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par dark pink » jeu. 27 juin 2024 13:49
Je n’aime ni les voyages, ni les exploits sportifs et pourtant j’ai regardé ce film en entier d’une seule traite alors que j’avais prévu de le voir en deux fois. C’est sans doute parce que j’aime bien les gens et ce film nous montre des gens. Vraiment. Sans chichis. Le personnage principal, Sébastien, est accompagné de deux amis et d’un caméraman et il le dit clairement : il ne réalise pas là son rêve, il rêvait d’autre chose avant que le drame le frappe. Il a d’ailleurs la pudeur de ne pas s’épancher sur ses espoirs passés. Il a changé de but mais a bien l’intention de l’atteindre. Il est Hand-y-Capable, c’est son mot. Alors sans l’usage de ses jambes, sur un vélo à trois roues qui navigue au ras des pâquerettes il va traverser l’Amérique du Sud sur les traces de Saint Exupéry et Mermoz et nous prouver qu’on se fout des chiffres qu’indique l’altimètre pour naviguer au plus haut.
Sa démonstration est à la fois magistrale et modeste. A l’image de ces camions monstrueux, qui ont autant d’essieux que les chenilles processionnaires ont de pattes, qui le doublent en klaxonnant tels des Bip-Bip saluant le Coyote. Et il faut être un sacré Coyote pour se taper 500 kilomètres sur un engin aussi frêle. L’hommage tonitruant des concerts de klaxons est à la hauteur de la gageure. Les chauffeurs, qui connaissent la route, ne s’y trompent pas. Malgré les apparences, le géant, c’est lui ! Chaque tour de roue en plaine rectiligne sans fin ou en montée de lacets interminables est un exemple pour tous les gens frappés par un handicap mais aussi pour tous les autres. « Vous voulez faire un truc ? Faites-le ! » Car il y a les descentes à plus de 50 à l’heure où on peut sentir le vent et admirer le paysage.
La caméra d’Alain Piton nous montre des gens ordinaires qui font un truc extraordinaire mais à aucun moment, on ne peut oublier qu’ils sont comme nous et qu’on est comme eux. Dans une entreprise aussi fatigante, même aussi bien préparée, on a du mal à penser qu’il n’y ait pas eu parfois des engueulades. Mais la caméra ne les montre pas car le maître mot de tout ça est la pudeur. Et on peut penser que ce comportement est encore plus humain que la colère. IL est bien possible aussi qu’il n’y en ait pas eu car ce mec qui mouline ad lib ne le fait pas avec n’importe-qui ! Il est avec ses amis ! Leurs paroles paisibles autant que leurs actes bienveillants rendent le pari possible. « With a little help from my friends » tout est faisable, CQFD. Avec les rencontres fortuites encourageantes, un vieux mec sur un vélo antédiluvien, un gamin sur un stade, des clientes sur un marché, etc. On voit des gens, des gens et des gens. Certes le décor est grandiose et la musique « american road trip » le souligne mais on retient surtout les visages souriants qui répondent à Sébastien.
L’épisode final de la fermeture inopinée du musée de l’Aéropostale, but ultime de ce voyage, enfonce le clou : nous n’avons pas besoin de voir des avions ou des vestiges des pionniers de l’aviation pour se rendre compte d’un chose simple et pourtant extraordinaire : sur son vélo au ras du goudron, ce mec vole !