut souligner ce projet véritablement original et surprenant et, à la sortie, un album finalement assez fascinant.
Après l’excellent « The Cleansing », enregistré en deux mille vingt-deux, qui avait laissé un grand souvenir, voici « Memoria », toujours dans la « Spectrum Series », avec le numéro quarante-deux. On retrouve John Zorn avec son saxo alto et Bill Laswell à la basse, mais ça bidouille pas mal au niveau du son, sans doute le savoir-faire de Laswell…
Trois titres seulement, en forme d’hommage, ce sont le nom de trois figures du jazz disparus, Pharoah Sanders, Milford Graves et Wayne Shorter. L’album est assez court, autour de trente-sept minutes, ça file rapidement.
Assez curieusement nous sommes plongés dans une sorte d’ambiant, le sax de Zorn est comme à l’habitude, plutôt tendu, parfois explosif, d’autres fois lancinant, ou babillant, à la limite du cri, sa partie est très intéressante, assez abrasive, elle s’étire aussi parfois pour faire écho à Bill.
Ce dernier utilise curieusement sa basse, non pas comme un instrument rythmique mais davantage comme un instrument ornemental, avec un fort écho et des effets continuels, dessinant une nappe sonore qui occupe l’espace en toile de fond, et strie l’avant de riffs élastiques, tandis que Zorn s’égosille…
La première pièce consacrée à Pharoah est fort belle, on y retrouve l’esprit du fabuleux ténor par moment, mais, bien évidemment, il n’y a aucune imitation, la ressemblance fait appel à l’état d’esprit. Pour se faire la prise du son est directe, brute et sans artifice, elle met en avant l’authenticité et la sincérité du propos.
Pour Milford Grave, Wayne et Pharoah, si proches encore et si chauds en nous, il y a comme une proximité dans le temps qui les fait vivre encore, comme si l’esprit était encore présent, quelque part dans les limbes de la basse vrombissante et du saxophone aux accents spasmodiques, parlant encore ou hoquetant, encore dans le passage entre la vie et la mort, comme dans un extrait du « Livre des Morts Tibétains ».
Cet album voit le jour pendant la « période New York » de l’Arkestra : il a été conçu entre l’année 67 et l’année 68, au cœur des années free, de la musique libérée, sans dogme ni règle imposée. Cependant l’album est finalement assez sage, serein et paisible.
Sur l’album original les notes de pochette et le macaron du label comportent des erreurs en ce qui concerne le nom des morceaux et le numéro des faces. Clifford Jarvis n’est crédité qu’en tant que percussionniste, alors qu’il assure également à la batterie. C’est même un tôlier du poste, il est resté deux décennies en tant que batteur avec l’Arkestra, aussi à l’aise dans les improvisations free que dans les styles plus académiques tel que le « hard-bop » ou même le « swing ». C’est un remarquable musicien qui connaîtra une longue carrière en compagnie par exemple de Sam Rivers, Freddie Hubbard, Pharoah Sanders ou Archie Shepp…
Pictures Of Infinity évolue entre un jazz plutôt sage, particulièrement sur la première face qui fait place aux compositions plus anciennes. La seconde, elle, est traversée par des envolées free, des débordements libertaires improvisés, sous la houlette du maître. On y retrouve des marqueurs de la musique de Sun Ra, l’appel aux percussions, éléments moteurs dans le développement sa musique, ainsi que le poly-instrumentisme des musiciens qui sont tout à la à la fois souffleurs, percussionnistes, chanteurs à l’occasion et même danseurs sur scène…
Sur "Saturn" qui ouvre l’album on remarque un fabuleux solo de John Gilmore, inspirateur des plus grands en ces temps, à la fois puissant et fluide, il dynamite la mélodie dont il en extrait une douce chaleur, porté par une rythmique foisonnante d’où s’échappent les vibrations de la basse de Roy Boykins, autre élément pivot et stabilisateur de l’Arkestra en cette période. "Song Of The Sparer" se pare d’une introduction au piano faisant montre d’un luxe raffiné qui se prolonge langoureusement en paresse voluptueuse et sensuelle.
"Spontaneous Simplicity" ou le marivaudage entre une flûte insouciante et volage et un accompagnement rythmique à la fois terrien et fertile, riche de diversité et de couleur…la basse est solide, le piano volubile, les percussions bavardes…bel hymne à la nature …"Somewhere there" s’ouvre sur une improvisation free, l’Arkestra gronde et le monde se dérobe, le sax se livre en dissonances, cris et vocifération ; percussions et tambours éclatent en mille impactes sonores dans l’espace, place aux rythmes, à la batterie qui s’avance seule, s’enrichit des percussions, des tambours, cymbales, les roulements se juxtaposent, puis tout explose finalement lorsque l’Arkestra souffle et s’unit en un puissant cri.
"Outer Spaceways incorporated" conclut cet album sur une note mi-free mi-joyeuse, c’est un chant heureux et optimiste, ici offert dans une version live, enrichie d’un très beau solo de basse de Ronnie Boykins et de passages free qui éclatent en apothéose…
Un bon Sun Ra à plusieurs facettes, une sorte de raccourci de la vaste palette du grand artiste.
Pour expliquer le nom du groupe il est bon d’observer la pochette où l’on voit un homme assis à califourchon sur un prisme droit construit en bois, avec des planches clouées ensemble, l’arête supérieure qui supporte le poids de l’homme est aiguisée, ce dernier a les mains attachées dans le dos et les pieds suspendus dans le vide, des poids sont attachés à ses chevilles. C’est ce qu’on appelle le « Spanish Donkey », ou « cheval de bois ».
Cet appareil a été inventé par un peuple doué dans l’ingénierie, puis qu’il s’agit du notre, pendant la période de la « Sainte Inquisition ». Cette torture est extrêmement cruelle, la durée la rend insupportable, elle est si efficace qu’elle fera le tour du monde, mais les espagnols l’utiliseront plus que d’autres, d’où le nom…
Choisir ce nom pour celui d’un groupe est assez surprenant, d’autant que ce sont des improvisateurs qui se situent ici dans un créneau très free. Doit-on s’attendre à d’horribles souffrances ? A une expérience sonore qui remettrait en cause nos capacités physiques d’écoute, ultra-sons ou autres ? Ou bien encore cette musique ferait-elle fuir les nuisibles, rats, punaises de lit ou voisins acariâtres ?
Mais qui sont ces malades-tortionnaires ? Celui qui tient la guitare électrique se nomme Joe Morris, connu et apprécié de ses pairs, Mike Pride est le batteur, dans un tel contexte « batteur » devient presque effrayant ! Le troisième est Jaimie Saft, il joue du MiniMoog, du Roland Jupiter 6 et SH-09, également du Korg Lambda et CX3, du Yamaha CS-01 ainsi que de la guitare basse, c’est un client sérieux également, avec tous ces instruments barbares.
Deux pièces ici, « Mid-Evil » d’une durée de trente-sept minutes et « XYX » qui est également le nom de l’album, la pièce dure plus de vingt-deux minutes, une bonne heure de souffrance au total… Il n’est pas indiqué sur l’album comment se procurer un « Spanish Donkey » mais on comprend bien l’utilité domestique d’un tel instrument, et les joies qu’il est susceptible de procurer à son propriétaire, maintenant qu’on a la musique qui joue avec. Il n’y a pas d’âge pour jouer au cheval de bois, on peut lui adjoindre des roues, une tête ou une queue pour égayer le spectacle...
La musique est vraiment sympa, c’est électrique, un peu noise, mais pas trop. Il faut peut-être un peu monter le son pour s’immerger dans le bouillon sonore. Tout du long Joe Morris est exceptionnel, il régale vraiment et se montre très à son aise, c’est un redoutable guitariste extrêmement captivant.
Jaimie Saft construit un mur sonore quasi permanent, fait d’orgue, de claviers et de synthés. Le son est constant et continuel, une masse qui se déploie de mille façons différentes, par secousses ou par saccades ou encore en masse enveloppante, les effets sont multiples et variés, la richesse sonore est très diverse, mais quasi toujours égale en intensité. A l’arrière Mike Pride pousse et secoue avec agitation cette masse conséquente, tant en frappant les tambours que les cymbales.
Un chouette album dense et puissant, avec une âme rock, qui, de plus, est un hommage discret au savoir-faire français.
Avec cet enregistrement nous pouvons nous apprêter à déguster une bonne cuvée, c'est un live enregistré lors d'une tournée dans les universités new-yorkaises organisée par ESP en mai 1966. La qualité du son est excellente, rendant justice aux musiciens et à leur habileté à créer un espace sonore de haut vol. On l’a compris l’Arkestra donne toute sa mesure sur scène, au contact direct du public, source d’une interaction générant démesure, fascination et même transe. Les enregistrements live de cette période sont donc précieux.
"Dancing Shadows" commence sous la forme d’un duo entre Clifford Jarvis et Sun Ra, celui-ci créant des nappes sonores à la façon de Cecil Taylor, bien vite John Gilmore au ténor délivre un magnifique solo, tout le raffinement et la qualité de son jeu sont condensés ici, dans un premier temps à la manière hard-bop, puis, en explorant son instrument comme le faisait Coltrane en ces temps-là... Coltrane ? Peut-être se souvient-il du temps où il venait, lui le plus respecté des saxophonistes, le consulter après le concert pour lui demander avec modestie ses « trucs », sa façon de jouer tel passage ou bien pour savoir quelle anche utilisait-il ? La basse de Ronnie Boykins, tel un rocher dans la tempête, constitue un ancrage solide, constitué d’un rythme répétitif et immuable… Enfin, batterie, percussions et sax se libèrent en une libre improvisation…
"Imagination" se déclame en une explosion free de l’Arkestra, intermède servant également de prélude à "Exotic Forest". Puis le calme succède au chaos et Marshall Allen improvise de façon magistrale au hautbois, accompagné par l’immense Ronnie Boykins, métronome imperturbable, les percussions s’invitent ensuite, la batterie et ses roulements, mystère et charme de l’orient, de l’exotica, on peut penser alors à Yusef Lateef… Sun Ra est passé maître dans l’art de peindre, avec des touches pastelles, fragiles et délicates, des aquarelles suggérant les paysages mythiques d’une Egypte rêvée…
La face 2 débute par une courte ouverture nommée « Sun Ra and His Band from Outer Space » jouée au piano , elle sert de prologue à "Shadow world" qui est le titre majeur de cette face. Sur un canevas free c’est d’abord Pat Patrick qui s’exprime, s’offrant en un effort solitaire face au public, même si cette manière de faire n’est pas encore de mode, il se montre parfait dans cet exercice difficile. Ensuite c’est Sun Ra lui-même qui improvise au piano et au clavioline, dialoguant avec Ronnie Boykins et soutenu par le très musical Clifford Jarvis. Après une nouvelle et belle improvisation au hautbois de Marshall Allen, l’album s’achève avec l’exposé de deux couts thèmes chantés, séparés par une courte improvisation collective. Le premier thème est consacré aux astronomes, genre dont font partis sans nul doute les membres de l’Arkestra qui chantent en chœur. La dernière courte pièce chantée évoque la prochaine étape du voyage : la planète Mars !
En définitive un très bel album de la part de notre astronome, la prise de son est excellente, tout au long de l’interprétation on trouvera toujours une branche à laquelle se raccrocher, ce disque peut donc convenir à une première rencontre avec le soleil, même s’il est clairement classé « free », comme l’ensemble des albums de la période ESP.
Un très bel album, certainement très représentatif d’un concert de Sun Ra à cette époque, les passages théâtraux et visuels en moins. Plusieurs éditions récentes en CD lors de cette tournée des « collèges » sont, semble-t-il, complétées par de nombreux inédits.
Peut-être se souvient-on de l’album « La Dernière Chance » enregistré par la formation Katz et présenté il y a peu, et on retrouve deux des membres de cette formation sur cet album, Marc Démereau au sax alto, aux samples et à la voix, ainsi que Mathieu Sourisseau, ici au soubassophone, mais au total ils sont neuf dans cette fanfare où chaque membre possède un « gueulophone », afin d’être sûr de bien se faire entendre lors du défilé, avec un air de manif déguisé…
Beaucoup des musiciens sont nés en soixante-neuf, une année à laquelle ils rendent hommage, à travers des slogans comme « « Des femmes nues n'ont jamais fait de mal à personne ! », mais surtout à travers un répertoire bien sympa. L’album s’ouvre avec « The Creator Has a Master Plan » qui devient « Le créateur a un Super Plan ! » de quoi se remémorer les supers souvenirs…
Il y a également la « Valse de Mélodie », ou bien encore « Who Knows » de Hendrix avec des paroles extraites de « Il n’y a plus Rien » de Léo Ferré, suivi de « Machine Gun ». Un hommage à Janis Joplin sur « Mercedes Benz », « Alors Seigneur tu veux bien me payer une virée en ville ? » hurle le gueulophone.
Juste après « Heart Beat, Pig Meat » du Floyd extrait du film « Zabriskie Point », il y a une version de « Comme à la radio » de Brigitte Fontaine, c’est assez rare une reprise de ce titre cultissime, bon c’est pas pour faire mieux que la version originale, juste pour lui faire faire un petit tour de piste dans la rue, et c’est déjà merveilleux !
Et puis il y a le grand final sur une idée de Charlie Haden et de son « Liberation Music Orchestra » qui s’ouvre avec « The Introduction » de Carla Bley qui ouvre un « Medley » avec Frank zappa, Hendrix, Bowie, King Crimson avec « 21st Century Schizoid Man », Albert Marcœur et ça se termine avec une brève reprise du protest song « We Shall Overcome ».
Ainsi va la fanfare, un album gentillet et sympathique à destination des types louches dans mon genre…
Je suis de ton avis. C'est étonnant de vouloir enregistrer ce genre de musique avec autant d'instruments. Le "non évènementiel" peut très vite rater avec autant de gens. Là où Terry Riley joue seul assis par terre avec un seul orgue riquiqui et réussit à ne pas être ennuyeux un seul instant tout en ayant un but similaire, à plusieurs, ils sont un peu lénifiants. La question me taraude vraiment : pourquoi enregistrer ça avec autant de musiciens et musiciennes (Siobhan est un prénom féminin ). J'imagine celui ou celle qui dirige faisant signe :" A ton tour de d'intervenir pour ne surtout pas te faire remarquer" C'est un vrai tour de force.
La pochette est belle, c'est déjà ça
Je suis de ton avis. C'est étonnant de vouloir enregistrer ce genre de musique avec autant d'instruments. Le "non évènementiel" peut très vite rater avec autant de gens. Là où Terry Riley joue seul assis par terre avec un seul orgue riquiqui et réussit à ne pas être ennuyeux un seul instant tout en ayant un but similaire, à plusieurs, ils sont un peu lénifiants. La question me taraude vraiment : pourquoi enregistrer ça avec autant de musiciens et musiciennes (Siobhan est un prénom féminin ). J'imagine celui ou celle qui dirige faisant signe :" A ton tour de d'intervenir pour ne surtout pas te faire remarquer" C'est un vrai tour de force.
La pochette est belle, c'est déjà ça
Ah oui, en effet Siobhan est un prénom féminin d'origine irlandaise qui signifie "La Rose", en fait elles sont deux... Je ne voulais pas vraiment descendre cet album, mais exprimer l'ennui qui m'a pris à son écoute, ce qui est parfois le cas quand on écoute de l'ambient, mais ça peut fonctionner également à d'autres moments... C'est pourquoi j'ajoute, quand c'est possible, des extraits qui permettent à chacun de se faire un avis et peut-être de découvrir un album, car tout est affaire de gouts. Maxime, par exemple a apprécié cet album, avec de bons arguments...
Sun Ra & His Solar-Myth Arkestra – The Solar-Myth Approach Vol. 1
Cet album publié par le label BYG a été conçu à New York, sur Saturne…Euh… dans les studios « Saturn », ils ont été ensuite téléportés à Paris, sur un support de bande magnétique. Après Birmingham, Chicago et New-York, Sun Ra et l’Arkestra vont arrêter leurs pérégrinations, au cours de cette année 1970, pour une dernière étape (terrestre) à Philadelphie où ils s’installeront définitivement jusqu’en 1993, année de la disparition du Soleil-Râ, sous sa forme humaine.
Sun-Ra aura tout au long de sa vie su faire évoluer sa musique sans se répéter, là où tant d’autres compilent le même album tout au long de leur carrière, lui se sera renouvelé constamment, la musique est pour lui comme un chemin qui se déroule, qui marque une évolution et un sens.
Certes, il ya des impasses, des retours en arrière, quelques renoncements, des limites probablement atteintes, mais également des sommets que l’on ne peut gravir plus d’une fois, n’oublions pas le goût que portait notre mage pour l’environnement culturel du moment, dont il saisissait l’essentiel, et s’en nourrissait.
Du swing, en passant par le bop et le hard-bop, creusant la vague free pour en puiser l’énorme énergie, mais restant, avec une constance qui confine à l’entêtement, un créateur innovant qui ne s’épuisera jamais. Il ya l’entêtement de Thelonious Monk, chez Sun Ra, la même implacable exigence. Car en dépit de tout, son œuvre restera avant tout originale, reconnaissable aisément, signée dans le secret des notes, des timbres et des sons.
« Solar-Myth Approach » est une œuvre marquante dans la discographie de Sun Ra. Les morceaux qui la composent sont typiques des préoccupations du grand mage pendant une courte période, l’album compile des œuvres enregistrées au fil du temps depuis 1967, sur une durée de trois années.
« Spectrum » débute l’album de façon étrange, orgue, cuivres et anches se superposent en étirant le son sur une seule modulation, jusqu’à épuisement du souffle, les notes se succèdent ainsi dans ce minimalisme hypnotisant ouvrant la porte vers la seconde pièce « Realm of Lightning » qui installe une atmosphère d’étrangeté et de mystère, son écoute impose une image, un décor. Les nombreuses percussions et les tambours nous dévoilent la beauté sauvage d’un monde originel, les rythmes s’affolent et suggèrent la profusion et la luxuriance, l’inconnu et le mystère…
« The Satellites are Spinning » est voué au moog de Sun Ra qui accompagne June Tyson et les chœurs de l’Arkestra qui chantent une (très belle) chanson répétitive, tandis que le maître virevolte autour du thème de la ritournelle avec des notes imprévisibles.
La richesse des sonorités et des timbres dans la musique de Sun Ra est aussi liée à la diversité des instruments utilisés comme dans « Legend » qui ouvre la face deux par un improbable duo de trombone. Le moog s’invite, vite rejoint par les instruments à vent. Bientôt tout se déstructure et les improvisations s’organisent en un bouillonnement de sons aigus, particulièrement le moog qui se trouve bientôt seul.
Sun Ra a toujours été un précurseur en matière de recherche sonore, expérimentant l’infinie possibilité des claviers dès la fin des années cinquante. Incontestablement c’est l’un des pères de la musique électronique, on l’entend ici s’amuser, tel un enfant, explorant les possibilités alors offertes. Après une évocation de la musique répétitive, le moog se transforme quelques minutes en instrument de percussion, puis éclate en feu d’artifice fou et chaotique.
« Seen III, took 4 » traverse également l’étrange et l’expérimental, Sun Ra fait vibrer les sons graves du synthé avant d’en explorer les possibilités les moins attendues, place au rêve et à l’imaginaire, aux dissonances et à l’inattendu… « They'll Come Back » sonne de façon plus traditionnelle, comme un air de fête joué en petite formation. Les « Adventures of Bugs Hunter » sont décrites par un dialogue basse/percussion, et flûte/moog qui évoque à nouveau la nature. Très beau, c’est également l’un des sommets de l’opus.
Un album « patchwork » un peu atypique et disparate avec ses flamboyances et ses errances expérimentales.
Cette intégrale de la formation « Hasidic New Wave » est formée de cinq Cds regroupant les quatre albums du groupe ainsi qu’un autre contenant des enregistrements live et quelques inédits. Ce groupe de musique klezmer est originaire de New York, et plus précisément du « downtown Manhattan ».
Les deux leaders de la formation sont le saxophoniste Greg Wall et l’organiste et trompettiste Frank London. Ils se sont rencontrés alors qu’ils étudiaient la musique hassidique pour jouer lors des concerts de mariage, et ainsi subvenir à leurs propres besoins. Ils sont tous deux à l’origine de cette « Nouvelle Vague Hassidique », dans ce cadre on pourrait, évidemment, citer le groupe « Masada » également.
Les quatre albums simples sont « Jews And The Abstract Truth » de quatre-vingt-dix-sept, « Psycho✡Semitic » de quatre-vingt-dix-huit, « Kabalogy » de quatre-vingt-dix-neuf et « From The Belly Of Abraham » de deux mille un. Parus à l’origine sur le label de la Knitting Factory, c’est sans surprise que le coffret nouveau est paru sur Tzadik, dans la série « Radical Jewish Culture ». Pour qui apprécie la musique klezmer c’est certainement un des meilleurs ensembles du genre, particulièrement pour les amateurs de jazz et de musique rock d’avant-garde.
C’est évidemment très copieux, présenté sous cette forme on ploie véritablement sous la qualité, tant de bonnes vibrations en une seule fois, ça donne le tournis, j’ai dû me le procurer peu après la sortie et il m’a fallu un peu de temps pour bien en faire le tour. Voici les autres musiciens, David Fiuczynski à la guitare, Kenny Davis puis Fima Ephron à la basse et Aaron Alexander à la batterie. Je n’entre pas dans les détails, mais il y a également un grand nombre d’invités, mais tout cela est détaillé dans le livret d’accompagnement assez complet.
Le premier album « Jews And the Abstract Truth » possède un sous-titre qui résume assez bien ce à quoi nous sommes confrontés : « Sun Ra rencontre Jimi Hendrix lors d'un mariage juif », le Sun Ra des bonnes années, évidemment. Autre signe qui nous montre à qui nous avons affaire, sur ce même album le titre sept se nomme « Welcome To The McDonald's In Dachau », fallait oser quand même…
Ce mélange de mélodies hassidiques avec du jazz modal, de musique électrique combinée à divers effets, ainsi que de parties improvisées, constitue une fusion inédite propre à bousculer les habitudes et les traditions. On trouve également des éléments de musique spirituelle et d’autres d’accents orientaux, la « World » n’est pas si loin. Par ailleurs l’accueil du public fut alors excellent.