J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 21 sept. 2023 13:22

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John Zorn – The Hermetic Organ Vol. 6 - For Edgar Allan Poe (2019)

Ce sixième volume en hommage à Edgard Allan Poe est divisé en deux compos distinctes, « The Masque of The Red Death » est le premier, il dure une demi-heure et la seconde partie est elle aussi assez longue, trente et une minutes pour « The Fall of The House of Usher », la remarque vaut par rapport aux albums précédents, souvent beaucoup plus modestes dans la durée.

C’est sans doute cette accoutumance à l’orgue, cette familiarisation qui le libère et le renforce dans la volonté de suivre cette route, les amateurs achètent également les albums, ce qui est également encourageant car la voie peut, au premier abord, sembler austère.

En fait Zorn sera toujours Zorn, et les sonorités étranges et bizarres qui habitent « The Masque of The Red Death » ajoutent à la dramatisation apportée par la sonorité grave et dramatique de l’orgue majestueux, par contre il n’est pas indiqué, me semble-t-il, de quel orgue il s’agit exactement, ni la date à laquelle ce concert improvisé s’est déroulé.

Cette première pièce est donc assez contemplative, atmosphérique, créant une ambiance inquiétante et majestueuse, quelque chose venu de là-haut, c’est peut-être funèbre, recueilli certainement, une tension habite la pièce, mais par phases successives et prolongées, comme une sorte d’acceptation, sans doute cette résonance ressentie intérieurement…

La seconde pièce est encore plus lourde, « The Fall of The House of Usher » assombrit encore ce paysage tendu. Il semble que l’air devient encore plus menaçant, un sax alto se fait entendre brièvement et jette comme un sort, ajoute une torpeur qui étreint. « Passe manant, tu n’échapperas pas à ton sort ! »

L’ambiance devient oppressante et la tension s’accélère encore, le cœur bat plus rapidement et des gouttes de sueur froides perlent de mon front. Il suffit pourtant d’appuyer sur un simple bouton pour arrêter cette mise à mort, mais rien n’y fait, impossible d’échapper à cette attraction morbide, comme si la fatalité s’en mêlait…

Le saxo encore, comme un cri douloureux dans la nuit, ou bien un appel menaçant, ou encore une adjonction à rejoindre la masse gluante des manants qui se traînent lamentablement sous le joug des oppresseurs et de leurs sbires armés de pinces et de fouets noueux… Il y a comme une malédiction qui opère, là. Les orgues sonnent l’alarme et disjonctent, des sirènes, un abîme…

Et encore ce sax hurleur, cette fois-ci il semble plus lointain, il semble bien que la Maison Usher ne vive là sa fin, condamnée, ruinée, exécutée, « Aaaahh ! »

Brrr…
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Message par Douglas » ven. 22 sept. 2023 02:45

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Ilhan Ersahin's Istanbul Sessions – Solar Plexus (2018)

Ilhan Ersahin est un saxophoniste suédo-turc dont j’ai vu un excellent concert sur une télé, du coup j’ai acheté cet album en repensant à ce mélange électro-oriental qui m’avait séduit. Son saxo est trafiqué et permet d’audacieux effets sonores qui, souvent, vont bien. Par ailleurs il est également proprio d’un club dans l'East Village de Manhattan. Cet album se rattache au projet « Istanbul Sessions » qui est le nom de son groupe, il contient au moins un autre album, « Istanbul Underground ».

L’album datant de deux mille dix-huit, quelques noms en vogue alors se sont joint à lui en tant qu’invité, Erik Truffaz, Nils Petter Molvaer et Ibrahim Maalouf à la trompette, Dave Harrington à la guitare, à l’orgue et au synthe, Arto Tuncboyacinyan et Mauro Refosco aux percus, Brandon Lewis et l’excellent Kenny Wollesen à la batterie. Par ailleurs il y a également ses musiciens, Alp Ersonmez à la basse, Izzet Kizil aux percus et Turgut Alp Beroglu à la batterie. Bref, il y a de la masse et de la qualité.

C’est un mélange d’électro rock et de jazz ethnique, avec une pointe de funk et de world, Ilhan Ersahin, en plus de son sax joue également du Rhodes et des synthés, de quoi énergiser et donner du corps à cette masse électrique qui dessine des espaces sonores très planants, en même temps qu’ils sont gorgés de rythmes et d’envolées multiples.

Juste après l’excellent « Infinite Gathering » le cheval de bataille de l’album s’annonce, « Pris » d’une durée supérieure à onze minutes où les effets sonores se multiplient et se brouillent sur une rythmique volubile et costaude. Parfois on ne sait plus trop où l’on se trouve, la musique virant entre le rocailleux agressif et le planant béat.

Un peu d’ambiant, un peu d’expé, beaucoup d’effets et d’excellents musicos évidemment, mais le jazz a pris la malle et n’est plus qu’un ingrédient dans un mélange qui manque parfois de densité, à ce titre les pièces lentes souffrent un peu selon moi. Mais je ne dis encore trop rien, attendant un ou deux albums d’ambiant qui, paraît-il, méritent l’écoute…

Les deux dernières pièces, « Sea Of Stars » et « Arrival » sont tout de même bien vitaminées…

Ilhan Ersahin’s Istanbul Sessions - Infinite Gathering


Pris


Farewell to Earth


Arrival
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 22 sept. 2023 13:02

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John Zorn – The Hermetic Organ Vol. 7 - St. John The Divine (2019)

John Zorn poursuit ses rendez-vous rares et bénis en cette cathédrale « St John The Divine » qui est vouée à la gloire et à la contemplation du Christ, mais aussi un lieu privilégié pour les amoureux de l’orgue, reconnaissons-le.

D’ailleurs on peut remarquer que le poids du lieu, son histoire, sa fonction auprès des croyants s’entend, cette fois-ci, dans la musique de Zorn, comme s’il s’imprégnait non seulement de l’instrument, mais du lieu en entier, en acceptant non seulement ce qu’il représente mais aussi ce dont il témoigne auprès de ceux qui y prient.

La musique est donc ici plutôt dévote, à sa place en ce lieu de culte, les trois pièces improvisées sont autant d’image de cette pratique méditative, recueillie. « Binding The Dragon » n’est en rien féroce, elle serait plutôt calme et sereine. D’ailleurs le obi nous indique que Zorn s’inspire de Charles Tournemire, organiste et improvisateur français de la tradition classique et catholique. Mais aussi d’Olivier Messiaen, bien connu comme compositeur et également organiste.

Ce n’est pas la première fois que Zorn cite ces deux influences dont il ne cache pas ce qu’il leur doit. Pour autant il semble qu’il ne s’était jamais autant rapproché du côté liturgique que sur cet album, comme sur « « Jacob’s Ladder » ou sur le magnifique « The Door of Perception ».

Je ne sais si on peut parler de prière ici, mais il y a une dimension quasi christique, ou du moins non- agnostique, dans cette musique…
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 23 sept. 2023 02:27

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Fred Frith – Impur (2006)

Cet album possède une histoire un peu française car Fred Frith est resté en résidence deux années à l’Ecole Nationale de Musique de Villeurbanne, le concert final qui conclut ce séjour fut un peu particulier, il donna naissance à cet album de cinquante-cinq minutes, une sorte d’OVNI un peu à part qui devint le premier volet d’une série appelée FFFC, qui signifie Fred Frith’s French Connection.

Un obi horizontal sur le haut de la pochette du Cd indique en guise de « promo » : Music For 100 Musicians Mobile Audience. Oui, ils sont cent, c’est dingue ! Oui, le public peut se mouvoir et se déplacer, c’est Inouï ! En vérité, nous sommes en quatre-vingt-seize et le Cd ne sortira qu’une décennie plus tard, mais l’évènement est assez sensationnel, que se passa-t-il exactement ?

Déjà Fred Frith rameuta un maximum de musiciens, des élèves pour la plupart qui se prirent au jeu, une centaine nous dit-on. Fred Frith les regroupa par genre musical, en adéquation avec l’enseignement de cette école de musique, voici ce que ça donna à peu près:

Fred Frith dirigea l’Orchestre de Chambre, Nasser Saïdani le groupe de percussions africaines, Catherine Guinamard les flûtes à bec baroques, Pascal Pariaud les clarinettes, Sophie Dufeutrelle les flûtes et David Wood un ensemble hétéroclite avec guitare classique, flûte, violoncelle et percussion.

Ces groupes furent dispersés dans différentes classes du conservatoire et des micros ont été judicieusement disséminés de façon à produire un résultat cohérent. Comme indiqué plus haut le public est mobile et peut se déplacer dans l’établissement pour vivre une expérience audio très personnelle, qu’il se choisit lui-même et dont il est le seul guide. Il était également possible de se positionner dans la cour et de profiter de l’ensemble de l’événement grâce aux fenêtres restées ouvertes.

Bien que tout ceci puisse paraître un peu fumeux ou bien barré, en fait il n’en est rien, c’est même le contraire. En effet Fred Frith a distribué à l’ensemble des musiciens, avec les spécificités requises, une partition réglée à la seconde près où tout est codifié, chronométré et paramétré. Après un travail de remixage cette création musicale se livre à nous, avec une étonnante fraîcheur.

Ici tous les genres sont mélangés, brassés et synchronisés pour nous offrir, à nous aussi, simples auditeurs, une expérience unique et mémorable, au-delà de l’habituel et du convenu.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 23 sept. 2023 13:09

Une petite remontée :

John Zorn – The Hermetic Organ Vol.8 - For Antonín Artaud - (2019)
Douglas a écrit :
sam. 27 juin 2020 07:53
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Voici un aspect souvent moins connu de l’œuvre de John Zorn, dans la série des « Archives » un volet est entièrement consacré à l’orgue, elle se nomme « The Hermetic Organ », voici le vol.8 « For Antonín Artaud » sorti en octobre 2019.

L’orgue est souvent associé aux instruments austères, surdimensionnés et sacrés. Il faut aller à lui, faire une démarche et, quand on s’appelle John Zorn, il est parfois difficile d’en obtenir l’accès. Arrivé en Slovénie dans le but d’enregistrer cet album il s’est vu plusieurs fois refuser l’autorisation de jouer dans les églises, accusé de croire « en des pouvoirs surnaturels » et plus probablement de ne pas avoir la « bonne » religion.

C’est donc au « Gallus Hall » le plus grand centre de congrès de Slovénie à Ljubljana qu’il va effectuer cet enregistrement. Je ne saurais me prononcer sur le concept en lui-même, il m’a semblé toujours surprenant de vouloir enregistrer l’orgue, l’impression qu’aucune technique d’enregistrement ne saurait rendre sa force, son ampleur et sa majesté à une aussi grosse machine, à un souffle aussi puissant. Donc, je monte le son !

Déjà un défi pour John, il joue de l’orgue et, par moments (les plus délicieux) du saxophone alto… en même temps ! Du coup le corps en entier se déploie sur les touches qu’il attrape par nappe, coude, avant-bras et même les pieds dit-on. Je ne regrette pas la démarche d’achat, bien au contraire, le parti-pris de John Zorn, inspiré par l’esprit d’Antonin Artaud, celui qui créa le « théâtre de la cruauté » et influença les « situationnistes », de juxtaposer des masses sonores ou de les empiler pour dramatiser la musique est habilement mené, ainsi la douleur et la « folie » du sieur Antonin transparaît au travers de la seconde composition « The Extreme Point of Mysticism », treize minutes juste démentielles.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 24 sept. 2023 03:09

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Wadada Leo Smith With Milford Graves And Bill Laswell – Sacred Ceremonies (2021)

Wadada Leo Smith possède une discographie majestueuse, je l’ai parcourue d’abord chez les autres, en soixante-quatorze avec Anthony Braxton sur « Silence », ou bien encore l’année suivante sur « Duets » avec Marion Brown. Le premier sous son nom que je me procurais fut « Spirit Catcher » en soixante-dix-neuf, et « Divine Love », la même année sur ECM. Et là j’ai raté le bus, le mettant de côté et l’oubliant, bien que l’écoutant de temps en temps, sur les albums d’autres musiciens, principalement.

Puis ce fut le choc en deux mille dix-sept, donc relativement récemment, avec « Najwa » qui me conquit, et le sublime « Kabell Years 71-79 » sur Tzadik, un chef d’œuvre, mais écouté sur le tard. Depuis je me suis bien rattrapé, particulièrement avec ses derniers albums qui nous montrent un musicien extraordinaire et accompli, d’ailleurs je vous ai déjà fait partager quelques albums.

Celui-ci est un coffret, il contient trois Cds, deux duos et un trio. Le premier est consacré à Wadada et au batteur Milford Graves. Le second est une rencontre avec le bassiste Bill Laswell, et le troisième présente ces trois musiciens en trio. Il me faut bien reconnaître que ces trois performances sont juste sublimes, mais je suis passé de l’autre côté avec Wadada, impossible de ne pas aimer, chaque note est un délice…

Le premier album est un enregistrement de deux mille quinze, enregistré sur trois jours. Milford Grave est un batteur fantastique, il fait avec Wadada une paire extraordinaire. On connaît la luminosité et la transparence du jeu de Wadada, Milford est clairement au niveau, il joue des espaces avec une infinie délicatesse, c’est du grand art et pour tout dire un éblouissement continuel, de toute évidence parmi ce qui se fait de mieux dans ce style.

Ces deux-là se connaissent depuis plus de cinquante ans, les automatismes sont télépathiques et la cohésion naturelle et instinctive. Il faut par ailleurs signaler que ce coffret est dédié au batteur, décédé en février deux mille vingt et un.

Le second enregistrement est tout aussi extraordinaire, Wadada et Bill Laswell ont en fait enregistré cette section un jour plus tôt. Elle s’ouvre avec le superbe et majestueux « Ascending The Secret Waterfall – A ceremonial Practice », Laswell joue des réverbérations avec son instrument, dessinant des ombres fantomatiques et des espaces mystérieux, tandis que Leo Smith scrute les aigus et les fait briller en éclats luminescents.

Sur « Prince - The Blue Diamond Spirit » il semble que Smith joue au travers d’une pédale wah-wah, répondant aux attaques un peu plus funk de Laswell. Là ou les basses tracent des lignes graves qui tapissent en fond la toile sonore, offrant un constant support aux envolées mélodiques de la trompette dont la sonorité éclate avec une belle autorité.

La pièce « Tony Williams » jouée avec une sourdine sur la trompette, semble un peu plus traditionnelle, bien qu’elle dessine d’étonnants espaces, sur un son de basse plutôt répétitif et un synthé qui travaille en fond. Ce second Cd est le moins convaincant, il faut dire qu’il est situé entre deux albums monstrueux.

Le troisième Cd est donc joué en trio. Allons droit au but, il est tout simplement magique, les quatre premiers titres sont signés par le trio et les trois derniers du seul Léo Smith. La symbiose opère de suite, ils se trouvent immédiatement et se montrent d’une efficacité redoutable, particulièrement le duo rythmique qui fonctionne à merveille.

Milford Grave et Bill Laswell forment une paire idéale, le jeu de Bill fonctionne beaucoup mieux que sur le second volet, où, passés les premiers titres, il semblait plus sec et moins inspiré. Il est véloce, habile et immédiatement au taquet, comme transformé, ses doigts courent avec vélocité sur la gratte, on sent un immense plaisir de jouer qui embarque le trio.

Ce magnifique coffret triple Cds concocté par le label finlandais TUM est également magnifique, avec un beau livret contenant de superbes photos. Il fait partie de ce trio de Cds sortis cette même année sur ce label avec le magnifique « Trumpet », également en trois Cds et « A Love Sonnet For Billie Holiday » tout aussi beau.

Il faut également parler de l’album du « Wadada Leo Smith’s Great Lakes Quartet » paru également la même année, « The Chicago Symphonies », un coffret de quatre albums avec Henry Threadgill, John Lindberg et Jack DeJohnette et une formation cousine pour le quatrième Cd, de quoi véritablement donner le tournis, quand on sait que Wadada fête alors ses quatre-vingts ans, c’est juste incroyable !

Wadada Leo Smith - "Social Justice - A Fire for Reimagining the World"
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 24 sept. 2023 18:25

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John Zorn – The Hermetic Organ Vol. 9 - Liber VII (2022)

Un album enregistré en public pendant « Big Ears », le vingt-six mars deux mille vingt-deux à la cathédrale St. John de Knoxville dans le Tennessee. Une fois de plus le obi nous renseigne, l’œuvre est improvisée en mémoire du « Liber Liberi vel Lapidis Lazuli » d'Aleister Crowley.

Encore un homme au destin controversé, de ceux qui ont forgé l’histoire de la pensée, celle-ci fut-elle sujette à caution, originale, ou sortie des sentiers battus, voire honnie par la morale et la bien-pensance.

Bien que la pièce apparaisse, à l’écoute, unique, d’un seul tenant de quarante-cinq minutes. Elle est cependant détaillée en plusieurs phases au verso de la pochette. L’ « Office Nr 29 Liber DJJ » est séparé, uniquement à cet endroit, en sept parties distinctes, non minutées. Des noms de planètes, la lune elle-même, sont cités.

La musique jouée est assez étal, sans de véritables aspérités, on entend assez souvent de courtes phases qui se succèdent, quelques bribes de mélodies naissent puis s’éteignent. Vers la vingt-cinquième minute, tout semble tourner, se noircir et bifurquer vers une destination inquiétante, avec une sorte de drone inconfortable qui nourrit la tension.

Après ce passage on revient à l’errance première avec ces paysages souvent déconstruits, mais aussi avec des moments plutôt calmes et sereins, remués par quelques beautés ornementales, que l’on devine de passage…

En effet, quelques minutes plus tard, quelques théories armées viennent semer la perturbation, des forces ténébreuses et inquiétantes semblent vouloir s’imposer…

Les applaudissements du public s’entendent à la fin, c’est une ovation !
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 25 sept. 2023 02:43

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Die Like A Dog Quartet – Little Birds Have Fast Hearts No. 2 (1999)

Ce second volume des petits Oiseaux qui ont un Cœur Rapide se situe très exactement dans le prolongement du premier, il en est la parfaite continuation. Si le premier volume considérait les enregistrements du sept et du huit novembre quatre-vingt-dix-sept, celui-ci le perpétue en présentant ceux du huit et du neuf novembre. Même lieu évidemment, « Le Podewil » de Berlin. D’ailleurs l’album s’ouvre directement avec « Part Three », soit l’endroit exact où le précédent s’est interrompu.

Inutile de préciser que les amateurs du premier volume trouveront ici ce qu’il leur faut. Ça commence plutôt soft à la clarinette avec un Peter Brötzmann très apaisé. Petit à petit la température va tranquillement monter avec l’arrivée des autres musiciens, Toshinori Kondo à la trompette électronique, William Parker à la basse et Hamid Drake à la batterie.

Un peu plus de vingt minutes de musique contenue sur cette première pièce plutôt magnifique, avec ces impros qui n’en finissent pas et ces musiciens de bout en bout exceptionnels, ici c’est Hamid Drake qui épate le plus, tout de dextérité folle et de commentaires musicaux très ouverts. Cette pièce passe le temps d’un souffle…

La partie quatre frôle les vingt-six minutes et constitue la pièce la plus massive, Brötz au tarogato puis au ténor illumine l’arène, vers la sixième minute il s’efface laissant la place à William Parker qui improvise avec majesté, c’est certainement un des meilleurs mondiaux sur son instrument, musicien complet et compositeur hors pair lorsqu’il s’y met. Ici il s’efface un peu trop rapidement, mais sans doute faut-il que la fièvre remonte un peu avec les deux souffleurs qui se lâchent de concert.

On retrouve ce souffle épique qui constitue l’énergie première de cette formation toujours généreuse, où chacun se donne sans compter, comme s’il fallait se livrer jusqu’à l’épuisement, ce don de soi étant compris dans l’achat du billet, un jeu où chacun est à sa place, le spectateur avide et attentiste et l’artiste qui s’ouvre comme un livre, une communion de connivence lie les deux parties qui se reconnaissent dans cette messe sacrée. Ici tout est en place et nul n’est floué, c’est grandiose et majuscule, le sacrifice a bien lieu…

La partie cinq est plus courte encore, environ neuf minutes improvisées où tout se calme, s’étire et prend le temps, de se superposer ou de jouer côte à côte, de rêver un peu, batifoler et discourir avec lenteur, saisir une mélodie qui traverse l’esprit et chuchoter encore et encore…

La partie six est encore plus brève, dépassant avec peine la normalité des tubes du top cinquante, pourtant les corps sont à nouveau prêts, c’est l’heure de la décharge, à nouveau de l’impro, mais free, collective, violente et puissante, on balance les dernières forces, se vidant de sa dernière eau, parce qu’il faut tout donner, tout lâcher, le public ne sera pas déçu, ah non !

Die Like A Dog Quartet – Little Birds Have Fast Hearts No. 2 [Full Album]
00:00 Part 3
20:19 Part 4
46:00 Part 5
54:49 Part 6

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 25 sept. 2023 13:04

Voici le dernier album de la série, il contient, outre le Cd, un Dvd avec le concert filmé.

La série est encore en cours, on attend d'autres volumes...
Douglas a écrit :
ven. 13 janv. 2023 05:04
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John Zorn - The Hermetic Organ Vol. 10 - Bozar, Brussels (2022)

Voici une des séries les moins suivies de la part des amateurs de la musique de John Zorn, ou alors par ceux qui sont intrigués par cette bizarrerie, pourquoi donc s’est-il entiché de ces orgues au point d’en faire un de ses axes créatifs prioritaires ? Ceux qui suivent ont bien compris que la réponse à cette question plonge dans l’enfance par le biais de la liturgie, l’orgue étant le premier véritable « coup de foudre » ressenti par le jeune Zorn, pour un instrument de musique …

C’est le dixième volume de la rubrique « The Hermetic Organ », placé dans les « Archival Series » de Tzadik, pour les maniaques du rangement. Je vous ai déjà parlé du volume cinq à la « Philarmonie de Paris » et du volume huit « Pour Antonin Artaud ». Celui-ci possède quelques particularités. D’abord, pour la première fois, est inclus un Cd et un Dvd dans une série limitée.

Je dois dire que le Dvd me fait de l’œil, l’enregistrement s’est déroulé dans la salle Henri LeBoeuf, Bozar à Bruxelles. On sait que chaque orgue est unique, comme une œuvre d’art, c’est évidemment extrêmement rare de pouvoir jouer sur un tel instrument, et dans une telle salle, car l’acoustique fait évidemment partie intégrante du son de l’instrument, car l’orgue n’est, j’imagine, pas déplaçable…

Il n’est que de voir John Zorn, dès son entrée, habillé comme à la ville, avec son pantalon de camouflage et son T shirt noir, réclamer des applaudissements, non pas pour lui, mais pour l’instrument, pour ce qu’il représente et pour tous ceux qui l’ont fabriqué avec amour. Car l’orgue est récent et moderne. John Zorn enlève ses chaussures, puis ses chaussettes avant de se lancer dans une longue improvisation consacrée à « une lecture musicale dramatique de la légende épique de Faust » en huit mouvements pour une durée d’environ quarante-quatre minutes.

On sait que l’approche qu’il a de l’instrument est assez singulière, le contraire nous aurait étonné, mais grâce au Dvd on voit l’émotion qui l’étreint et l’immense respect qu’il voue à l’instrument, on voit également sa concentration et aussi, curieusement, la maîtrise dont il fait part lors de cette improvisation. Ce qui ne veut pas dire sans préparation, car Zorn est venu se familiariser avec l’orgue lors de répétitions. Après le solo d’orgue, John Zorn est rejoint par la cantatrice Barbara Hannigan, pour une nouvelle impro en duo « The Angel Of Rédemption ». Le plus fou c’est qu’à la fin de la représentation on voit quelques places libres au premier rang !

Il faudra s’y faire, tout ce que touche John Zorn est marqué d’une « aura » particulière, l’orgue est puissant, massif, et on sent bien que pour en apprécier tous les effets il faut être assis dans la pièce, ou l’église, ou la cathédrale, là où ça se passe, mais, même enregistrée sur Cd, la magie fonctionne avec une redoutable force, pour peu que l’on pousse le volume un peu plus qu’à l’accoutumée.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 26 sept. 2023 01:24

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Fred Frith / Maybe Monday – Digital Wildlife (2002)

Un album sur le label allemand « Winter & Winter » qui présente ses Cds de façon étrange, dans une sorte de gangue d’apparence très solide mais peu protectrice à l’usage, bien qu’ils aient de la gueule. Fred est ici entouré par Maybe Monday, c’est-à-dire Miya Masaoka au koto et à l’électro, Larry Ochs aux saxs sopranino et ténor, ainsi que par Joan Jeanrenaud au violoncelle.

Ne nous voilons pas la face, cet enregistrement live au « 2-Track At Guerilla Euphonics » à Oakland est très expérimental, le concert s’est donné en mai deux mille un, cinq compos sont alignées pour une cinquantaine de minutes.

Ce qui se joue est assez indéfinissable, sinon que ça tombe entièrement sous le signe de l’improvisation, de la création spontanée, il semble qu’il y ait beaucoup d’ajouts également, de travail sur bandes avec trucages, ralentissements, découpages, brefs bricolages en tout genre. Les lignes sont également très sinueuses, sans continuité, ni début ni véritable fin.

Reste une véritable intensité, de la puissance, un savoir-faire inépuisable, une originalité constante avec des brisures qui parfois vous font sursauter et vous surprennent, vous dérangeant alors que vous sembliez bien barrés dans ce marasme, et ça repart, encore et encore…

Une nouvelle fois il semble plus simple de prendre la musique dans son entièreté et de se laisser bouger, plutôt que de vouloir disséquer, rechercher un musicien ou s’attacher à un instrument trop longtemps. Bien que l’ensemble ait une certaine cohérence finalement, il est bon d’accepter de se laisser balader ou déstabiliser parfois, car il y a des points de repères et d’accroches suffisants pour avancer sur le chemin sans se perdre.

La dernière pièce toute fragile « Close To Home », avec l’admirable Larry Ochs, nous positionne gentiment en territoire connu et offre un atterrissage plaisant, délicat et serein.

The Prisoners' Dilemma


Close to Home


Digital Wildlife


Touch I Risk
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 26 sept. 2023 14:15

Voici quelques chroniquettes anciennes, vieilles d'environ une dizaine d'années, celle-ci est la première, consacrée à Sun Ra. On y trouve des défauts et des longueurs dans la démarche.

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Sun Ra Arkestra - Super-Sonic Jazz (1957)

Période de Chicago

"Super-Sonic Jazz" est le premier album paru sur le label El Saturn Records, en 1957. Ce fameux label créé par Sun Ra et son bras droit, ami et partenaire : Alton Abraham. Celui-ci avait plus d’un point commun avec Sun Ra, ils partageaient le même goût pour le mysticisme et l’ésotérisme. Alton Abraham était connu à Chicago pour faire des prédictions et s’intéresser aux livres saints et aux textes occultes, à La Cabale et à Nostradamus. Cette proximité d’intérêt explique leur amitié et leur engagement mutuel dans la création d’El Saturn qui fut l’un des premiers labels indépendants à voir le jour. Le tirage de ce premier album a d'ailleurs été extrêmement limité. Une réédition en 2009 assure aujourd’hui sa disponibilité et sa bonne diffusion. Ce ne sont pas, bien entendu, les premiers enregistrements de Sun Ra, mais très probablement c’est bien là le premier 33 tours enregistré sous son nom.

Cet album n’est donc évidemment pas un album de free-jazz et d’avant-garde, il se caractérise plutôt par un certain classicisme tourné vers le hard bop, en révélant ici ou là un penchant envers ce mouvement de la fin des années 50 qu'on appela « l’exotica ». L’exotisme ici, ce ne sont pas les guitares des îles Hawaïenne ni les charmes de la musique indienne, mais, quand on s'appelle "Sun Ra" il faut faire montre d'ambition et se tourner vers ce qui est grand: l’espace et son infini. D'ailleurs au verso de la pochette on peut lire un poème de Sun Ra appelé : Points on the Space Age, il y parle de ses deux centres d’intérêts principaux, la musique et la cosmologie.

On reconnaît sur cet album ce qui fait la forme du jazz conventionnel au sein d’un big band : le swing et l’académisme des arrangements. D’après certains spécialistes, c’est sur ce disque qu’on entendrait pour la première fois l’enregistrement d’un piano électrique sur un enregistrement de Jazz (cf. India).

Quelques thèmes de cet album seront réutilisés sur des enregistrements ultérieurs. "Medicine For A Nightmare" sur Angels and demons at play, "El Is A Sound Of Joy" sur Sound of Joy et "Blues At Midnight" sur Jazz in Silhouette.

"India" se situe dans la lignée de cette musique exotique, le piano de Sun Ra esquisse un thème simple sur lequel Art Hoyle à la trompette dépose un très beau solo, la musique est propre à évoquer l’Orient. On remarque déjà le goût de Sun Ra pour les percussions, elles foisonnent et fourmillent. Cet apport sera constant au fil des décennies, marquant profondément une forte empreinte sur son style musical. Au sein de l’Arkestra tout membre est d'emblée aussi percussionniste.

Sur "Sunology", Pat Patrick puis John Gilmore nous offrent deux solos dans la tradition, baryton et ténor se lovent au rythme paresseux de cette douce ballade bluesy. "Advice To Medics" est un solo du maître, sur ce fameux piano électrique, aérien et solaire, qui sera la marque de la modernité du grand céleste. "Super Blonde" (Bronze Super sur une réédition impulse !) évoque simplement l’histoire d’une…super Blonde, comme indiqué sur la pochette ! C’est le premier morceau qui sonne à la façon d’un big band traditionnel, rythme enlevé, succession de solos des cuivres ou des anches…

"Kingdom Of Not" nous peint un royaume traversé par un magnifique solo de John Gilmore, sur un tempo assez vif et enjoué. "Portrait Of The Living Sky" est, lui, dévolu à la rythmique sur lequel Sun Ra dépose quelques grappes de notes au piano…"Blues At Midnigh"t donne brillamment à John Gilmore et à Art Hoyle l’occasion de démontrer leur technicité et leur feeling en solo, en nous replongeant dans le cadre d’un band hard-bop en vogue alors. "El Is A Sound Of Joy" se pâme avec une certaine lenteur puis évolue avec espièglerie vers un air rythmé, dansant et mutin, Pat Patrick à l’alto dialogue joliment avec Sun Ra.

"Springtime in Chicago" évoque une Amérique de carte postale, variété sucrée et nonchalance, il ne manque que Julie London…"Medicine for a nightmare" clôt l’album sur un tempo rapide qui permet aux solistes de s’exprimer avec vivacité, Sun Ra et son piano électrique, Pat Patrick au baryton et Julian Priester au trombone.

Cet album sonne de temps en temps comme un combo de jazz et parfois comme un véritable big band. Il ne contient rien qui le rende indispensable, si ce n’est son rôle historique évoqué plus haut. Il possède sa part de belles pièces, celles à tendance exotiques me semblent les mieux réussies. Enregistré et conçu en 1956, il est également le premier effort sur Saturn el Records, c’est un bon album sur lequel on perçoit l’excellence des musiciens ainsi qu’un premier pas vers cet ailleurs qui ne cessera de hanter notre mage.

India


Sun Ra - Advice to Medics


Blues at Midnight


Medicine for a Nightmare
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 27 sept. 2023 02:30

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Art Ensemble Of Chicago – The Sixth Decade - From Paris To Paris (Live At Sons D’Hiver) – (2023)

Cet album sorti au début de l’année, a été enregistré en live à la Maison des Arts de Créteil, pendant le Festival « Sons d’hiver », le sept février deux mille vingt. Sont présents et honorés deux des membres historiques de l’Art Ensemble, Roscoe Mitchell au saxophone alto et sopranino, il est toujours très vaillant et joue encore en utilisant parfois la technique du souffle continu.

Famoudou Don Moye n’est pas un des fondateurs de la formation mais il l’a rejointe assez tôt, « Chi Congo », sorti en soixante-douze, est le premier album où il est crédité. Il est présent ici aux multiples percussions ainsi qu’à la batterie. Il faut ajouter qu’autour de ces deux icônes de multiples musiciens sont présents, dix-huit apparaissent, listés sur la pochette, dont Moor Mother, Nicole Mitchell, Tomeka Reid, Junius Paul et Steed Cowart à la direction d’orchestre.

Ne vous attendez pas à un album de l’Art Ensemble de l’époque ancienne, ni même de l’époque intermédiaire où encore plus récente, c’est une œuvre à part, très écrite et d’une grande beauté qui semble uniquement s'apparenter à « We Are on The Edge», particulièrement pour le second Cd. Il y a ici beaucoup de respect pour l’œuvre ancienne, ça respire par tous les pores, chacun sait la portée historique de l’Art Ensemble de Chicago, son apport crucial et décisif sur la musique noire.

Des titres comme « « New Coming » ou « Ritual « Great Black Music » en disent beaucoup, la présence évidente et quasi continuelle des percussions dans la musique également. Moor Mother s’empare du spoken word et dramatise à souhait, elle sait faire ! Je ne détaille pas davantage ce premier Cd, celui que je préfère, car l’album est double.

Après une courte ouverture aux essences contemporaines, retour au groove assez rapidement, à partie de la seconde moitié de « We Are on the Edge ». Mais cela ne dure pas, les cordes assez nombreuses ouvrent de nouvelles propositions et la musique s’oriente petit à petit vers une facture classique, avec Boco Cordova et sa voix de basse qui chante à la manière classique, façon opéra en quelque sorte, de quoi surprendre…

Ce détour s’achève assez vite sous les doigts du pianiste Brett Carson au toucher free ou contemporain, permettant un nouveau mouvement de balancier entre musique contemporaine et chœurs tribaux introduits par la voix de Moor Mother, musique blanche et noire frayant de concert…

Le titre quatre, « Funky AECO », renoue avec la tradition de la musique noire et balance comme il faut, apportant un peu de légèreté par ici. Il est vrai que l’œuvre présentée possède indéniablement une prétention normale et naturelle à une certaine reconnaissance, au regard de son titre déjà « La sixième décade de Paris à Paris » qui salue un historique remarquable, mais aussi du contenu qui prétend à une reconnaissance « classique » que l’on accorderait de fait à un opéra contemporain, statut qui, ici, est d’évidence revendiqué.

Une belle œuvre digne de nos deux grands hommes, Roscoe Mitchell et Famoudou Don Moye, qui se voient ainsi honorés par leurs pairs et par le public ! C’est RogueArt qui publie un bel album avec livret et de multiples volets. Bien entendu tout s’achève, après la présentation des musiciens, par une impro, entre figues et raisins, de treize minutes…


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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 27 sept. 2023 12:14

Possiblement le premier album de Sun Ra, il est sorti sur un petit label. Il est plus connu avec la pochette et le titre de "Sun Song".

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Sun Ra - Jazz by Sun Ra Vol. 1 (1957)

«A Chicago, j’ai joué du piano avec Coleman Hawkins, Stuff Smith… La baronne Nica ne l’a sans doute pas cru car, un soir, elle m’a emmené au Village Vanguard où jouait Hawkins. Ella a dû être étonnée car il m’a dit : « Vous êtes la seule personne à avoir écrit quelque chose que je sois incapable de jouer… » En fait ce n’était pas une de mes compositions, mais un arrangement d’ « I’ll remember april… »

Sun Ra

Sans doute issu des mêmes séances d’enregistrement que « Super-Sonic Jazz » pour le label transition qui mettra sous peu la clef sous la porte, , il fait partie des premiers enregistrements de Sun Ra sous son nom. Il a même longtemps été considéré comme son premier LP, sous le nom de "Jazz By Sun Ra Vol. 1" et sera plus connu et popularisé sous le nom de "Sun song" qui lui sera donné lors de la première réédition par Delmark.

Fini les doo-wop, fini les boîtes à strip-tease de Calumet city en compagnie de Pat Patrick et Robert Barry, l’Arkestra va s’étoffer petit à petit, on dit que Sonny Rollins lui-même y fera un passage et John Gilmore y entrera en 1955 pour ne plus le quitter pendant de longues années. C’est juste après les albums pour Transition que Marshall Allen et Ronnie Boykins intègreront le vaisseau spatial et marqueront la fin de ce qu’on appellera « la période de Chicago ». Cette forme orchestrale qui entrera dans les studios en cette année 1956 sera une des plus stables jusqu’au déménagement vers New-York.

« Comme je collectionnais les disques, un vendeur m’a conseillé l’album transition de Sun Ra. Dès que je l’ai entendu, j’ai voulu jouer avec Sun Ra. »

Marshall Allen

«Sun song» est à cheval entre la tradition et la modernité. Il est donc très accessible à une oreille habituée aux arrangements des grands orchestres. Un poil plus « raide » que Super-Sonic Jazz peut-être, un peu plus ancré dans le be-bop, mais il a sa part de modernité.

"Brainville" ouvre l’album de fort belle manière, ce morceau enjoué, sur un tempo rapide, fait penser à Mingus et offre un joli passage où le baryton de Pat Patrick fait entendre sa sonorité majestueuse, en contraste avec la sourdine de la trompette et le son cuivré du trombone de Julian Priester.

"Call For All Demons" s’articule autour d’un magnifique thème, rapide et vif, John Gilmore, Sun Ra et même Jim Herdon au tympan nous offrent de bons moments musicaux…

"Transition" bien pulsé par la basse électrique est secoué par une succession de riffs emmenés par les sections des anches et des cuivres, succession de brefs solos concis et brillants dans la tradition bop, alors que Possession est une ballade vouée à John Gilmore qui louche vers la sérénade la plus sucrée, pièce élégante et sophistiquée.

"Street Named Hel"l est à nouveau rythmé par le tympan et son énorme son de tambour vibrant, tandis que la basse électrique s’exprime en solo avant que n’interviennent la section des anches, on croirait vraiment entendre une musique de film, majestueux, détonnant et déjanté !

Sur "Lullaby For Realville" on pense à nouveau à Charles Mingus l’air est entraînant, la basse groovy et le pupitre d’anches savamment millimétré dans ses interventions… "Future" est voué dans un premier temps à Sun Ra et à son piano, gracieux et avant-gardiste. Les arrangements son subtils et préfigurent l’…avenir.

"New Horizons" est languissant, paresseux, il s’étire lentement avant de s’achever autour d’un joli thème bien policé. "Fall Off The Log" est classique dans sa forme, un hard-bop bien réchauffé qui permet à James Scales et John Gilmore de se mettre en valeur.

"Sun Song" est le morceau “exotique” de l’album, celui qui a le plus de charme avec cet orgue trafiqué et ces coulées de notes au piano. Encore une évocation magique d’un orientalisme rêvé…

Un nouveau témoignage des débuts discographiques du Sun, un hommage à la tradition avec une pointe de modernité, sans doute pas le meilleur choix pour aborder cette première période discographique, l’album restant malgré tout assez sage, ce qui ne lui enlève rien de son charme propre… On pense à Duke Ellington, à Gil Evans, à Charles Mingus, à George Russel mais pourtant ça reste si personnel et identitaire qu’on y entend surtout la marque d’un très grand.

Sun Song


Future


Call For All Demons


Brainville
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 28 sept. 2023 03:13

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Ivo Perelman, Matthew Shipp, Michael Bisio – The Gift (2012)

Les albums du brésilien sont nombreux mais pétris de grâce et de qualité, « The Gift » bénéficie en outre d’un trio de musiciens au top niveau. Ivo Perelman au sax ténor, Matthew Shipp au piano et Michael Bisio à la basse. Les deux derniers sont habitués à jouer ensemble au sein du Matthew Shipp Trio.

On retrouve tout ce qui fait le talent personnel d’Ivo, ce jeu tout en fragilité, souvent dans le secteur le plus aigu du spectre sonore de son instrument. Il n’est pas innocent qu’il soit si productif, il aime discourir, partir dans de longs phrasés, se parler à lui-même où soliloquer. De magnifiques titres ici illustrent ses qualités.

La formule choisie est bien curieuse, mais déjà bien éprouvée, on se souvient bien évidemment de Jimmy Giuffre qui aimait cet attelage, instrument à vent, piano et basse, il en a fait un classique et lui a donné ses lettres de noblesse, bien que l’équilibre soit souvent ténu et que c’est précisément cette fragilité apparente qui fait tout le charme de cet assemblage. Matthew Shipp n’est pas pour rien dans cette architecture parfois branlante. Il aime contrarier le soliste, lui poser des pièges et des chausse-trappes, bien qu’il sache parfaitement qu’ Ivo attend ces moments avec délectation, résolvant chaque problème à la vitesse où il se pose, il n’y a là qu’une connivence de géants.

Michael Bisio est le pôle stable ici, il court, trotte, tourne et propose énormément, c’est un métronome, il fait chanter son instrument, sa basse est joyeuse et champêtre, même si elle sait se montrer grave parfois, ou discrète, si on le lui demande.

Ainsi avance ce trio, avec quelque chose d’insaisissable, sans doute cette vélocité si vivace qu’elle semble appartenir au monde des insectes, impossible à attraper, à saisir, tellement fugace qu’elle s’échappe déjà sitôt qu’on la voit.

Et dans les temps de langueur ou de torpeur, le lyrisme combiné des trois nous plonge dans une sorte de dimension parallèle, où les larmes et les douleurs se combinent et se transforment en un tournis improbable, redonnant forme à notre peine, pour qu’elle nous quitte…

L’album se termine avec « Enlistment », Ivo seul au sax qui réveille les fantômes d’antan…

Too Good to Be True


The Gift


Refuge


A Flower Bewitched and Too Bright by Far
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 28 sept. 2023 12:44

Un album conçu fin 1956...

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The Sun Ra Arkestra - Sound of Joy (1968)

Encore un album de la période de Chicago. Pour des raisons juridiques il ne fut publié qu’en 1968 par Delmark, mais les enregistrements datent bien de la fin de l’année 1956. "El is a sound of joy" est la même version que celle publiée sur l’album Super-Sonic Jazz, "Overtones Of China" , "Two Tones", "Reflections In Blue" et "El Viktor" sont identiques à ceux figurant sur Visits Planet Earth. Il est regrettable que ces enregistrements n’aient pu être publiés en leur temps, ils auraient sans doute été bien accueillis et auraient facilité la reconnaissance de Sun Ra par un plus large public.

Longtemps considéré comme le deuxième album de Sun Ra, cet album se situe dans la lignée artistique du précédent. On y retrouve les mêmes grandes lignes directrices. Un jazz hard-bop joué en grand orchestre. Les sonorités peuvent être soit swing, faisant appel au big-band traditionnel, soit plus intimes, la majorité des musiciens jouant des percussions, assurant une assise rythmique de feu à quelques solistes. Dans tous les cas la spécificité du son porte la signature de Sun Ra, grâce à l’utilisation d’instruments habituellement peu usités en cette période (piano électrique, sax baryton, timpani et autres percussions).

On remarquera que dès les débuts de l’Arkestra, Pat Patrick et John Gilmore étaient présents. Déjà la vie est communautaire et la musique, la vie. Parfois je me suis laissé aller à regarder cette vie communautaire, et plus particulièrement son aspect autoritaire, avec un œil un peu critique et distant. La discipline est en effet une vertu majeure dans l’équilibre humain géré par Sun Ra.

Mais il y a une chose dont il ne faut pas douter c’est de l’amour de tous ceux-là pour la musique. L’argent n’a jamais été considéré comme un fin en soi par Sun Ra et les siens. Le mage était aimé et respecté par ses musiciens, ce qui lui a permis de maintenir à flot un grand orchestre jusqu’à la fin, ce qui est assez unique…

Donc nous avons là un excellent album que l’on peut acquérir sans risque mais attention aux doublons…

Sun Ra - Overtones of China - Sound of Joy


Saturn


Paradise


Ankh
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 29 sept. 2023 02:56

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Johnathan Blake – Passage (2023)

Voici une nouveauté, mais sur Blue Note, difficile du coup de l’éviter, le nom du label possède encore toute sa magie et suffit à décerner des brevets de qualité. C’est en effet toute une écurie qui se tient derrière le label, en particulier ces jeunes musiciens remplis de talent qui assurent le minimum requis, voire plus.

On les connaît bien désormais, ici il y a Immanuel Wilkins au sax alto, Joel Ross au vibraphone, une valeur sûre, David Virelles au piano et Dezron Douglas à la basse, du sérieux quoi. Le leader du jour, Johnathan Blake, est batteur, et barreur par la même occasion, car il montre la voie et dessine le chemin.

C’est le fils de John Blake Jr, violoniste, qui a joué notamment avec Archie Shepp et McCoy Tyner, du beau monde, quoi. C’est également lui qui a composé le morceau titre ici, « Passage » qui symbolise à lui seul cet album. Du post bop de qualité, qui tourne bien et flatte l’oreille comme il faut. Du coup je ne vous fais pas l’explication pour la (superbe) pochette, vous avez deviné.

De plus le fiston compose également, cinq pièces à son nom, toujours dans ce même registre, c’est vraiment une musique sécure, qui ne prend pas de risque mais qui va bien, vu les pointures alignées. Perso j’accroche vraiment avec Joel Ross, ce n’est pas nouveau, mais son jeu est virevoltant, coloré et ménage ici et là quelques surprises qui vont bien.

On pourrait en dire tout autant de la part d’Immanuel, le soliste vedette qui la ramène de temps en temps, ou de Dezron Douglas, entendu plusieurs fois sur International Anthem, qui compose par deux fois par ici. Il faut également souligner le travail au niveau du son, c’est vraiment du haut niveau, la réputation de Blue Note est on ne peut mieux respectée.

Une copie de bon niveau donc, avec un batteur-musicien qui échappe pour une fois au statut de sideman, et attire les lumières. Pour les amateurs de jazz un peu trad et propre sur eux.

Passage


Muna & Johna’s Playtime


Tears I Cannot Hide


Groundhog Day
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 29 sept. 2023 16:08

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Sun Ra & His Solar Arkestra Visits Planet Earth 1956 -1958 - (1966)

C’est donc un cru de la période de Chicago, l’orchestre se nomme alors "Solar Arkestra", première appellation du groupe. La galette est parue une première fois en 1966 sur Saturn Records, et a été récemment rééditée en 2009. La face 2 correspond à des enregistrements de 56 enregistrés lors des sessions de Sound of Joy, l’autre à des enregistrements de 58. Le line-up est donc changeant, évoluant au gré des rencontres, mais les piliers sont déjà là : John Gilmore, Pat Patrick, Charles Davis (dont les noms sont cités sur le recto de la pochette) auxquels il faut ajouter Ronnie Boykins, Marshall Allen etc…

Nous sommes en pleine période be bop, c’est donc dans ce style que s’inscrit l’album, et de fort belle manière. Le terrain est sécurisé, mais on remarque, particulièrement sur les sessions de 58, la singularité du style, les grandes lignes de force de la musique de Sun Ra sont déjà là, en filigrane. Planet Earth est un hymne joyeux, entraînant, un hommage à la nature, plein de vie. Les différents instruments en imitent la richesse et la diversité. Comme souvent avec Sun Ra, la musique évoque un parcours, une marche initiatique. Il nous emmène et nous guide sur une Terre aux mille couleurs, les courts solos des musiciens se succèdent et suggèrent les raffinements de l’exotisme.

Eve est une ode à la féminité et à la fécondation, un magnifique solo de piano aux sonorités dissonantes introduit le morceau qui se développe en phases harmonieuses autour d’un thème qui n’est pas sans rappeler les sonorités du Duke. Après un solo de Pat Patrick à l’alto, les percussions en avant de la musique s’étiolent pour laisser place au retour du thème tout en caresse et rondeur. Overtones of China est une évocation de la Chine à travers sa musique, comme aime à le faire Sun Ra, à sa manière à lui, tympan et timbales évoquent cet orient lointain et mythique. Les orchestrations sont somptueuses et les mélodies invitent au voyage à travers le monde ! A sa façon c’était un précurseur de la World music... même sil prend sa véritable dimension avec la Galaxie music.

Sans surprise les séances de 1956, qui débutent par une interprétation de Reflections in Blue, s’inscrivent dans la tradition du bop. Les solos s’enchaînent avec virtuosité, dans l’ordre on peut entendre Art Hoyle à la trompette, John Gilmore au ténor, Charles Davis au baryton, Sun Ra et son « solar piano » aux sonorités électriques, avec une mention spéciale au solo de…timbales joué par Jim Herndon promu au rang de premier percussionniste.

Two tones
est franchement hard bop, les saxophones barytons, aux sonorités bien distinctes, déploient leur timbre gracieux, Charles Davis et Pat Patrick se répondant avec volubilité et frénésie… El Viktor est une petite perle mexicaine, brève et vivifiante, qui s’insinue entre vos oreilles pour ne plus les quitter. Art Hoyle s’y montre incisif. Saturn la belle fait ici tourner les têtes, virevolter les corps, dans une atmosphère embuée où les circonvolutions des fumées forment d’improbables anneaux.

Une belle réussite pleine de swing, qui plus est en mono. Oui.

Planet Earth


El Viktor


Eve


Reflections in Blue
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 30 sept. 2023 01:59

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Jaimie Branch – Fly Or Die Fly Or Die Fly Or Die ((World War)) – (2023)

Il est arrivé il y a deux ou trois jours, je ne l’ai toujours pas placé sur la platine, je le découvre en même temps que j’écris. La pochette est belle, elle brille et possède des reflets argentés qui lui donne un air de fête, les oiseaux ont des éclats métalliques sur leurs ailes, qui scintillent à la lumière. A l’intérieur se tient un poster assez grand, avec un volet consacré à la documentation et de l’autre côté un chouette portrait de Jaimie Branch en noir et blanc.

Jaimie joue de la trompette, des claviers, des percus, de l’« happy apple », elle chante également. Lester St Louis joue du violoncelle, de la flûte, des claviers et du marimba, le piano à pouces. Jason Ajemian est à la contrebasse ainsi qu’à la basse électrique, il joue également du marimba. Le batteur est Chad Taylor, il joue en sus de différentes percussions.

Des invités sont également présents, je livre les noms en désordre, Nick Broste, Rob Frye, Akenya Seymour, Daniel Villarreal et Kuma Dog. Sur ce fil Jaimie Branch a toujours été célébrée, tant pour ses albums sur International Anthem que ceux avec Dave Gisler ou celui avec Ig Henneman et Anne La Berge, beaucoup plus free. Ne manque de sa discographie que l’album dématérialisé, en espérant qu’il se transforme en quelque chose de plus solide.

Elle nous a quitté à l’âge de trente-neuf ans, toute jeunette encore et pétrie de talent. C’était l’année dernière, hier encore. Bien que l’album soit posthume il faut observer la chronologie des événements sans passion, et constater que d’évidence cet album, signé par la formation Fly or Die, était déjà très avancé avant que n’arrive le décès quelques semaines plus tard de la fabuleuse trompettiste.

Restait à terminer le mixage, à achever la maquette de la pochette, bref le projet était déjà très avancé, et on peut compter sur les proches et l’équipe d’International Anthem pour amener ce projet le plus possible en adéquation avec ce que voulait Jaimie Branch.

Je crois bien que tout le monde l'aimait, on la disait punk, hors système, un peu décalée et pétillante. Je l’ai aimée de suite, sa drôle de bouille, sa rondeur et même un côté un peu mec avec les manches de chemise retroussées et la casquette à la Gavroche. Le premier album de Fly or Die déjà extraordinaire, mais le suivant encore plus fort et le live tout simplement éclatant. Celui-ci possède également ses grands moments même s’il sonne parfois étrangement à mes oreilles.

Il innove encore et s’échappe du jazz pour embrasser les musiques populaires, la chanson, descendre une marche pour rencontrer un public plus large, en tout cas c’est ce qu’il me semble. Reste l’émotion, grande. Il y a de la solennité dans l’intro de cet album, une gravité le temps de quelques secondes, comme pour signifier qu’il faut se tenir droit et redresser la tête, fermer les yeux et se recueillir, écouter encore une fois Jaimie…

world war ((reprise))


burning grey


borealis dancing


jaimie branch - "the mountain" [official video]
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 30 sept. 2023 18:36

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The Nubians Of Plutonia (Saturn Research LP406) - 1969

Enregistré entre cinquante-huit et cinquante-neuf, c’est l’un des derniers enregistrements de Sun Ra avant le déménagement vers New-York, où l’Arkestra s'installera dans l'East Village de Manhattan, mettant fin à « la période de Chicago ». Cet album va clore de façon mémorable ce qui restera non seulement une marque géographique mais également un style particulier de l’Arkestra, une façon de jouer, entre le be bop et la musique stellaire qui déjà se dessine. Cette période, faite de multiples petites avancées stylistiques recèle plein de petits trésors finement ciselés, comme sur cet album-ci, sans doute l’un des plus beaux. Cet album aura deux vies, une première, un peu cachée et secrète, faite de ventes par les membres de l’Arkestra à la fin des concerts. Une autre, éclatante, entretenant la légende, après une réédition par Impulse en 1974.

« Plutonian Nights » commence par un thème répétitif au piano, bien vite le son de baryton s’ajoute et sa sonorité colorise le thème de façon exquise. John Gilmore joue un solo bien ciselé, soutenu par un rythme carré, joyeux et tribale. Le thème est entraînant, le rythme sautillant est irrésistible… La marche commence… « The Golden Lady » se nommait à l’origine « « Lady with the golden stockings », c’était également le nom de l’album à l’origine. Ce n’est qu’en 1969 qu’il sera renommé « The Nubians Of Plutonia » plus explicite et en accord un peu plus intime avec la musique jouée. Ici, le rythme, répétitif et entêtant, nous renvoie à l’Afrique, James Spaulding à l’alto, puis Marshall Allen à la flûte, explorent cette « jungle » qui n’est pas sans évoquer le Duke, tandis que le rythme se complexifie insidieusement, puis c’est Lucius Randolph qui explore ces contrées, les percussions de Robert Barry et Jim Herndon évoquent les rythmes anciens, à la fois vecteurs de transe et de communication. Lors de ses concerts Sun Ra aimera marcher accompagné par cette musique, vêtu en pharaon et accompagné par le son des percussions.

« Start Time » ! Levez-vous, c’est l’heure de partir ! Oyez oyez ! Écoutez le Grand Orchestre de Sun Ra qui mieux que personne, sait rejouer ces airs be bop surgis du passé. La culture musicale de Sun Ra est immense, il a traversé nombre de périodes musicales au cours de sa vie, et la musique a été toujours le centre de son existence… Il envoie, comme ça, un arrangement tel qu’il a pu, autrefois, en concocter pour Fletcher Henderson, lorsqu’il jouait à ses côtés, trépident, joyeux et festif ! « Nubia », située dans cette Afrique de l’Est à laquelle Sun Ra a voué une grande admiration pour son passé prestigieux, entre le Soudan et L’Egypte du Sud… L’évocation est vive, foisonnante et luxuriante. Le piano électronique de Sun Ra butine au rythme des percussions, les tambours improvisent des rythmes surgis d’un passé qui évoque la grandeur et la beauté des réalisations du peuple noir, ainsi que la magnificence d’une histoire mythique et grandiose. On entend même, en duo avec la basse, des sons de cloches nigériennes agités par John Gilmore. Encore une superbe évocation riche en rythme et en couleurs, pleine de mystère et d’inventivité.

Avec « Africa » nous poursuivons la visite de cette glorieuse Afrique, tambours et percussions nous emmènent en une longue marche vers la redécouverte des valeurs passées, source de cette philosophie qui se prolonge vers le cosmos et l’universel, en une harmonie parfaite. La procession avance, les chants nous accompagnent, Marshall Allen nous envoûte au son de sa flûte, puis le rythme soudainement s’accélère, voilà, ça y est, nous y sommes… « Watusa » est martial, joyeux, virevoltant et victorieux. Ce morceau respire la joie et l’allégresse, on le réentendra souvent lors des performances « live » de l’orchestre, il marque un aboutissement et possède la force d’un hit au royaume du Sun… Eclatant !

« Aiethopia » évoque une imposante et majestueuse marche processionnelle. A nouveau une grande richesse rythmique, foisonnante, pour accompagner et symboliser un long cheminement, peut-être initiatique, plusieurs fois proposé tout au long de cet album. Il symbolise avec force, au travers d’un passé mythique, la longue marche du peuple noir, toujours soumis à la ségrégation et au racisme… à New-York, Sun Ra côtoiera les Black Panthers !

S’il n’en faut qu’un, pourquoi pas celui-ci ?

The Lady with the Golden Stockings (a.k.a. The Golden Lady)


Watusa (a.k.a. Watusi)


Nubia


Aiethopia


Africa
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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 1 oct. 2023 02:54

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Don Cherry, Jean Schwarz – Roundtrip (1977) (Live at Théâtre Récamier, Paris) - (2023)

Voici un nouvel album posthume de la part de Don Cherry, cette fois-ci sur le label « Transversales Disques » à qui l’on doit le « Live In Paris 75 » de Pharoah Sanders ou le « Live In Paris 74 » de Shepp, autant d’albums inédits et fort passionnants.

Celui-ci est en fait une rencontre entre Don Cherry que nous connaissons assez bien et Jean Schwartz qui possédait ces bandes dans ses archives personnelles depuis quarante-cinq ans. Ce dernier est historiquement rattaché à la musique électronique et membre du G.R.M. c’est-à-dire du « Groupe de Recherche Musicale », fondé par Pierre Shaeffer qui créa également le centre de recherche et d’expérimentations en musique électroacoustique.

Pour résumer nous avons en présence un musicien amoureux des musiques du monde et curieux de tout, avec un autre avide de recherches et passionné par les nouvelles musiques et l’électro, de quoi créer, le temps d’un concert au festival Paris MIX (Théâtre Récamier), un mélange atypique et encore relativement nouveau.

Côté Jazz outre Don Cherry à la trompette de poche, au chant, au doussn’ gouni, une guitare traditionnelle malienne, et aux sifflets divers, se tient Michel Portal au saxophone, à la basse clarinette et au bandonéon, Jean-François Jenny Clark à la contrebasse et Naná Vasconcelos aux percussions, précisons que ce dernier est un monsieur.

L’équilibre se fait souvent de façon égale dans la balance, le quartet de jazz d’un côté et l’électro de l’autre, avec des basculements d’un côté ou de l’autre selon les nécessités du moment. L’ambiance générale est très cool, calme, propre à laisser son esprit vagabonder au fil des rêveries.

On y trouve ce goût pour les thèmes mélodiques souvent apportés par Don Cherry, des percussions tout en finesse et en subtiles envolées se glissent dans la musique, lui apportant des parfums exotiques et des couleurs variées. Quelques moments inattendus également comme le duo bandonéon et rythmes électros sur « Bando ».

C’est d’ailleurs souvent les noms des instruments qui sont à l’origine des pièces ici, comme « Doussn’ Gouni », ou « Bells One », « Berimbau » ou encore « Whistles », la toute dernière pièce, probablement à l’initiative de Don Cherry se nomme « Tribute to Ornette ».

On notera également que cette ouverture vers l’électro n’est pas tout à fait nouvelle pour Don Cherry qui avait déjà enregistré l’album « Human Music » avec Jon Appleton aux synthés et à l’électro également.

Cet album est parfaitement agréable et apportera une nouvelle page sonore à la discographie de Don Cherry, mais sans surprendre vraiment, il s’y montre égale à lui-même, avec beaucoup d’élégance. Jean schwarz est ici l’élément novateur, il se glisse avec talent dans la musique de Don Cherry et se montre un levier capable de la hisser à une autre échelle, la rencontre est belle et féconde.

Doussn' Gouni (Pt. 1)


Intro (Live)


Doussn' Gouni (Pt. 2)


Bando (Live)
We will dance again...

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